Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande préalable d'indemnisation par la commune de Houdain et de condamner cette commune à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de provision sur l'indemnisation de ses préjudices et de désigner un expert pour évaluer les préjudices subis.
Par un jugement n° 1803513 du 3 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2020 et un mémoire récapitulatif enregistré le 23 juin 2021, M. B..., représenté par Me Christophe Loonis, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande préalable d'indemnisation par la commune de Houdain ;
3°) de condamner la commune de Houdain à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de provision sur l'indemnisation du préjudice résultant du harcèlement moral qu'il a subi ;
4°) de désigner un expert pour évaluer ses préjudices ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Houdain les dépens et la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendu au cours de l'audience publique:
- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara , rapporteur public,
- et les observations de Me Christophe Loonis pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B... était technicien territorial principal de deuxième classe de la commune de Houdain. Il exerçait les fonctions de directeur du centre technique municipal depuis le 11 mai 2011. S'estimant victime de harcèlement moral de la part de son employeur, il a fait une demande préalable d'indemnisation, le 21 décembre 2017. Faute de réponse, il a saisi le tribunal administratif de Lille. Il relève appel du jugement du 3 juillet 2020 de ce tribunal qui a rejeté sa demande de condamnation de cette commune à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de provision sur l'indemnisation de ses préjudices et de désignation d'un expert pour évaluer les préjudices subis.
2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. ".
3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
4. En premier lieu, M. B... met en avant la manière dont la commune l'a pris en charge, à la suite de l'accident survenu sur son lieu de travail, le 20 août 2014. Il résulte de l'instruction, sans qu'aucune des parties n'apporte sur cet incident des pièces permettant d'en déterminer les circonstances exactes, que M. B... a eu une altercation avec un de ses subordonnés dans les locaux du centre technique municipal. S'opposant au départ du centre de cet agent au volant d'un véhicule de service, il a été victime de contusions ayant entraîné un arrêt de travail de trois jours et d'une dépression profonde qui a conduit à la prolongation de cet arrêt initial. Il a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet accident et des arrêts consécutifs.
5. Aux termes de l'article 16 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, alors applicable : " La commission de réforme n'est pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration. La commission de réforme peut, en tant que de besoin, demander à l'administration de lui communiquer les décisions reconnaissant l'imputabilité. ". L'autorité d'emploi d'un fonctionnaire territorial n'est pas tenue de reconnaître l'imputabilité d'un accident survenu sur le lieu de travail. Elle peut en conséquence ne pas suivre l'avis de la commission de réforme, lorsque celle-ci a été saisie à la suite du refus de l'autorité territoriale de faire droit à la demande de reconnaissance.
6. En l'espèce, la maire de Houdain a saisi la commission de réforme de la demande de M. B... de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 20 août 2014. A la suite de l'avis favorable de cette commission rendu lors de sa séance du 12 mai 2015, elle a reconnu cette imputabilité par un arrêté du 17 juillet 2015. Par ailleurs, si M. B... soutient que la commune a tenté de présenter les faits survenus le 20 août 2014 de manière inexacte, outre qu'il n'apporte aucun élément démontrant que la commune aurait dénaturé les faits, cette présentation des faits par la commune n'a eu, en tout état de cause, aucune incidence sur la reconnaissance de l'imputabilité qu'elle a ensuite admise. Si M. B... soutient ensuite qu'il a subi des expertises multiples, il ne résulte pas de l'instruction que ces expertises aient eu lieu à moins de six mois d'intervalle, la commission de réforme devant se prononcer tous les six mois sur la reprise d'activité de l'agent bénéficiant de congés suite à un accident ou à une maladie imputable au service. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que la commune ait multiplié ces expertises au-delà des obligations qui s'imposaient à elle,
7. En deuxième lieu, M. B... soutient que la commune a fait pression sur lui pour qu'il reprenne son travail alors qu'il était en arrêt maladie. Il produit un courrier de la maire de Houdain du 9 juin 2015 à son médecin indiquant que les conditions de reprise sont réunies et qu'elle " s'en remet à lui pour la suite à donner ", et un autre courrier du 21 mars 2016, lui notifiant sa reprise du travail le lendemain. S'il est regrettable que la commune se soit directement adressée au médecin de l'intéressé et se soit crue autorisée à demander une reprise du travail, ces courriers sont à mettre en perspective avec un avis de la commission de réforme du 4 mars 2015 qui avait considéré que M. A... était temporairement inapte et que la reprise n'était envisageable qu'après avis du médecin de prévention et du médecin traitant, et un autre avis du 12 mai 2015 qui indiquait qu'une reprise des fonctions était envisageable en concertation avec l'autorité territoriale et le médecin de prévention. Par ailleurs, ces démarches de la commune n'ont pas eu de conséquences quant à une reprise du travail de l'intéressé et la commune n'en a tiré aucune conséquence. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que ces courriers aient eu un lien direct avec l'état psychique de M. B..., comme celui-ci le prétend. Ces agissements isolés, sans conséquence concrète sur la position de M. B..., s'expliquent par le contexte de la succession des avis médicaux et des congés maladie, et par des considérations qui ne sont pas étrangères à l'intérêt du service.
8. En troisième lieu, M. B... soutient que la commune a aggravé ses conditions de travail. Il fait valoir que les vingt-cinq heures supplémentaires qu'il percevait auparavant ont été supprimées dès le mois d'août 2014. Toutefois, il n'établit pas ni qu'il ait réellement effectué ces heures alors qu'il n'est pas sérieusement contesté qu'il n'a travaillé qu'une semaine au cours de ce mois, ni qu'il ferait l'objet d'une discrimination injustifiée dans l'attribution des heures supplémentaires à effectuer, qui ne sont pas un droit. Si la commune a diminué le montant de sa prime d'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise par arrêté du 12 janvier 2018, cet arrêté n'a été annulé par le jugement du tribunal administratif de Lille n° 1802849 du 3 juillet 2020 que pour défaut de consultation de la commission administrative paritaire sur la mutation dont résultait cette diminution. En défense, la commune fait valoir que cette nouvelle affectation avait été décidée dans l'intérêt du service, compte tenu de la vacance du poste de responsable du centre technique municipal en raison des arrêts de travail de M. B....
9. En quatrième lieu, M. B... soutient que la commune a proféré des accusations graves contre lui. Il résulte de l'instruction que la maire de Houdain lui a demandé, par courrier du 12 novembre 2014, des explications sur un empiètement sur le domaine public de sa propriété. Mais l'intéressé ne vient pas apporter d'éléments démontrant le caractère infondé d'une telle demande d'explication alors même que l'empiètement en cause aurait un caractère limité et serait le fait de l'ancien propriétaire.
10. Enfin, si M. B... soutient que la municipalité veut protéger le subordonné avec qui il a eu une altercation car ce dernier serait lié familialement à certains élus, la seule présence au conseil municipal de membres de la famille de cet agent ne suffit à démontrer une telle intention.
11. Il résulte de tout ce qui précède que seuls les courriers médicaux évoqués au point 7 pourraient laisser présumer l'existence d'agissements de harcèlement, les autres faits ne pouvant pas même laisser présumer un tel harcèlement. Toutefois, le contexte et les explications apportées par la commune démontrent que ces courriers résultent de considérations étrangères à tout harcèlement. Par suite, M. B... ne peut être regardé comme ayant été victime de faits de harcèlement moral. Sans qu'il y ait lieu de faire droit à sa demande d'expertise, M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions au titre des dépens et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit, aux conclusions présentées sur ce dernier fondement de la commune de Houdain.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Houdain au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la commune de Houdain.
N°20DA01374 3