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26/10/2021 | FRANCE | N°20DA01370

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 26 octobre 2021, 20DA01370


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Paysages de France a demandé au tribunal administratif d'Amiens, en premier lieu, d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Aisne a refusé de faire usage des pouvoirs de police prévus à l'article L. 581-27 du code de l'environnement, en deuxième lieu, d'enjoindre à ce préfet de faire constater des infractions sur le territoire de la commune de Vauxbuin et de prendre des arrêtés de mise en demeure en vue de la mise en conformité ou de la suppression des dispositifs publici

taires irréguliers dans un délai de quinze jours, d'inviter le maire de Va...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Paysages de France a demandé au tribunal administratif d'Amiens, en premier lieu, d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Aisne a refusé de faire usage des pouvoirs de police prévus à l'article L. 581-27 du code de l'environnement, en deuxième lieu, d'enjoindre à ce préfet de faire constater des infractions sur le territoire de la commune de Vauxbuin et de prendre des arrêtés de mise en demeure en vue de la mise en conformité ou de la suppression des dispositifs publicitaires irréguliers dans un délai de quinze jours, d'inviter le maire de Vauxbuin, en cas d'inexécution par les contrevenants, à liquider et à recouvrer l'astreinte dans un délai d'un mois à compter de la notification des arrêtés, et, à défaut de diligence du maire, de liquider et recouvrer la créance au profit de l'Etat sous astreinte de 150 euros par jour de retard, en troisième lieu, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 13 137,18 euros au titre du préjudice moral qu'elle estime avoir subi.

Par un jugement n°1800198 du 30 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a, en premier lieu, annulé, sous réserve de la suppression ou de la mise en conformité des dispositifs publicitaires irréguliers, les infractions correspondant à la fiche de relevé d'infractions n°02-VB-14, en deuxième lieu, enjoint au préfet de l'Aisne de prendre les mesures prévues par l'article L. 581-27 du code de l'environnement dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, en troisième lieu, condamné l'Etat à verser une somme de 1 000 euros à l'association Paysages de France en réparation de son préjudice moral.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2020, la ministre de la transition écologique demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter, en toutes ses conclusions, les conclusions présentées en première instance par l'association Paysages de France.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Paysages de France a demandé au préfet de l'Aisne, par un courrier reçu le 29 juillet 2016, d'une part, de faire constater par une des personnes habilitées mentionnées à l'article L. 581-40 du code de l'environnement l'irrégularité de six dispositifs publicitaires installés le long de la route nationale n°2 entre les communes de Vauxbuin et de Soissons et, d'autre part, d'ordonner la suppression ou la mise en conformité de ces dispositifs. Le silence gardé par le préfet de l'Aisne sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet. Par un courrier du 26 juillet 2017, l'association Paysages de France a adressé au préfet de l'Aisne une réclamation préalable tendant à l'indemnisation de son préjudice moral né de l'illégalité de cette décision implicite et évalué à 13 137,18 euros.

2. Par un jugement du 30 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens, à la demande de l'association Paysages de France, a, d'une part, annulé cette décision de rejet, d'autre part, enjoint au préfet de l'Aisne de faire constater, sous réserve de la suppression ou de la mise en conformité des dispositifs publicitaires irréguliers, les infractions par un agent habilité à cette fin et de prendre les mesures prévues par l'article L. 581-27 du code de l'environnement dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, enfin, condamné l'Etat à verser une somme de 1 000 euros à l'association Paysages de France en réparation de son préjudice moral. La ministre de la transition écologique relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". La minute du jugement attaqué comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cette disposition doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

4. Il résulte des articles L. 581-2 et L. 581-3 du code de l'environnement que constitue une " préenseigne ", au sens du chapitre Ier du titre VIII du livre V de ce code, toute inscription, forme ou image, visible de toute voie ouverte à la circulation publique, " indiquant la proximité d'un immeuble où s'exerce une activité déterminée ". En vertu de l'article L. 581-19 du même code, les préenseignes sont soumises aux dispositions qui régissent la publicité. A ce titre, aux termes de l'article R. 581-42 du même code : " Le mobilier urbain peut, à titre accessoire eu égard à sa fonction et dans les conditions définies par la présente sous-section, supporter de la publicité non lumineuse ou de la publicité éclairée par projection ou par transparence ". Selon l'article R. 581-47 du même code : " Le mobilier urbain destiné à recevoir des informations non publicitaires à caractère général ou local, ou des œuvres artistiques, ne peut supporter une publicité commerciale excédant la surface totale réservée à ces informations et œuvres. Lorsque ce mobilier urbain supporte une publicité d'une surface unitaire supérieure à 2 mètres carrés et qu'il s'élève à plus de 3 mètres au-dessus du sol, il doit être conforme aux dispositions des articles R. 581-31 et R. 581-32 et du premier alinéa de l'article R. 581-33 ".

5. Aux termes de l'article L. 581-27 du même code : " Dès la constatation d'une publicité, d'une enseigne ou d'une préenseigne irrégulière au regard des dispositions du présent chapitre ou des textes réglementaires pris pour son application, et nonobstant la prescription de l'infraction ou son amnistie, l'autorité compétente en matière de police prend un arrêté ordonnant, dans les quinze jours, soit la suppression, soit la mise en conformité avec ces dispositions, des publicités, enseignes ou préenseignes en cause, ainsi que, le cas échéant, la remise en état des lieux ". Selon l'article L. 581-32 du même code : " Lorsque des publicités ou des préenseignes contreviennent aux dispositions du présent chapitre ou des textes réglementaires pris pour son application, l'autorité compétente en matière de police est tenue de faire usage des pouvoirs que lui confère l'article L. 581-27, si les associations mentionnées à l'article L. 141-1 ou le propriétaire de l'immeuble sur lequel ont été apposées, sans son accord, les publicités ou préenseignes, en font la demande ".

6. Aux termes du I de l'article L. 581-40 du même code dans sa version applicable au présent litige : " I. - Pour l'application des articles L. 581-14-2, L. 581-27, L. 581-34 et L. 581-39, sont habilités à procéder à toutes constatations, outre les officiers de police judiciaire : / 1° Les agents de police judiciaire mentionnés aux articles 20 et 21 du code de procédure pénale ; / 2° Les fonctionnaires et agents habilités à constater les infractions aux lois du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques et au titre IV du livre III du présent code ; / 3° Les fonctionnaires et agents habilités à constater les infractions aux dispositions du code de la voirie routière ; / 4° Les fonctionnaires et agents publics habilités à constater les infractions au code de l'urbanisme ; / 5° Les fonctionnaires et agents des services de l'Etat et de ses établissements publics, commissionnés à cet effet et assermentés ; / 6° Les agents habilités par les collectivités locales à constater les infractions au code de la route en matière d'arrêt et de stationnement des véhicules automobiles en vertu de l'article L130-4 dudit code ; / 7° Les agents des collectivités territoriales assermentés et commissionnés à cet effet par l'autorité compétente en matière de police définie à l'article L. 581-14-2 ; / 8° Les fonctionnaires et agents mentionnés à l'article L. 341-20 du présent code, commissionnés et assermentés ; / 9° Les agents des réserves naturelles mentionnés à l'article L. 332-20 agissant dans les conditions prévues à cet article ; / 10° Les gardes du littoral mentionnés à l'article L. 322-10-1, agissant dans les conditions prévues à cet article ".

7. En application de ces dispositions, l'autorité de police compétente est tenue de faire cesser des manquements aux prescriptions applicables aux publicités et préenseignes en ordonnant leur suppression ou leur mise en conformité, lorsque ces manquements ont été constatés par un officier de police judiciaire ou par une des personnes mentionnées à l'article L. 581-40 du code de l'environnement, ou, même en l'absence d'une telle constatation, lorsque la réalité de ces manquements est établie par les éléments fournis par une association agréée pour la protection de l'environnement ou le propriétaire de l'immeuble sur lequel ont été apposées, sans son accord, des publicités ou préenseignes, à l'appui d'une demande tendant à la mise en œuvre des pouvoirs de police prévus à l'article L. 581-27 du même code.

8. Il ressort des éléments transmis le 29 juillet 2016 au préfet de l'Aisne par l'association Paysages de France que, sur un même accotement non accessible aux piétons d'un tronçon de la route nationale n°2 reliant la commune de Vauxbuin à celle de Soissons et comportant en son centre un large terreplein, ont été installés, derrière la glissière de sécurité, six panneaux de mobilier urbain comportant, chacun, sur leur face orientée vers les véhicules longeant cet accotement en direction de Soissons, des indications sur les activités de commerces situés à proximité et, sur leur face orientée, selon un angle plus resserré, vers les véhicules circulant en direction de Vauxbuin sur la voie opposée à cet accotement, des photographies légendées représentant des éléments du patrimoine culturel et naturel de cette commune et, pour l'un de ces panneaux, une inscription invitant les conducteurs à respecter l'environnement.

9. Eu égard, d'une part, aux inscriptions, formes et images qu'ils revêtent et, d'autre part, à leur implantation et orientation, ces éléments de mobilier urbain donnaient principalement à voir aux usagers de la voie publique des indications constitutives d'une préenseigne et, à titre accessoire, des informations non publicitaires à caractère local. Par suite, ces éléments de mobilier urbain n'étaient pas conformes, en l'absence de règlement local de publicité, aux prescriptions de l'article R. 581-42 du code de l'environnement, qui sont applicables, en vertu de l'article L. 581-19 du même code, aux préenseignes.

10. Au vu des éléments précis et circonstanciés ainsi transmis par l'association Paysages de France, qui établissaient l'irrégularité des six panneaux en cause, dont elle demandait en qualité d'association agréée pour la protection de l'environnement la suppression ou la mise en conformité, le préfet de l'Aisne était tenu, en application de l'article L. 581-32 du code de l'environnement, de faire usage des pouvoirs de police que lui confère l'article L. 581-27 du même code pour faire cesser ces irrégularités, alors même qu'elles n'avaient pas été constatées par un officier de police judiciaire ou par une des personnes mentionnées à l'article L. 581-40 du code de l'environnement.

11. Il résulte de ce qui précède que la ministre de la transition écologique n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision implicite par laquelle le préfet de l'Aisne avait refusé de faire usage des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 581-32 du code de l'environnement.

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

12. Il est constant que les six panneaux irréguliers ont été supprimés après la lecture du jugement attaqué. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par l'association Paysages de France.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnité :

13. Il résulte de l'instruction qu'eu égard, d'une part, à la durée et à la nature des irrégularités relevées ci-dessus et, d'autre part, aux démarches accomplies par l'association Paysages de France et à l'atteinte qui a été portée aux intérêts dont elle assure la défense, la décision du préfet de l'Aisne, en tant qu'elle a illégalement refusé de supprimer ou de mettre en conformité les six éléments de mobilier urbain mentionnés ci-dessus, a causé à l'association un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant, dans les circonstances de l'espèce, à la somme de 1 000 euros.

14. Par suite, la ministre de la transition écologique n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a condamné l'Etat à verser à cette association une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle a subi. En outre, sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, les conclusions d'appel incident présentées par l'association Paysages de France portant de 13 137,18 euros à 50 000 euros le montant de l'indemnisation demandée doivent être rejetées.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'association Paysages de France et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la ministre de la transition écologique est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par de l'association Paysages de France à titre incident et au titre des frais de justice sont rejetées.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à l'association Paysages de France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la transition écologique et à l'association Paysages de France.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de l'Aisne et à la société Du-Curtil Publicité.

N° 20DA01370

6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01370
Date de la décision : 26/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : BONFILS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-10-26;20da01370 ?
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