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05/08/2021 | FRANCE | N°20DA01949

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 05 août 2021, 20DA01949


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Lidl a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la demande qu'elle lui a adressée le 24 octobre 2013 et tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 101 730,81 euros, de condamner l'Etat à lui verser cette somme, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de la date de son m

émoire préalable, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Lidl a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la demande qu'elle lui a adressée le 24 octobre 2013 et tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 101 730,81 euros, de condamner l'Etat à lui verser cette somme, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de la date de son mémoire préalable, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1401129 du 30 décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16DA00371 du 20 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté la requête de la société Lidl tendant à l'annulation de ce jugement.

Par une décision n° 428198 du 4 novembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt, renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Douai et condamné l'Etat à verser à la société Lidl une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés initialement sous le numéro 16DA00371, les 19 février 2016, 19 septembre 2018, 5 février 2021 et 16 juin 2021, la société Lidl, représentée par Me Dupont, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 décembre 2015 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 106 730,81 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter du 14 mars 2011, en réparation du préjudice né de l'illégalité des décisions du 30 août 2010 de l'inspecteur du travail et du 9 février 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé refusant l'autorisation de licencier M. B... A... ;

3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me Dupont pour la société Lidl.

Considérant ce qui suit :

1. La société Lidl a sollicité l'autorisation de licencier M. A..., salarié protégé, pour inaptitude physique. L'inspecteur du travail de l'unité territoriale du Pas-de-Calais, par une décision du 30 août 2010, puis le ministre chargé du travail, par une décision du 9 février 2011, ont refusé de délivrer cette autorisation au motif que la société Lidl n'avait pas satisfait à son obligation de recherche sérieuse de reclassement. Toutefois, par un jugement du 3 juillet 2013, devenu définitif, le tribunal administratif de Lille a annulé ces décisions au motif qu'elles étaient entachées d'un vice de procédure ayant privé la société Lidl d'une garantie. La société Lidl a alors recherché la responsabilité de l'Etat afin d'obtenir réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité du refus d'autorisation de licenciement. Par un jugement du 30 décembre 2015 du tribunal administratif de Lille et un arrêt du 20 décembre 2018 de la cour administrative d'appel de Douai, sa demande tendant au versement de la somme de 101 730, 81 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter du 14 mars 2014, en réparation du préjudice né de l'illégalité des décisions du 30 août 2010 et du 9 février 2011 a été rejetée. Par une décision du 4 novembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour.

2. En application des dispositions du code du travail, le licenciement d'un salarié protégé ne peut intervenir que sur autorisation de l'autorité administrative. Le refus illégal d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de l'employeur, pour autant qu'il en soit résulté pour celui-ci un préjudice direct et certain. Lorsqu'un employeur sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'un refus d'autorisation de licenciement entaché d'un vice de procédure, il appartient au juge de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des pièces produites par les parties et, le cas échéant, en tenant compte du motif pour lequel le juge administratif a annulé cette décision, si la même décision aurait pu légalement être prise dans le cadre d'une procédure régulière.

3. Dans le cas où la demande de licenciement d'un salarié protégé est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément à l'article L. 1226-2 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Lorsqu'après son constat d'inaptitude, le médecin du travail apporte des précisions quant aux possibilités de reclassement du salarié, ses préconisations peuvent, s'il y a lieu, être prises en compte pour apprécier le caractère sérieux de la recherche de reclassement de l'employeur.

4. Lorsque le motif de licenciement invoqué par l'employeur fait obligation à l'administration d'apprécier le sérieux des recherches préalables de reclassement effectuées par celui-ci, l'inspecteur du travail doit apprécier les possibilités de reclassement du salarié à compter du moment où le licenciement est envisagé et jusqu'à la date à laquelle il statue sur la demande de l'employeur. Le ministre saisi d'un recours hiérarchique doit, lorsqu'il statue sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail, apprécier le sérieux des recherches de reclassement jusqu'à la date de cette décision.

5. Il résulte de l'instruction que, à l'issue des visites médicales des 11 et 25 janvier 2010, le médecin du travail a déclaré M. A..., qui était alors employé en qualité de responsable du magasin de Marles-les-Mines (Pas-de-Calais), inapte définitif à son poste de travail et estimé qu'il était " apte à un poste de travail équivalent dans un autre environnement de travail ". Par un courrier du 14 avril 2010, la société Lidl a, au titre de son obligation de reclassement, proposé à M. A... un poste d'auditeur interne interrégional à Nantes, un poste d'agent de maîtrise entrepôt - responsable d'équipe à Ploumagoar, sept postes d'assistant approvisionnement dans diverses régions, un poste de secrétaire de vente à Lesquin et un poste d'employé administratif à Lesquin. Si les deux premiers postes proposés peuvent être regardés comme correspondant à ceux pour lesquels M. A... a, au cours d'un entretien qu'il a eu avec la société Lidl le 25 février 2010, manifesté un intérêt, il résulte de l'instruction qu'il existait d'autres postes de travail équivalents au sien, critère retenu par le médecin du travail, qui ne lui ont pas été proposés. Il résulte ainsi de l'instruction que, le 3 février 2010, ont été publiées sur le site internet de la société Lidl une fiche de poste pour un emploi de responsable technique de magasin en Lorraine ainsi que deux fiches de poste pour des emplois de responsable expédition/transport et responsable réception/préparation à Angoulême. Par ailleurs, le 4 février 2010, une fiche de poste pour un emploi de responsable technique de magasin en Provence-Alpes-Côte d'Azur a été publiée ainsi que, le 3 mai 2010, une fiche de poste pour un emploi de cadre logistique à Strasbourg. La circonstance que ces fiches de postes mentionnaient un statut de cadre alors que M. A... avait été embauché, en 1992, au statut d'agent de maîtrise et exerçait alors les fonctions d'adjoint au responsable de magasin ne permet pas de considérer que ces emplois ne seraient pas équivalents à celui de responsable de magasin qu'il exerçait jusqu'alors. Par ailleurs, la circonstance que, sollicité par la société Lidl qui lui demandait de préciser les postes pertinents à proposer à M. A..., le médecin du travail a estimé, le 22 février 2010, qu'il ne lui était pas possible de déterminer un avis d'aptitude à des postes dont il ne connaissait pas les conditions de travail, ne permet pas d'estimer que ladite société aurait valablement rempli ses obligations de reclassement. Enfin, s'il est constant que M. A... n'a pas répondu aux propositions faites par la société Lidl dans son courrier du 14 avril 2010, cette circonstance ne permet pas, à elle seule, d'estimer que les recherches de reclassement conduites auraient été sérieuses eu égard aux postes appropriés qui existaient alors et qui ne lui ont pas été proposés ainsi qu'il a été dit et nonobstant le fait que ladite société a adressé plusieurs courriers de recherche de postes en interne aux différentes directions régionales.

6. Dans ces conditions, les recherches menées par la société Lidl entre l'avis d'inaptitude définitive émis par le médecin du travail le 11 janvier 2010 et la décision de l'inspecteur du travail du 30 août 2010 ne peuvent être regardées comme suffisamment sérieuses au regard des offres d'emplois alors disponibles et équivalentes à celles exercées par M. A.... Ainsi, tant l'inspecteur du travail que le ministre du travail, qui se sont fondés sur ce motif pour refuser la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Lidl, auraient pu légalement prendre les mêmes décisions si celles-ci étaient intervenues à l'issue d'une procédure régulière au cours de laquelle la société Lidl aurait obtenu communication des pièces qui ne lui avaient pas été préalablement transmises afin de présenter ses observations. Par suite, le vice de procédure entachant d'illégalité les décisions de l'inspecteur du travail du 30 août 2010 et du ministre chargé du travail du 9 février 2011, ainsi que l'a retenu le jugement du tribunal administratif de Lille du 3 juillet 2013 devenu définitif, n'est pas en lien direct avec le préjudice dont se prévaut la société Lidl.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Lidl n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en raison de l'illégalité des décisions des 30 août 2010 et 9 février 2011 refusant de lui accorder l'autorisation de licencier M. A....

8. Par suite, la requête de la société Lidl doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Lidl est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lidl et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

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