Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre communal d'action sociale de Roubaix à lui verser une indemnité de 50 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice définitif en réparation des préjudices subis en raison d'agissements constitutifs de harcèlement moral qu'elle estime avoir subis, de désigner avant dire droit un expert en vue de décrire les fautes commises et les conséquences en terme de préjudices qu'elle a subis et de déterminer si la consolidation est acquise et si des frais futurs sont à prévoir et de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Roubaix les entiers dépens et frais de l'instance ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1802430 du 19 juin 2020 le tribunal administratif de Lille a rejeté les demandes de Mme A... et mis à sa charge le versement au centre communal d'action sociale de Roubaix de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 août 2020, Mme lbtisaam A..., représentée par Me Andrieux, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le centre communal d'action sociale de Roubaix à lui verser une indemnité de 50 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice définitif en réparation des préjudices subis en raison d'agissements constitutifs de harcèlement moral qu'elle estime avoir subis ;
3°) de désigner avant dire droit un expert en vue de décrire les fautes commises et les conséquences en terme de préjudices qu'elle a subis et de déterminer si la consolidation est acquise et si des frais futurs sont à prévoir ;
4°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Roubaix les entiers dépens et frais de l'instance ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ;
-les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme lbtisaam A... a été recrutée par le centre communal d'action sociale de Roubaix le 21 novembre 2007 en qualité d'adjointe administrative territoriale et y occupe depuis novembre 2015 des fonctions d'agent d'accueil. Par lettre du 15 novembre 2017, elle a demandé au centre communal d'action sociale précité de l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait, d'une part, d'agissements constitutifs de harcèlement moral et, d'autre part, de 1'absence de mesures prises par le centre communal pour la protéger de la situation de harcèlement moral dont elle aurait été victime de la part de deux collègues de travail. Sa demande ayant été implicitement rejetée, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre communal d'action sociale de Roubaix à lui verser une somme de 50 000 euros. Par un jugement n°1802430 du 19 juin 2020 le tribunal a rejeté les demandes de Mme A... et mis à sa charge le versement au centre communal d'action sociale de Roubaix de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme A... relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; : 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. ".
3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
4. Suite à de graves irrégularités commises par le responsable du pôle accueil du centre communal d'action sociale de Roubaix et par un agent d'accueil diagnostic, qui ont d'ailleurs été révoqués, une enquête administrative interne s'est déroulée le 27 octobre 2016. Mme A... dénonce les conditions de cette enquête durant laquelle elle estime avoir subi de fortes pressions et avoir été harcelée par des collègues de travail, dans une ambiance devenue délétère. Elle affirme s'être trouvée isolée et surveillée, avec notamment les 3 et 17 février 2017, une altercation avec une collègue. Après avoir été reçue en entretien individuel le 23 mai 2017, durant lequel elle a été informée qu'il ne serait pas donné de suite aux incidents qu'elle rapportait, elle a fait une crise d'angoisse et un malaise nécessitant l'intervention des pompiers, son admission en urgence au centre hospitalier de Roubaix, suivie d'une mise en arrêt de travail. Ces éléments de fait sont susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral. Toutefois, aucun texte ni aucun principe général du droit n'impose à une administration de respecter une procédure particulière dans le cadre d'une enquête administrative interne. En l'espèce, lors des entretiens individuels, les agents ont été reçus par la directrice générale du centre communal d'action sociale, la directrice du secrétariat général, de la communication et du développement social, la directrice des ressources humaines et l'avocat du centre communal d'action sociale. Les agents étaient assistés d'un représentant du personnel et libres de s'exprimer et sans aucune contrainte. Compte-tenu de certains conflits naissants dans le service, il a été décidé de convoquer les agents collectivement. Lors de cette réunion la direction a tenté de dénouer la situation de tension prévalant au sein du service et a témoigné d'une volonté d'apaisement. Le malaise de l'appelante a été reconnu imputable au service et la protection fonctionnelle demandée par l'intéressée lui a été accordée par lettre du 27 juillet 2017 mais celle-ci n'a pas donné suite. Dans ces conditions ces faits ne peuvent être regardés comme constitutifs d'agissements de harcèlement moral.
5. Mme A... fait également valoir avoir exercé ses fonctions dans des conditions matérielles insatisfaisantes et discriminatoires, faute d'un bureau et d'une imprimante individuelle, sans sécurisation du local qu'elle occupait en l'absence de film opaque posé sur les vitres afin de cacher à la vue des usagers une armoire contenant des tickets services avec valeur faciale. Il résulte toutefois de l'instruction que les agents d'accueil diagnostic du centre communal d'action sociale n'ont pas de bureau personnel, mais occupent des bureaux par un système de rotation en fonctions des absences, laissant ainsi un bureau disponible pour chaque agent, l'agent n'occupant pas de bureau ayant la charge de l'accueil au guichet. Les imprimantes collectives sont partagées par les agents d'accueil-diagnostic sans qu'il soit nécessaire de mettre à disposition des imprimantes individuelles. Le coffre-fort contenant les tickets services ne se situe pas dans le bureau occupé par Mme A... mais dans celui de son chef de service, sous armoire sécurisée. Par sécurité les bureaux des agents sont vitrés, afin d'être visibles lors des entretiens avec les usagers. Toutefois à la demande de Mme A... les vitres du bureau qu'elle occupait par rotation ont été occultées par un film opaque. Ces faits ne peuvent être regardés laissant présumer des agissements de harcèlement moral.
6. Dans ces conditions, et compte tenu de tout ce qui précède les agissements de l'autorité administrative n'excèdent pas les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, et ne sauraient être regardés comme constitutifs d'un harcèlement moral, au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées sur le fondement de la faute résultant d'un harcèlement moral ne peuvent être que rejetées.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit nécessaire de désigner avant dire droit un expert, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal a rejeté sa demande. Doivent par voie de conséquence, être rejetées ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme au titre des frais exposés par le centre communal d'action sociale de Roubaix et non compris dans les dépens. La présente instance n'ayant engendré aucun dépens, les conclusions de Mme A... tendant à la condamnation du centre communal d'action sociale de Roubaix aux entiers dépens sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre communal d'action sociale de Roubaix au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme lbtisaam A... et au centre communal d'action sociale de Roubaix.
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N° 20DA01271