Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCA Acolyance a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer, d'une part, la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie, dans les rôles de la commune de Fère-en-Tardennois (Aisne), à raison d'installations de stockage de céréales lui appartenant, au titre des années 2013 et 2014, d'autre part, la réduction des impositions primitives à la cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie, dans les rôles de la même commune et à raison des mêmes installations, au titre des années 2013 à 2015, enfin, de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement nos 1700183, 1701535 du 28 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir jugé que la valeur locative du site de Fère-en-Tardenois de la SCA Acolyance devait être déterminée par application des dispositions de l'article 1498 du code général des impôts, a prononcé, en conséquence, la réduction des bases de cotisation foncière des entreprises assignées à cette société, à raison des installations de ce site, au titre des années 2013 et 2014, ainsi que, à concurrence de cette réduction de base, la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des mêmes années, enfin, a rejeté le surplus des conclusions des demandes de cette société.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 juillet 2019, le 16 décembre 2019 et le 25 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) de juger que l'établissement de Fère-en-Tardenois exploité par la SCA Acolyance présente un caractère industriel au sens et pour l'application de l'article 1499 du code général des impôts ;
2°) de réformer en conséquence le jugement du 28 mars 2019 du tribunal administratif d'Amiens ;
3°) de remettre à la charge de la SCA Acolyance les impositions primitives et supplémentaires dont la décharge a été prononcée par ce jugement.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me Lecat, substituant Me Grardel, représentant la SCA Ceresia.
Considérant ce qui suit :
1. La société coopérative agricole (SCA) Acolyance, aux droits de laquelle vient la SCA Ceresia, dont le siège est situé à Reims, exerce notamment une activité de stockage et de commercialisation de céréales. Elle possède, pour ce faire, diverses installations de stockage, au nombre desquelles figurent celles qu'elle exploite sur son site de Fère-en-Tardenois (Aisne). La SCA Acolyance a fait l'objet, au cours de l'année 2014, d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration a estimé que la valeur locative imposable de cet établissement, déterminée selon l'évaluation comptable prévue pour les établissements industriels par l'article 1499 du code général des impôts, devait faire l'objet d'une mise à jour, ce qui impliquait un rehaussement de cette base en ce qui concerne les années 2013 et 2014. L'administration a porté ses intentions sur ce point à la connaissance de la SCA Acolyance par un courrier daté du 9 septembre 2014. La SCA Acolyance a présenté des observations le 5 novembre 2014, en contestant que la valeur locative de l'établissement en cause puisse légalement faire l'objet d'une évaluation selon la méthode comptable de l'article 1499 du code général des impôts et en revendiquant l'application des règles définies, pour la détermination de la valeur locative des établissements commerciaux, par l'article 1498 de ce code. Ces observations n'ont toutefois pas conduit l'administration à revoir sa position. Le 23 février 2016, la SCA Acolyance a présenté une réclamation contentieuse concernant l'établissement de Fère-en-Tardenois, tendant à obtenir, d'une part, le dégrèvement total des suppléments de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre des années 2013 et 2014, d'autre part, un dégrèvement partiel des cotisations primitives de cotisations foncières des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015. Cette réclamation ayant été rejetée, la SCA Acolyance a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens. Par un jugement du 28 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a partiellement fait droit aux demandes présentées par la SCA Acolyance, en ce sens qu'après avoir estimé que la valeur locative de l'établissement en cause devait être déterminée par application des dispositions de l'article 1498 du code général des impôts, il a prononcé la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises, ainsi qu'une réduction des impositions primitives à la cotisation foncière des entreprises, auxquels cette société avait été assujettie à raison du site de Fère-en-Tardenois. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement, en tant qu'il accueille partiellement les demandes de cette société portant sur le site de Fère-en-Tardenois, et en demande l'annulation ainsi que le rejet des demandes présentées par la SCA Acolyance devant le tribunal administratif d'Amiens.
2. En application de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. / (...) ". En outre, en vertu de l'article 1388 de ce code, la taxe foncière sur les propriétés bâties est établie d'après la valeur locative cadastrale de ces propriétés, déterminée conformément aux principes définis notamment par les articles 1494 à 1508. Les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont définies à l'article 1496 du code général des impôts pour les locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice " soit d'une activité salariée à domicile, soit d'une activité professionnelle non commerciale ", à l'article 1498 pour " tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 " et à l'article 1499 pour les " immobilisations industrielles ". Revêtent un caractère industriel, au sens de ces articles, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.
3. Il résulte de l'instruction que l'établissement dont disposait, à Fère-en-Tardenois, la SCA Acolyance, au cours des années d'imposition en litige, pour l'exercice de son activité, était composé d'un silo de stockage vertical d'une capacité de 28 500 tonnes de céréales, ainsi que d'un silo stockage horizontal d'une capacité de 12 000 tonnes, ces installations offrant ainsi une capacité totale de stockage de 40 500 tonnes de céréales. En outre, ces bâtiments de stockage étaient dotés de cinq équipements de ventilation à l'air naturel, de trois équipements de thermométrie, d'une bascule de circuit et d'une chambre de dépoussiérage. Pour les besoins de cette activité de stockage, la SCA Acolyance mettait en œuvre divers matériels de manutention, des transporteurs à chaîne et à bande, des installations de calibrage, trois équipements de désinsectisation, un séchoir ainsi qu'un nettoyeur. Pour desservir ses installations et permettre tant le remplissage de ses silos que le chargement des trains et camions destinés à assurer le transport des céréales, elle avait à sa disposition quatre fosses de réception, des ponts bascule et des boisseaux de chargement ferroviaire, un embranchement de voie ferrée, une pompe doseuse, un palan élévateur, un système de manutention Vigan ainsi qu'un préleveur. Eu égard à l'ensemble de ces éléments et sans qu'il soit même besoin de prendre en compte la valeur comptable que pouvaient représenter ces équipements, la SCA Acolyance, au droits de laquelle est venue la SCA Ceresia, doit être regardée, ainsi que l'a d'ailleurs retenu le tribunal administratif, comme ayant mis en œuvre, au cours des années d'imposition en litige, d'importants moyens techniques sur son site de Fère-en-Tardenois pour l'exercice de ses activités.
4. Cependant, comme il a été dit au point 1, l'activité exercée sur ce site consiste essentiellement à recevoir, stocker, puis charger des céréales sur différents moyens de transport permettant leur acheminement. Elle ne peut, dès lors, être regardée comme correspondant à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers. En application des principes rappelés au point 2, cette activité ne peut ainsi être regardée comme revêtant un caractère industriel, au sens et pour l'application de l'article 1499 du code général des impôts, que si le rôle des importantes installations techniques, ainsi que des matériels et outillages mis en œuvre pour les besoins de cette activité peut être regardé comme prépondérant.
5. Pour estimer que tel n'était pas le cas, le tribunal administratif d'Amiens a retenu que la SCA Acolyance soutenait, sans être contredite, d'une part, qu'au cours des moissons des années 2012 à 2015, les 68 331 tonnes qu'elle avait été amenée, en moyenne, à stocker sur son site de Fère-en-Tardenois, avaient connu un taux de rotation moyen de 1,69, d'autre part, qu'elle employait six salariés et qu'elle comptabilisait 28 jours de manutention par an en raison du caractère saisonnier de son activité. Toutefois, alors que plus de la moitié des capacités de stockage dont disposait la SCA Acolyance sur ce site était offerte par son silo vertical, composé de cellules dont le chargement implique nécessairement l'utilisation de matériels de manutention importants et dont l'exploitation est soumise à des prescriptions strictes en matière de prévention des risques d'incendie et d'explosion, qui rendent nécessaires, en permanence, une surveillance, une aération et un dépoussiérage à l'aide d'équipements incorporés ou au moins affectés à ce silo, ce critère de fréquence d'utilisation des moyens techniques ne peut être regardé comme permettant d'apprécier, à lui seul, le caractère prépondérant ou non de ces moyens dans l'exercice, par la SCA Acolyance, de son activité. En revanche, il résulte de ce qui vient d'être dit s'agissant des moyens nécessaires pour assurer le chargement du silo vertical, que l'exploitation, par la SCA Acolyance, de ses installations impliquait nécessairement l'usage de moyens techniques importants pour effectuer, lors de leur remplissage, en particulier s'agissant du silo offrant la plus grande capacité, la manutention, le pesage et le séchage des céréales et, de manière permanente, pour assurer, dans les deux silos, leur conservation dans les conditions de température, d'empoussièrement et d'hygrométrie qui sont réglementairement imposées en matière de surveillance et de sécurité. En outre, ainsi que la SCA Ceresia, venant aux droits de la SCA Acolyance, le reconnaît elle-même, dans ses écritures d'appel, si le chargement de ces silos présentait un caractère saisonnier, puisqu'il s'effectuait lors des moissons, leur déchargement a eu lieu fréquemment et rendait nécessaires des moyens matériels, qui, quoique moins importants que lors des phases de remplissage, ont fait intervenir un embranchement ferroviaire, une voie d'accès routière, ainsi que des boisseaux de chargement. Dans ces conditions, la SCA Acolyance doit être regardée comme ayant mis en œuvre, dans le cadre de l'exercice, dans son établissement de Fère-en-Tardenois, de son activité, des moyens techniques non seulement importants, mais dont le rôle, dans son processus d'exploitation, a été prépondérant. Il suit de là que l'administration était fondée à estimer que cette société exerçait une activité industrielle au sens et pour l'application des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts et que le ministre est également fondé à soutenir que le tribunal administratif a estimé à tort, pour accorder à la SCA Acolyance une réduction de ses bases imposables, que la valeur locative de cet établissement aurait dû être établie selon les règles fixées par l'article 1498 du code général des impôts, applicables aux établissements commerciaux, et non suivant celles prescrites par l'article 1499 de ce code en ce qui concerne les établissements industriels.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par la SCA Ceresia, tant devant le tribunal administratif d'Amiens que devant elle.
Sur l'application de la loi fiscale :
7. Aux termes de l'article 1450 du code général des impôts : " Les exploitants agricoles, y compris les propriétaires ou fermiers de marais salants sont exonérés de la cotisation foncière des entreprises. / (...) ".
8. La SCA Ceresia sollicite, dans le dernier état de ses écritures devant la cour, le bénéfice, pour son établissement de Fère-en-Tardenois, du régime d'exonération prévu par les dispositions précitées de l'article 1450 du code général des impôts en faveur des exploitants agricoles. Elle soutient que la collecte et le stockage de céréales constituent le prolongement normal de l'activité agricole de ses adhérents. Toutefois, ainsi que le fait observer le ministre dans son dernier mémoire, il ne résulte d'aucun des éléments de l'instruction que l'activité de la SCA Acolyance, au cours des années d'imposition en litige, aurait consisté exclusivement à collecter et à stocker, sur son site de Fère-en-Tardenois, les céréales produites par ses adhérents, ni que ses silos n'auraient pas accueilli, pour une part excédant la seule compensation, à activité globale inchangée et dans des conditions normales de fonctionnement des équipements, d'une réduction temporaire des besoins de ses coopérateurs, des céréales produites par des agriculteurs non adhérents. La SCA Ceresia, qui a reçu communication du dernier mémoire du ministre et qui est seule à pouvoir apporter des éléments d'information sur ce point, n'a versé aucune pièce complémentaire à l'instruction, ni n'a apporté aucune contestation à ce mémoire. Dans ces conditions, ce moyen ne peut, en l'état de l'argumentation et des éléments présentés à son soutien, qu'être écarté.
Sur l'invocation de l'interprétation de la loi fiscale par l'administration :
9. Ni la doctrine administrative publiée le 10 décembre 2012 au bulletin officiel des impôt, sous la référence BOI-IF-TFB-20-10-50-10 et qui reprend l'instruction fiscale référencée 6-C-25 du 15 décembre 1988, ni la doctrine administrative publiée au bulletin officiel des impôts le 25 juin 2014 sous la référence BOI-CTX-PREA-10-40, ni les réponses données par le ministre chargé de l'économie et des finances les 4 avril 1991 et 21 mai 1998 aux questions écrites de sénateurs ne contiennent une interprétation de la loi fiscale qui soit différente de celle dont le présent arrêt fait application. Dès lors, la SCA Ceresia n'est, en tout état de cause, pas fondée à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a accordé à la SCA Acolyance, d'une part, une réduction des bases imposables à la cotisation foncière des entreprises qui lui ont été assignées au titre des années 2013 et 2014 pour son site de Fère-en-Tardenois, d'autre part, la décharge, dans la mesure de cette réduction de bases, de cette imposition, à laquelle la SCA Acolyance a été assujettie au titre de ces mêmes années. Le ministre est également fondé à demander que les impositions dont la décharge a été accordée à cette société par ce jugement soient remises à la charge de la SCA Acolyance, aux droits et obligations de laquelle est venue la SCA Ceresia. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de la SCA Ceresia tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er à 3 du jugement nos 1700183, 1701535 du 28 mars 2019 du tribunal administratif d'Amiens sont annulés.
Article 2 : Les impositions primitives et les suppléments de cotisation foncière des entreprises dont la décharge a été prononcée par ce jugement sont remis à la charge de la SCA Acolyance, aux droits et obligations de laquelle est venue la SCA Ceresia.
Article 3 : Les conclusions correspondantes des demandes présentées par la SCA Acolyance devant le tribunal administratif d'Amiens et les conclusions présentées en appel par la SCA Ceresia, venant aux droits de la SCA Acolyance, sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCA Ceresia, venant aux droits de la SCA Acolyance, et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
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N°19DA01653