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13/07/2021 | FRANCE | N°20DA00321

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 13 juillet 2021, 20DA00321


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 2 août 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire po

rtant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", à titre subsidiaire...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 2 août 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente et dans le délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1903810 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 2 août 2019 du préfet de la Seine-Maritime, a fait injonction au préfet territorialement compétent, d'une part, de délivrer à M. C... une autorisation provisoire de séjour, d'autre part, de procéder à réexamen de sa demande de titre de séjour, en outre, a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. C... d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2020, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rouen.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les observations de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 13 décembre 1970 à Kinshasa, est entré en France, selon ses déclarations, le 23 juillet 2012, dans des conditions irrégulières. Il a formé, le 10 septembre 2012, une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 17 mars 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 31 octobre 2014 par la Cour nationale du droit d'asile. Il a sollicité, le 27 novembre 2014, la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en faisant état de difficultés de santé. Ce titre lui a été délivré le 22 septembre 2016 et a été renouvelé jusqu'au 21 septembre 2018. Par un arrêté du 2 août 2019, le préfet de la Seine-Maritime a refusé d'accorder à M. C... le renouvellement de son titre de séjour, ainsi que son admission au séjour sur les autres fondements qu'il avait entre-temps invoqués, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 30 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen, à la demande de M. C..., a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour, et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. C... d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-11, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 313-22, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-23, alors en vigueur, du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) ".

4. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté (...). / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

5. Pour annuler, par le jugement attaqué, l'arrêté du 2 août 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé d'accorder à M. C... le renouvellement de son titre de séjour et, par voie de conséquence, les autres décisions contenues dans cet arrêté, le tribunal administratif de Rouen a retenu que cette décision de refus avait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que les signatures figurant au bas de l'avis du 7 mai 2019 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, au vu duquel le préfet de la Seine-Maritime avait forgé son appréciation, constituaient des fac-similés numérisés qui ne présentaient aucune garantie quant à l'identité des signataires. Le tribunal a estimé que ces modalités ne procédaient pas de la mise en oeuvre d'un procédé fiable d'identification au sens de l'article 1367 du code civil et qu'elles n'étaient pas conformes à l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis médicaux dans le cadre de l'examen des demandes de titre de séjour. Les premiers juges ont tiré de cette analyse la conclusion que l'autorité préfectorale n'avait pas été mise à même de s'assurer de ce que cet avis avait effectivement été émis par le collège de médecins de l'Office, et que M. C... devait ainsi être tenu comme ayant été privé de la garantie correspondante.

6. Toutefois, il ressort des éléments avancés par le préfet de la Seine-Maritime au soutien de sa requête d'appel et non sérieusement contredits, que, pour émettre l'avis du 7 mai 2019 au vu duquel la décision de refus de séjour en litige a été prise, les membres du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ont utilisé l'application informatique dédiée, dénommée " Thémis ". Or, lorsque les membres du collège de médecins, après s'être connectés au réseau interne de l'Office avec un identifiant et un mot de passe, puis à cette application " Thémis " avec un autre identifiant et un autre mot de passe, valident le sens d'un avis, l'application génère un document qui ne peut être modifié ou contrefait et ce document est diffusé aux médecins pour validation, de sorte que celui-ci doit être regardé, au terme de ce processus, comme un avis signé par les intéressés, ce que l'application matérialise par l'apposition d'une image numérisée de la signature des membres du collège. La circonstance que le préfet de la Seine-Maritime ait produit, devant les premiers juges, deux exemplaires de l'avis du 7 mai 2019, dont l'un n'était pas revêtu de toutes les signatures requises, ne peut suffire à remettre en cause la régularité de la mise en oeuvre de cette application, dès lors que les mentions de ce document préparatoire, et d'ailleurs sa date d'émission, sont identiques à celles de l'avis finalement transmis par le collège de médecins, sur lequel le préfet a fondé son appréciation. En outre, la mention, qui figure sur l'avis émis le 7 mai 2019 par le collège de médecins, selon laquelle celui-ci est émis à l'issue d'une délibération du collège, fait foi jusqu'à preuve contraire, laquelle n'est pas rapportée en l'espèce. Ainsi, d'une part, les dispositions précitées des articles L. 313-11 11°, R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 n'ont pas été méconnues en l'espèce, dès lors qu'il a été fait usage d'un procédé fiable d'identification au sens de l'article 1367 du code civil, et, d'autre part, le moyen tiré de l'absence de débat collégial entre les médecins, membres du collège, n'est pas fondé. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que le tribunal administratif de Rouen, pour annuler la décision de refus de séjour opposée à M. C..., a retenu à tort le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure à l'issue de laquelle cette décision a été prise.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Rouen et devant elle.

Sur la décision de refus de séjour :

8. Il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que ceux-ci comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquels se fonde la décision refusant à M. C... le renouvellement de son titre de séjour, ainsi que son admission exceptionnelle au séjour au titre du travail et de la vie privée et familiale, fondements qu'il avait entre-temps invoqués au soutien de sa demande. En particulier, ces motifs font mention, contrairement à ce qui est soutenu, des éléments caractérisant l'évolution de la situation administrative de l'intéressé depuis son arrivée en France et ne font pas abstraction de sa situation professionnelle, puisqu'ils indiquent que M. C... n'est plus en formation depuis le 12 juillet 2019 et que son dernier contrat de mission en intérim a pris fin le 21 mai 2019. Le préfet de la Seine-Maritime n'avait cependant pas à exposer, dans son arrêté, les raisons pour lesquelles chacune des nombreuses pièces produites par l'intéressé n'avait pas été de nature à le convaincre du bien-fondé de sa demande de titre de séjour. Ainsi, la décision de refus de séjour doit être regardée comme suffisamment motivée au regard de l'exigence posée par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

9. Il ressort des motifs de l'arrêté contesté que, pour refuser à M. C... la délivrance d'un titre de séjour en tant que salarié, le préfet de la Seine-Maritime a, comme il a été dit au point précédent, retenu que l'intéressé n'était plus en formation depuis le 12 juillet 2019 et que son dernier contrat de mission en intérim avait pris fin le 21 mai 2019. Le préfet a retenu, en outre, que M. C... ne justifiait d'aucun moyen de subsistance. L'intéressé conteste ces motifs et verse au dossier des pièces de nature à justifier de son inscription, à compter du 8 juillet 2019, à une formation professionnelle d'électricien d'équipement du bâtiment, ainsi qu'une attestation de l'organisme ayant assuré cette formation précisant que celle-ci a pris fin le 14 février 2020. M. C... justifie, en outre, de l'obtention, au terme de cette session, du titre d'électricien d'équipement du bâtiment. L'intéressé soutient, en conséquence, que, pour retenir qu'il n'était plus en formation depuis le 12 juillet 2019, le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé sur des faits matériellement inexacts. En outre, il ressort des bulletins de salaire produits par M. C... que celui-ci a, contrairement à ce que retiennent, par erreur, les motifs de l'arrêté contesté, continué à travailler dans le cadre d'un contrat d'intérim jusqu'au mois de juin 2019 inclus. Enfin, alors qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... a été imposé sur ses revenus au titre de l'année 2019 et que, comme il vient d'être dit, il justifie avoir travaillé, dans le cadre de contrats d'intérim jusqu'au mois de juin 2019 inclus, il est peu vraisemblable que l'intéressé ait été, à la date de l'arrêté contesté, dépourvu de tous moyens de subsistance. Toutefois, le préfet de la Seine-Maritime, qui a estimé que M. C... demandait, outre le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré pour raisons de santé, la régularisation de sa situation administrative au titre du travail et de la vie privée et familiale, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a retenu, pour refuser de faire droit à cette demande de régularisation, que l'intéressé ne justifiait pas de considérations humanitaires, ni de motifs exceptionnels propre à justifier son admission au séjour. Or, ni le fait de travailler dans le cadre d'un contrat d'intérim et d'en tirer des ressources, ni le fait de suivre une formation professionnelle ne constituent, par eux-mêmes, de tels motifs exceptionnels, ni, en tout état de cause, des considérations humanitaires propres à justifier une admission exceptionnelle au séjour. Dès lors, les erreurs commises par le préfet dans la prise en compte des faits de l'espèce n'ont pas été déterminantes dans l'appréciation, à laquelle il s'est livré, de la situation de M. C... de sorte que cette autorité aurait pris la même décision en ne tenant pas compte de ces faits erronés.

10. Eu égard notamment à ce qui a été dit au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime ne se serait pas livré à un examen particulier et suffisamment attentif de la situation de M. C... avant de refuser, par l'arrêté contesté, de lui délivrer un titre de séjour.

11. Pour refuser d'accorder à M. C... le renouvellement de la carte de séjour temporaire qui lui avait été précédemment délivrée pour raisons médicales, le préfet de la Seine-Maritime a forgé son appréciation au vu, notamment, de l'avis, mentionné au point 6, émis le 7 mai 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, selon lequel, si l'état de santé de M. C... rend nécessaire une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, au regard des éléments d'information portés à la connaissance du collège, l'intéressé peut voyager sans risque à destination de son pays d'origine. Il ressort des motifs de l'arrêté en litige que le préfet s'est approprié cette analyse, après avoir estimé que les pièces fournies par M. C... n'étaient pas de nature à remettre celle-ci en cause.

12. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, des nombreux documents et comptes rendus médicaux produits, que M. C... a présenté, au cours de l'année 2015, des perturbations du bilan hépatique, sur un terrain de fragilité lié à une hépatite B guérie, ainsi qu'une pneumopathie qui a été prise en charge médicalement. Il ressort des termes d'un compte-rendu médical établi le 23 juillet 2015 par un praticien hospitalier, que la prise en charge de M. C... dans le cadre d'une hospitalisation a permis de faire évoluer favorablement l'infection pulmonaire et de stabiliser le bilan hépatique. Il ressort, en outre, des pièces du dossier, en particulier d'un certificat médical établi le 2 juin 2020 et confirmé dans les mêmes termes le 10 septembre 2020 par le médecin traitant de M. C..., que celui-ci a ensuite présenté, en février 2020, un syndrome coronarien aigu qui a rendu nécessaire la mise en place d'un stent ainsi qu'une surveillance rapprochée en cardiologie et la prescription d'un traitement quotidien. Toutefois, ces deux documents révèlent aussi que cette pathologie coronarienne est apparue à une date postérieure à celle de l'arrêté contesté, tandis qu'aucune des pièces du dossier ne permet d'établir un lien entre cette pathologie et l'état de santé préexistant de l'intéressé. Dans ces conditions, les documents médicaux relatifs à la période contemporaine à cet arrêté ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation du préfet de la Seine-Maritime selon laquelle un défaut de prise en charge médicale de M. C... n'était pas, à la date de cet arrêté, susceptible d'entraîner pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner si une prise en charge médicale appropriée est disponible dans le pays dont M. C... est originaire, laquelle question n'avait pas non plus à être étudiée par le collège de médecins, compte-tenu de la teneur de son avis, ni davantage de prescrire avant dire-droit la production de la fiche extraite de la bibliothèque d'information santé sur les pays d'origine (BISPO) relative à la République démocratique du Congo, le préfet de la Seine-Maritime, en refusant d'accorder à celui-ci le renouvellement de son titre de séjour, ne peut être tenu comme ayant méconnu les dispositions, citées au point 2, du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. Aux termes de l'article L. 313-11, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

14. M. C..., qui déclare être entré en France le 23 juillet 2012, soutient qu'il pouvait se prévaloir, à la date de l'arrêté contesté, d'un séjour habituel d'un peu plus de sept années sur le territoire français, dont deux années ont été effectuées par lui dans des conditions régulières, durant lesquelles il a travaillé dans le cadre de contrats d'intérim et suivi plusieurs formations professionnelles. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que M. C... est marié et père de quatre enfants, dont deux étaient mineurs à la date de l'arrêté contesté, et que son épouse, de même que ses enfants, demeurent dans son pays d'origine. Ainsi, M. C..., qui ne fait pas état de la présence de membres de sa famille en France, ni ne soutient y avoir noué des liens d'une particulière intensité, ne peut être regardé comme établissant être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel il a lui-même habituellement vécu jusqu'à l'âge de quarante-et-un ans. Par suite, en dépit des efforts accomplis, il est vrai, par M. C... pour compléter sa formation professionnelle et malgré le fait qu'il a travaillé durant deux années en France, dans le cadre cependant de missions diverses, de préparateur de commandes ou d'agent de production, en intérim, qui ne peuvent lui permettre, en l'absence de promesse d'embauche dans les métiers de l'électricité du bâtiment correspondant à ses qualifications, de se prévaloir de perspectives d'insertion professionnelle pérenne, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ni n'a, en tout état de cause, méconnu les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, cette décision ne méconnaît pas davantage les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Enfin, le préfet de la Seine-Maritime, en prenant cette décision de refus, ne peut être tenu, dans ces conditions, comme ayant commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences que cet acte comporte sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

15. En vertu du I. de l'article L. 511-1, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque, comme en l'espèce, la décision portant obligation de quitter le territoire français est adossée à une décision de refus de séjour, elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique. Or, ainsi qu'il a été dit au point 8, la décision de refus de séjour prise à l'égard de M. C... est suffisamment motivée. Par suite, l'arrêté contesté doit être regardé comme suffisamment motivé en tant qu'il fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire français.

16. Pour les motifs énoncés aux points 2 à 6, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français a été prise doit être écarté.

17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 14 que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. C... n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de séjour ne peut qu'être écarté.

18. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français n'aurait pas été précédée d'un examen particulier et suffisamment attentif de sa situation.

19. Aux termes de l'article L. 511-4, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / (...) ".

20. Compte-tenu de ce qui a été dit au point 12, il ne peut être tenu pour établi que M. C... était, à la date de l'arrêté contesté, au nombre des ressortissants étrangers, visés au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui, en raison de leur état de santé, ne peuvent légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

21. Pour les motifs énoncés au point 14, en ce qui concerne la situation personnelle et familiale de M. C..., les moyens tirés de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, d'une part, aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'autre part, serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doivent être écartés.

Sur la décision fixant le pays de destination :

22. Il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que ceux-ci mentionnent la nationalité de M. C... et qu'ils ajoutent, en faisant référence au rejet définitif de sa demande d'asile, que l'intéressé n'allègue ni n'établit qu'il risquerait d'être soumis, en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. A cet égard, le préfet de la Seine-Maritime n'avait pas à exposer, dans les motifs de son arrêté, les raisons pour lesquelles les craintes que M. C... avait exprimées au soutien de sa demande d'asile et qu'il n'avait d'ailleurs pas reprises ensuite, ne pouvaient être tenues pour fondées. Les considérations de droit et de fait ainsi contenues dans les motifs de cet arrêté constituent, pour la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, une motivation suffisante, alors même que cette décision ne fait pas une référence expresse aux dispositions de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne constituent pas la base légale de la décision fixant le pays de destination.

23. Il résulte de ce qui a été dit aux points 15 à 21 que la décision faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel l'intéressé pourra être reconduit d'office devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette mesure d'éloignement doit être écarté.

24. M. C..., dont au demeurant la demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, n'assortit d'aucune argumentation son moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation. Dans ces conditions et alors que, comme il a été dit au point 12, un défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce moyen ne peut qu'être écarté.

25. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 2 août 2019, lui a enjoint, d'une part, de délivrer à M. C... une autorisation provisoire de séjour, d'autre part, de procéder à réexamen de sa demande de titre de séjour, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. C... d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par voie de conséquence, la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rouen doit être rejetée. Il en est de même de l'ensemble des conclusions que M. C... présente en appel.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1903810 du 30 janvier 2020 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rouen ainsi que les conclusions présentées par celui-ci devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... C... et à Me A....

Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

1

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No20DA00321


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00321
Date de la décision : 13/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-07-13;20da00321 ?
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