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14/10/2021 | FRANCE | N°20DA01329

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 14 octobre 2021, 20DA01329


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé, par quatre requêtes distinctes au tribunal administratif de Lille, d'annuler la décision par laquelle le maire de Béthune a implicitement rejeté sa demande indemnitaire et la décision du 20 mars 2018 par laquelle ce maire a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident qu'elle a subi le 13 décembre 2016, d'enjoindre à la commune de Béthune de réexaminer sa demande d'imputabilité au service, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notif

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé, par quatre requêtes distinctes au tribunal administratif de Lille, d'annuler la décision par laquelle le maire de Béthune a implicitement rejeté sa demande indemnitaire et la décision du 20 mars 2018 par laquelle ce maire a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident qu'elle a subi le 13 décembre 2016, d'enjoindre à la commune de Béthune de réexaminer sa demande d'imputabilité au service, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, de condamner la commune de Béthune à lui verser la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral causé par le harcèlement moral dont elle a été victime.

Elle a également demandé d'annuler la décision du 1er février 2019 par laquelle le maire de Béthune a rejeté sa demande de protection fonctionnelle et d'enjoindre à la commune de Béthune de réexaminer sa demande de protection fonctionnelle, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir.

Elle a aussi demandé d'annuler l'arrêté n° 2019-1068 du 29 mars 2019 par lequel le maire de Béthune a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident qu'elle a subi le 13 décembre 2016 et d'enjoindre à la commune de Béthune de réexaminer sa demande d'imputabilité au service de cet accident, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir.

Elle a, enfin, demandé d'annuler l'arrêté n° 2019-1069 du 29 mars 2019 par lequel le maire de Béthune a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie à compter du 27 juin 2017 et d'enjoindre à la commune de Béthune de réexaminer sa demande, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir.

Dans chacune des quatre requêtes elle demandait la condamnation de la commune de Béthune à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement commun n° 1808305, 1902755, 1904810, 1904813 du 3 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 20 mars 2018 et les arrêtés n° 2019-1068 et n° 2019-1069. Il a enjoint à la commune de Béthune de réexaminer les demandes présentées par Mme B... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service, d'une part, de l'accident du 13 décembre 2016 et, d'autre part, de sa maladie, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et rejeté le surplus des conclusions des requêtes et les conclusions présentées par la commune de Béthune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 28 août 2020 et un mémoire enregistré le 17 septembre 2020 sous le n° 20DA01329, la commune de Béthune, représentée par Me Barège, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule la décision du 20 mars 2018 et les arrêtés n° 2019-1068 et n° 2019-1069 et lui enjoint de réexaminer les demandes présentées par Mme B... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service, d'une part, de l'accident du 13 décembre 2016 et, d'autre part, de sa maladie, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement contesté ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 3 500 euro au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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II. Par une requête, enregistrée le 31 août 2020 sous le n° 20DA01346, la commune de Béthune, représentée par Me Barège, demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Lille du 3 juillet 2020 en tant qu'il a annulé la décision du 20 mars 2018 et les arrêtés n° 2019-1068 et n° 2019-1069 et enjoint à la commune de Béthune de réexaminer les demandes présentées par Mme B... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service, d'une part, de l'accident du 13 décembre 2016 et, d'autre part, de sa maladie, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 500 euro au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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III. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 septembre 2020, 1er mars et 2 avril 2021 sous le n° 20DA01360, Mme E... B..., représentée par Me Cattoir, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions concernant le harcèlement moral, l'indemnisation de son préjudice et l'octroi de la protection fonctionnelle ;

2°) de condamner la commune de Béthune au paiement d'une somme de 50 000,00 euros au titre de son préjudice moral ;

3°) d'annuler la décision du 1er février 2019 portant refus d'octroi de la protection fonctionnelle à compter du 16 octobre 2018 ;

4°) d'enjoindre à la commune de Béthune de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et assortir cette injonction d'une astreinte à raison de 500 euros par jour de retard ;

5°) de condamner la commune de Béthune à lui verser une somme de 10 000 euro au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public;

- et les observations de Me Bertin pour la commune de Béthune et de Me Cattoir pour Mme B....

Une note en délibéré présentée pour Mme B... par Me Cattoir a été enregistrée le 24 septembre 2021 dans le dossier n° 20DA01360.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Béthune par Me Barège a été enregistrée le 6 octobre 2021 dans le dossier n° 20DA01360.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... est employée depuis le 24 mars 1987 par la commune de Béthune, en qualité d'adjoint administratif principal. Elle a été également représentante du personnel pendant plusieurs années et jusqu'aux dernières élections professionnelles au sein des services de la commune de Béthune. Par quatre requêtes, elle a demandé l'indemnisation du harcèlement moral qu'elle estime avoir subi et l'annulation des décisions par lesquelles la commune de Béthune a refusé de lui octroyer la protection fonctionnelle et a rejeté ses demandes d'imputabilité au service de l'accident du 13 décembre 2016 et de la maladie qui en a résulté. Par un jugement commun du 3 juillet 2020 le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 20 mars 2018 et l'arrêté n° 2019-1068 du 29 mars 2019 refusant l'imputabilité au service de l'accident du 13 décembre 2016 et l'arrêté n° 2019-1069 du 29 mars 2019 refusant l'imputabilité au service de la maladie. Il a enjoint à la commune de Béthune de réexaminer les demandes présentées par Mme B... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident et de la maladie, dans un délai de deux mois et rejeté le surplus des conclusions des requêtes et les conclusions présentées par la commune de Béthune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions concernant le harcèlement moral, l'indemnisation de son préjudice et l'octroi de la protection fonctionnelle. La commune de Béthune en relève également appel et en demande le sursis à exécution en tant qu'il a annulé la décision du 20 mars 2018 et les arrêtés n° 2019-1068 et n° 2019-1069 et lui a enjoint de réexaminer les demandes d'imputabilité au service de l'accident et de la maladie.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 20DA01329, n° 20DA01346 et n° 20DA01360 visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur les conclusions d'appel incident :

3. Dans l'instance n° 20DA01329, Mme B... développe des conclusions d'appel incident tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ainsi que ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle, toutefois elles soulèvent un litige distinct de l'appel principal de la commune de Béthune. Par suite, elles sont irrecevables.

4. Dans l'instance n° 20DA01360, la commune de Béthune articule des conclusions d'appel incident tendant à l'annulation du même jugement en tant qu'il a annulé ses décisions et arrêtés de refus d'imputabilité de l'accident et de la pathologie au service et l'a enjoint au réexamen des demandes d'imputabilité formées par Mme B..., toutefois elles soulèvent un litige distinct de l'appel principal de Mme B.... Par suite, elles sont irrecevables.

Sur la régularité du jugement :

5. La commune de Béthune soutient que le jugement est entaché d'une motivation insuffisante, en ce qui concerne l'évènement constitutif de l'accident et qu'il est entaché d'une motivation contradictoire dès lors que la situation de harcèlement moral mise en exergue au soutien d'une reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident a été écartée, et de l'absence de réponse à certains moyens de défense. Mais le jugement est suffisamment motivé et ne comporte aucune omission à statuer quant aux moyens soulevés par les parties alors que, s'agissant d'arguments, qualifiés à tort de moyens développés par la commune, le tribunal n'était pas tenu d'y répondre. Enfin le moyen tiré de la contradiction de motifs ne se rapporte pas à la régularité du jugement mais à son bien-fondé. Par suite, les moyens d'irrégularité du jugement doivent être rejetés.

Sur l'accident de service :

6. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa version alors en vigueur : " (...) Le fonctionnaire en activité a droit : 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ".

7. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., alors qu'elle était en service, le 13 décembre 2016, a ressenti un malaise et a dû se rendre chez son médecin qui l'a placée en arrêt de travail. Elle a fait une déclaration d'accident de service le 6 janvier 2017. Dans ces conditions, la situation de Mme B... doit être regardée comme entièrement régie par les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, et non celles énoncées au II de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, en vigueur depuis le 21 janvier 2017, dès lors que sa situation juridique était constituée avant cette date.

8. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Mais le malaise dont a été victime Mme B... est survenu dans des circonstances non précisément décrites par l'intéressée, qui relate en revanche un contexte de tensions préexistantes, et sans que soit mis en évidence un évènement précis, pouvant caractériser un accident de service, même si une lésion, à savoir un malaise s'est produit ce jour-là. Par suite, et alors que les avis favorables de la commission de réforme des 21 janvier 2018 et 1er mars 2019 favorables à la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet accident ne lient pas l'administration, le maire de Béthune a pu légalement refuser de reconnaître comme l'existence d'un accident de service le 13 décembre 2016. Aussi, la commune de Béthune est fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a annulé sa décision du 20 mars 2018 et l'arrêté du maire de la commune n° 2019-1068 du 29 mars 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité de ce que Mme B... estime être un accident de service survenu le 13 décembre 2016.

9. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Lille.

10. Mme B... soutient que la décision du 20 mars 2018 a été signée par une autorité incompétente. Toutefois par arrêté n° 1-2017-1403 du 9 mars 2017, le maire de Béthune a donné délégation permanente au signataire, M C... D..., directeur général des services de la commune, à l'effet de signer l'ensemble des actes et arrêtés, à l'exclusion d'actes étrangers à la décision en litige. Par suite, ce moyen doit être rejeté.

11. Mme B... soutient que l'arrêté n° 2019-1068 du 29 mars 2019 a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière car la commission de réforme en sa séance du 1er mars 2019 ne comportait pas de médecin spécialiste expert psychiatre. Toutefois un expert psychiatre avait déjà été sollicité par la commission et il avait transmis un rapport le 30 novembre 2018. De plus, la commission de réforme a émis un avis favorable à la reconnaissance comme accident de service. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

12. Le moyen tiré de ce que l'arrêté n° 2019-1068 du 29 mars 2019 en litige serait entaché d'un détournement de procédure doit être écarté car si une précédente décision était intervenue le 20 mars 2018, l'arrêté n° 2019-1068 vient en tout état de cause renouveler le refus d'imputabilité de l'accident au service après l'avis contraire de la commission de réforme du 1er mars 2019.

13. Enfin, la décision du 20 mars 2018 ne constitue pas une décision créatrice de droits. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration est inopérant.

14. En revanche, il apparaît que la décision du 20 mars 2018 ne comporte aucun exposé des considérations de droit sur lesquelles le maire de Béthune s'est fondé. Elle est, dès lors, insuffisamment motivée. Par suite, la commune de Béthune n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal a annulé sa décision du 20 mars 2018.

Sur l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre Mme B... :

15. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduise à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

16. La maladie psychique de Mme B... a été diagnostiquée le 26 juin 2017. Cette maladie n'est pas mentionnée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Elle ne relève donc pas des dispositions du premier alinéa du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Or, à la date à laquelle la pathologie de Mme B... a été diagnostiquée, les dispositions du dernier alinéa de ce même IV de l'article 21 bis n'étaient pas entrées en vigueur, dès lors que le décret auquel ce texte renvoie afin de déterminer le taux d'incapacité permanente susceptible d'ouvrir droit à leur application n'a été publié que le 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale et qu'en l'absence de cette mesure réglementaire d'application, la mise en œuvre des dispositions législatives précitées n'était manifestement pas possible. Il y a en conséquence lieu de faire application des règles prévues par les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 cité au point 6 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

17. En premier lieu, Mme B... soutient que sa pathologie résulte d'un contexte professionnel conflictuel et pathogène. Elle rapporte en premier lieu que, dans le cadre de la réorganisation des services, elle a été laissée en 2015 sans missions à accomplir, pendant plusieurs mois son poste de responsable adjointe à la directrice du service financier ayant été supprimé et que, sans qu'elle en soit avertie, son bureau a été déménagé et notamment une armoire qui contenait des documents syndicaux. Mais il résulte de l'instruction que suite à la réorganisation des services, les postes relevant de l'organigramme de la ville datant de novembre 2011 ont été supprimés, tandis que quatre-vingt quinze nouveaux postes ont été créés et ouverts à la mobilité. Mme B... occupait un emploi de catégorie C, d'assistante de la responsable du service financier. Elle a finalement été affectée au département des ressources humaines au cours du mois de décembre 2015. Si elle a connu quelques mois sans affectation, d'une part, cette situation a été partagée par d'autres agents suite à la réorganisation, d'autre part, en ce qui la concerne, elle n'a volontairement pas postulé sur un nouvel emploi durant la période estivale afin de montrer sa désapprobation d'une telle réorganisation. Le refus opposé à sa candidature au poste de chef de bureau en mandatement et recouvrement du service financier, résulte d'une candidature tardive, alors que ce poste était déjà pourvu et le refus opposé à sa candidature au poste de chef de bureau comptabilité ne traduit aucune discrimination, plusieurs agents s'étant portés candidats devant une commission de sélection. Son affectation finale est conforme à son grade et le processus n'a eu aucune conséquence sur son statut, sa carrière, et sur ses conditions de travail. Le déménagement de l'armoire litigieuse du bureau, qui d'ailleurs n'était pas un local syndical, était nécessité par la réorganisation des services, sans qu'il résulte de l'instruction qu'il ait été porté atteinte au contenu du meuble et alors qu'un local syndical a été mis à disposition.

18. En deuxième lieu, Mme B... souligne que le refus opposé à sa demande de travail à temps partiel le mercredi après- midi pour assister son fils âgé de seize ans, atteint d'une affection de longue durée, l'obligeant à recevoir des soins chaque semaine le mercredi, comme le non-renouvellement du contrat à durée déterminée de son autre fils seraient des mesures de rétorsion du fait de ses absences pour décharge syndicale et qu'un tract de son syndicat a dénoncé des agissements de la commune. Mais il résulte de l'instruction que la demande de travail à temps partiel pour convenances personnelles initialement formée, ne comportait pas de précisions suffisantes. Mme B... a ultérieurement précisé qu'elle souhaitait que ses mercredis après-midi soient libérés pour accompagner son fils malade. La commune lui a proposé de libérer les mercredis matin et l'a invitée à fournir des justificatifs notamment médicaux qu'elle n'a jamais transmis. La commune explique qu'en sa qualité de secrétaire administrative du service de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences des ressources humaines, Mme B... a notamment pour mission de réceptionner les demandes de stage d'une semaine en milieu professionnel émanant de collégiens et d'en assurer le suivi administratif et que pour ce faire, sa présence à son poste de travail les mercredis après-midi est impérative. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le non-renouvellement du contrat de l'autre fils de A... B... est à mettre en lien avec la création d'un nouveau poste de chef de bureau administratif et financier au sein du théâtre municipal, qui englobent les fonctions occupées par le fils de A... B....

19. Enfin, Mme B... conteste la réduction de complément indemnitaire annuel dont elle a fait l'objet pour l'année 2017. Par un arrêt n° 20DA01359 rendu ce jour, la cour a rejeté les conclusions aux fins d'annulation de cette décision, qui n'est pas illégale. Par ailleurs, le document rendu public le 28 février 2017, qu'elle attribue à la commune, ne la désigne pas personnellement et s'inscrit dans un contexte d'échanges pugnaces avec l'employeur, auxquels le syndicat de l'appelante n'est pas étranger. Dans ces conditions, les faits décrits ne caractérisent pas un contexte professionnel pathogène qui aurait pu engendrer la maladie psychique dont Mme B... est atteinte depuis le 26 juin 2017. Le maire a pu, sans erreur d'appréciation refuser, par son arrêté n°2019-1069 du 29 mars 2019, de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont Mme B... est atteinte. Aussi, la commune de Béthune est fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement a annulé la décision n° 2019-1069 du 29 mars 2019.

20. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Lille. Le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté par les mêmes motifs que ceux exposés au point 11. Par suite, les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2019-1069 du 29 mars 2019 doivent être rejetées.

Sur le harcèlement moral et la protection fonctionnelle :

21. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; : 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. ".

22. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé. En outre, pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique mais, dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions du fonctionnaire justifié par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

23. Mme B... met en avant les mêmes circonstances que celles qu'elle exposait au soutien de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité de sa pathologie au service et qui sont retracées aux points 17 à 19. Elle ajoute que sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident qu'elle a subi le 16 décembre 2016 a fait l'objet d'une durée de traitement particulièrement longue avant d'être rejetée à tort et que la dégradation de ses conditions de travail a altéré sa santé mentale. Mais ainsi qu'il a été précédemment indiqué, les refus opposés à ses demandes d'imputabilité de son prétendu accident et de sa maladie au service étaient justifiés au fond et ne sauraient révéler des agissements relevant d'une situation de harcèlement moral.

24. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que Mme B... ait été victime d'agissements répétés de harcèlement moral exercés à son encontre, au sens des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. Dès lors, ils ne présentent pas le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration. Par suite, les prétentions indemnitaires au titre du préjudice moral allégué par Mme B... doivent être rejetées. Par voie de conséquence, elle n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 1er février 2019 par laquelle la commune de Béthune a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle. Aussi, ses conclusions à fin d'annulation de la décision attaquée ne peuvent qu'être également rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

25. L'arrêté n° 2019-1068 du 29 mars 2019 du maire de Béthune ayant légalement refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident subi le 13 décembre 2016, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions d'injonction de réexamen de la demande de reconnaissance d'un accident de service présentées par Mme B....

26. Le présent arrêt rejetant les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire de Béthune a refusé de lui octroyer la protection fonctionnelle, les conclusions de l'appelante tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de réexaminer, sous astreinte, sa demande tendant à l'octroi de cette protection doivent être rejetées.

Sur la demande de sursis à exécution du jugement :

27. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n°20DA01346 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les frais de l'instance:

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par Mme B... qui est partie essentiellement perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... le versement à la commune de Béthune d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20DA01346 tendant au sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lille du 3 juillet 2020 n° 1808305, 1902755, 1904810 et 1904813.

Article 2 : Le jugement du 3 juillet 2020 n° 1808305, 1902755, 1904810, 1904813 est annulé en tant qu'il annule d'une part l'arrêté n° 2019-1068 du 29 mars 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 13 décembre 2016 et d'autre part l'arrêté n° 2019-1069 du 29 mars 2019 par lequel la commune a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie constatée le 26 juin 2017 et enfin enjoint à la commune de procéder au réexamen des demandes de Mme B... tenant à reconnaître l'imputabilité au service de cet accident et de cette maladie.

Article 3 : Les demandes présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation des arrêtés n° 2019-1068 du 29 mars 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 13 décembre 2016 et n° 2019-1069 du 29 mars 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie et à ce qu'il soit enjoint au maire de procéder au réexamen de ses demandes tendant à reconnaître l'imputabilité au service de cet accident et de cette maladie sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de la commune de Béthune et de Mme B... présentées devant la cour administrative d'appel et les conclusions d'appel incident de chacune des parties sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Béthune et à Mme E... B....

3

N°20DA01329, 20DA01346, 20DA01360


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01329
Date de la décision : 14/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de maladie - Accidents de service.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : ASSOCIATION D'AVOCATS CALIFANO BAREGE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-10-14;20da01329 ?
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