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13/07/2021 | FRANCE | N°20DA01438

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 13 juillet 2021, 20DA01438


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BPE Lecieux a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le maire de Bury sur sa demande tendant à l'abrogation du plan local d'urbanisme approuvé par une délibération du conseil municipal du 15 novembre 2007 modifiée le 4 septembre 2008, en tant que cette délibération concerne le classement du secteur des Longs-Prés en zone naturelle et forestière (N).

Par un jugement n° 1900453 du 30 juin 2020, le tribunal administratif d

'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BPE Lecieux a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le maire de Bury sur sa demande tendant à l'abrogation du plan local d'urbanisme approuvé par une délibération du conseil municipal du 15 novembre 2007 modifiée le 4 septembre 2008, en tant que cette délibération concerne le classement du secteur des Longs-Prés en zone naturelle et forestière (N).

Par un jugement n° 1900453 du 30 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 septembre 2020, la société BPE Lecieux, représentée par la SCP Nicolaÿ-de Lanouvelle-Hannotin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision implicite ;

3°) d'enjoindre au maire de Bury de convoquer le conseil municipal en vue de l'abrogation des dispositions du plan local d'urbanisme qui concernent le classement du secteur des Longs-Prés en zone naturelle et forestière (N).

4°) de mettre à la charge de la commune de Bury le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Christophe Arnould, représentant la société BPE Lecieux , et de Me Jean-Baptiste Berlemont, représentant la commune de Bury.

Une note en délibéré a été déposée le 30 juin 2021 pour la commune de Bury.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. Le conseil municipal de Bury a approuvé le 15 novembre 2007 le plan local d'urbanisme de la commune. Par une délibération du 4 septembre 2008, ce document a été modifié afin de supprimer les secteurs Nc dans lesquels étaient autorisées les activités d'extraction du sous-sol, notamment dans le secteur des Longs-Prés où la société BPE Lecieux avait un projet d'exploitation d'un gisement de matériaux alluvionnaires.

2. Cette société a demandé au maire de Bury, le 4 octobre 2018, d'abroger le plan local d'urbanisme approuvé par la délibération du conseil municipal du 15 novembre 2007 modifiée, en tant que le plan local d'urbanisme s'oppose à tout projet de carrière. Elle a ensuite demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire sur cette demande. Le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 30 juin 2020 dont la société BPE Lecieux fait appel.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration aux termes duquel : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal (...), que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé (...) ".

4. Si la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.

5. D'autre part, pour apprécier la cohérence, exigée par l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme devenu l'article L. 151-8 du même code, au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision.

6. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou à un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

7. En premier lieu, le projet d'aménagement et de développement durables a précisé, dans le cadre de son orientation " Poursuivre le développement de l'actuelle zone d'activité économique et consolider le tissu économique local ", que " Toujours dans un souci de dynamiser et de conforter l'économie locale, la commune affirmait dès la prescription de son plan local d'urbanisme (délibération du 27 mars 2003) sa volonté de permettre l'exploitation de gisements géologiques dans la vallée du Thérain. Le besoin avéré (et non satisfait actuellement) en matériaux pour l'industrie et le bâtiment justifie cette orientation ".

8. Or ainsi qu'il a été dit, la modification du plan local d'urbanisme intervenue le 4 septembre 2008 a eu pour objet de supprimer les secteurs Nc de la zone N où étaient autorisées les activités d'extraction du sous-sol et qui comprenaient, dans la vallée du Thérain, le secteur des Longs-Prés.

9. La circonstance que le secteur des Longs-Près ait une superficie de 50 hectares soit seulement 2,93 % du territoire communal ne peut utilement être invoquée en défense dès lors que l'orientation portant sur les carrières ne concernait que la vallée du Thérain.

10. Par ailleurs, il est constant que le règlement du plan local d'urbanisme n'autorise pas les activités d'extraction en cause dans d'autres zones de la commune.

11. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la modification du 4 septembre 2008 a été justifiée par la circonstance, alors que l'une des orientations du projet d'aménagement et de développement durables était de " Prendre en compte les dispositions du PPRI de la rivière du Thérain ", que la zone N du plan local d'urbanisme était soumise aux dispositions du plan de prévention des risques d'inondation de la rivière du Thérain.

12. Toutefois, ce plan a classé le secteur des Longs Prés en zone rouge clair, correspondant aux zones naturelles inondables soumises à un risque faible dont certaines sont vouées à l'expansion des crues du Thérain, et l'article 4.2.13 du règlement de ce plan a autorisé, dans cette zone rouge clair, l'ouverture et l'exploitation de carrières sous les seules conditions que " L'impact hydraulique, lors de l'exploitation, ne doit pas aggraver les conséquences des crues, il devra être au moins neutre " et que " Le réaménagement doit donner la préférence à une solution permettant de participer à la réduction des conséquences des inondations à l'échelle de la vallée ; à défaut, l'impact hydraulique, après réaménagement, sera au moins neutre ".

13. Il résulte de ce qui précède, dès lors qu'aucune autre orientation du projet d'aménagement et de développement durables ne justifie la suppression des secteurs où étaient autorisées les activités d'extraction du sous-sol, que le règlement du plan local d'urbanisme est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il contrarie l'orientation précise du projet d'aménagement et de développement durables consistant à permettre l'exploitation de gisements géologiques dans la vallée du Thérain.

14. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens présentés à l'appui de la requête par la société BPE Lecieux n'est de nature à fonder l'annulation de la décision qu'elle conteste.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, que la société BPE Lecieux est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus d'abrogation de la délibération du 15 novembre 2007 modifiée le 4 septembre 2008, en tant que le plan local d'urbanisme n'a pas prévu de zone autorisant l'exploitation de carrières.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Il résulte de ce qui précède que le maire de Bury est tenu d'initier la procédure permettant la mise en cohérence, sur la question susanalysée, du projet d'aménagement et de développement durables et du règlement du plan local d'urbanisme.

17. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, d'enjoindre au maire de Bury d'initier cette procédure dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge la société BPE Lecieux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Bury réclame au titre des frais de justice.

19. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge la commune de Bury une somme de 1 500 euros à verser à la société BPE Lecieux au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 30 juin 2020 est annulé.

Article 2 : La décision de refus d'abrogation de la délibération du 15 novembre 2007 modifiée le 4 septembre 2008, en tant que le plan local d'urbanisme n'a pas prévu de zone autorisant l'exploitation de carrières, est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Bury d'initier la procédure permettant la mise en cohérence du projet d'aménagement et de développement durables et du règlement du plan local d'urbanisme, sur la question évoquée à l'article précédent, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La commune de Bury versera une somme de 1 500 euros à société BPE Lecieux au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La demande présentée par la commune de Bury sur le fondement des mêmes dispositions est rejetée.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à société BPE Lecieux et à la commune de Bury.

Copie de l'arrêt sera transmise, pour information, au préfet de l'Oise.

N° 20DA01438

3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01438
Date de la décision : 13/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SCP NICOLAŸ - DE LANOUVELLE - HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-07-13;20da01438 ?
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