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23/09/2021 | FRANCE | N°21DA00019

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 23 septembre 2021, 21DA00019


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de l'admettre à titre provisoire à l'aide juridictionnelle et d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 5 octobre 2020 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Il a également demandé qu'il soit enjoint à l'autorité préfectorale de réexaminer

sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de l'admettre à titre provisoire à l'aide juridictionnelle et d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 5 octobre 2020 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Il a également demandé qu'il soit enjoint à l'autorité préfectorale de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2007100 du 11 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille l'a admis à titre provisoire à l'aide juridictionnelle, a annulé l'arrêté du 5 octobre 2020 et a enjoint au préfet du Nord de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2021, le préfet du Nord, représenté par Me Yves Claisse, demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter les demandes de M. A....

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant bangladais, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, prononcée par le préfet du Nord le 5 octobre 2020, assortie d'une décision fixant le pays de destination et d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Saisi par M. A..., le magistrat désigné du tribunal administratif de Lille, par un jugement du 11 décembre 2020, a annulé ces décisions et a enjoint au préfet du Nord de réexaminer la situation de M. A... dans le délai d'un mois, à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente. Le préfet du Nord relève appel de ce jugement.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Lille :

2. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa numérotation alors en vigueur : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. (...). " et aux termes du III de l'article R. 723-19 du même code : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire. ".

3. Le préfet du Nord produit pour la première fois en cause d'appel, la fiche " Telemofpra " qui atteste, en application de l'article R. 723-19 précité que la décision de la Cour nationale d'asile a été notifiée à M. A... le 13 février 2020 et qu'elle avait été lue le 4 février 2020. M. A... ne disposait donc plus d'un droit de se maintenir sur le territoire français en raison de l'examen de sa demande d'asile, à la date de la décision du 5 octobre 2020. L'intéressé ne conteste plus ce point en cause d'appel et n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause la date à laquelle son droit au maintien a pris fin, Ainsi, c'est à tort mais au vu des éléments produits pour la première fois en cause d'appel, que le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce motif pour annuler l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A.... Il appartient toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant en première instance qu'en appel.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

4. L'obligation de quitter le territoire français vise les textes dont elle fait application et comporte les considérations de fait qui en constitue le fondement. En particulier, elle mentionne que M. A... déclare être entré en France depuis quatre ans, sans pouvoir en justifier et qu'il ne justifie pas se trouver dans un des cas où il ne pourrait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

5. Avant de prendre une décision portant obligation de quitter le territoire français, le préfet doit mettre l'étranger à même de présenter ses observations de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été informé au cours de son audition par les services de police, le 5 octobre 2020, préalablement à l'édiction de la mesure contestée, qu'il pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'il lui a alors été demandé s'il avait des observations à porter à la connaissance du préfet. Par suite, le moyen tiré du défaut de respect du droit d'être entendu avant l'édiction d'une décision défavorable ne peut qu'être écarté.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". M. A... fait valoir qu'il vit en France depuis quatre ans et apporte des éléments attestant de cette présence depuis le 18 octobre 2016. Toutefois, la durée de son séjour résulte pour l'essentiel des démarches entreprises pour obtenir l'asile. M. A... a en effet déposé une première demande d'asile le 14 novembre 2016 qui a donné lieu à un arrêté de transfert aux autorités autrichiennes avant que la France ne se reconnaisse responsable de l'examen de sa demande. Celle-ci a été rejetée par décision de l'Office français des réfugiés et apatrides le 14 juin 2019, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 février 2020. M. A... fait également valoir qu'il a travaillé de juin 2018 à novembre 2018, puis de janvier à mars 2019 et qu'il a des relations fortes avec son frère qui réside régulièrement en France. Toutefois, il n'apporte aucun autre élément démontrant l'intensité de son insertion en France où il n'est arrivé qu'à l'âge de trente-quatre ans et n'établit pas qu'il est isolé dans son pays où vit sa mère, selon ses propres déclarations Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. Il ne résulte ni des termes de la décision contestée, ni des pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen approfondi de la situation de M. A....

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. A... ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, base légale de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, ne peut qu'être écarté.

10. La décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire vise les textes dont elle fait application en particulier le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne également que M. A... ne présente pas de garanties de représentation suffisantes puisqu'il n'a pu présenter de documents d'identité et de voyages en cours de validité lors de son interpellation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, base légale de la décision fixant le pays de destination, ne peut qu'être écarté.

12. La décision fixant le pays de destination vise les textes dont elle fait application, fixe comme pays de destination, le pays dont M. A... a la nationalité ou tout pays où il serait légalement admissible. Elle mentionne enfin que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

13. M. A... n'apporte aucun élément démontrant que sa vie ou sa sécurité serait menacée en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, qui n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée, ne peut qu'être écarté.

14. Il ne résulte ni de ce qui précède, ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de M. A....

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, base légale de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français, ne peut qu'être écarté.

16. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. En l'espèce, le préfet a pris en compte d'après les termes de sa décision, les conditions de l'entrée de M. A... en France, l'appréciation de ses liens en France, la circonstance qu'il n'ait pas fait l'objet précédemment d'une mesure d'éloignement et l'absence de menace de l'intéressé pour l'ordre public. L'arrêté considère par ailleurs que les liens personnels et familiaux de M. A... ne sont pas anciens et stables. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

17. M. A... n'a fait valoir aucune circonstance humanitaire justifiant que ne soit pas prononcée une interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, contrairement à ce que soutient l'intéressé.

18. M. A... n'établissant pas l'intensité de son insertion dans la société française ainsi qu'il a été dit au point 6 et la durée de son séjour résultant pour l'essentiel des démarches entreprises pour obtenir l'asile, demande qui a été définitivement rejetée, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français à une durée d'un an. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation de M. A... ne peut qu'être écarté.

19. Il ne résulte ni de ce qui précède, ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de M. A....

20. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a annulé pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 octobre 2020 obligeant M. A... à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et interdisant son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, la somme demandée à ce titre par M. A....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 11 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : Les demandes de M. A... tant devant le tribunal administratif de Lille que devant la cour administrative d'appel de Douai sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et à Me Sophie Danser-Vergoten.

Copie sera transmise pour information au préfet du Nord.

N°21DA00019 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00019
Date de la décision : 23/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-09-23;21da00019 ?
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