Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 janvier 2017 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France a prononcé son licenciement ainsi que la décision implicite de rejet prise sur son recours gracieux du 31 janvier 2017. Il a également demandé d'enjoindre à la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France de le réintégrer et de reconstituer sa carrière à la date de sa réintégration effective, de condamner la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France à lui verser la somme de 143 024,03 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1705344 du 18 septembre 2019, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 12 janvier 2017 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France a prononcé le licenciement de M. C..., a enjoint à la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France de réintégrer et de reconstituer la carrière de M. C..., à compter de la date de son licenciement, dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement, a condamné la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France à verser à M. C..., la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice subi et a rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 18 novembre 2019, 13 octobre 2020 et 12 mai 2021, la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France, représentée par la Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les conclusions de la requête présentée par M. C... devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;
- l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denis Perrin, rapporteur,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me A... D... pour la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France et de Me B... F... pour M. E... C....
Considérant ce qui suit :
1. M. E... C..., recruté par une convention particulière du 12 décembre 2008, était, depuis le 26 janvier 2009, directeur général de la chambre de commerce et d'industrie Littoral Normand Picard. Cette dernière a ensuite été intégrée au sein de la chambre de commerce et d'industrie de la région Picardie, qui a été fusionnée avec la chambre de commerce et d'industrie de la région Nord de France par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, avant d'être absorbée par la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France créée par un décret du 11 avril 2016. Par un arrêté du 9 décembre 2016 du préfet de la région Hauts-de-France fixant les modalités de transfert des biens immobiliers et mobiliers, des créances, des droits et obligations et des contrats des chambres de commerce et d'industrie de région Nord de France et Picardie à la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France, la convention particulière par laquelle M. C... a été recruté, a été transférée à la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France. Par un courrier du 5 janvier 2017, notifié le même jour, M. C... a été convoqué à un entretien préalable, lequel s'est déroulé le 9 janvier 2017. Par un courrier du 12 janvier 2017, notifié le lendemain, M. C... a été informé de la décision de licenciement prise à son encontre par le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France, sur le fondement du 5° de l'article 43 du statut, à compter du 13 juillet 2017. Par un courrier du 31 janvier 2017, notifié le 2 février 2017, M. C... a formé, auprès du président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France, un recours gracieux contre cette décision ainsi qu'une demande indemnitaire préalable, qui sont restés sans réponse. La chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France relève appel du jugement n° 1705344 du 18 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 12 janvier 2017 par laquelle son président a prononcé le licenciement de M. C..., lui a enjoint de le réintégrer et de reconstituer sa carrière à compter de la date de son licenciement, dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement et l'a condamnée à verser à M. C... la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice subi.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France soutient que le tribunal administratif de Lille a omis de répondre au moyen tiré de ce que, en admettant même que la décision de licenciement ait été prononcée au terme d'une procédure irrégulière, il n'en résulterait pas pour autant que cette illégalité serait de nature à ouvrir, au bénéfice du requérant, le droit au paiement de dommages-intérêts. Toutefois, il ressort des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a implicitement mais nécessairement estimé qu'un tel lien de causalité était établi en condamnant la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France à la réparation du préjudice moral de M. C.... Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une omission à statuer doit être écarté.
3. D'autre part, contrairement à ce que soutient la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France, le tribunal administratif de Lille a été saisi des conclusions à fin d'injonction formées par M. C.... Dès lors, les premiers juges n'ont pas statué ultra petita. Le moyen doit être écarté comme manquant en fait.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité de la décision du 12 janvier 2017 :
4. D'une part, aux termes de l'article 39 du statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie, des chambres de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires : " Le présent statut s'applique aux Directeurs Généraux, à l'exception des dispositions relatives à la rémunération, autres que celles figurant aux articles 20 et 24, et des dispositions relatives aux cessations de fonctions, auxquelles se substituent les dispositions du présent titre ". Aux termes de l'article 43 du même statut : " (...) La cessation de fonctions du directeur général intervient dans les cas suivants (...) 5° Licenciement à la discrétion du Président de la Chambre / Ce licenciement résulte de la dénonciation de la Convention par mesure unilatérale du Président, sans que ce dernier invoque un motif tiré de la capacité ou du comportement du Directeur Général / Il est soumis à un préavis de six mois ; il ouvre droit à l'indemnité de licenciement prévue à l'article 46 ci-dessous et au revenu de remplacement prévu à l'article 35 bis du présent statut / Il ne peut être prononcé avant l'expiration d'un délai de huit mois suivant la date des élections à la Chambre de Commerce et d'Industrie (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article 4 du décret du 11 avril 2016 portant création de la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France : " A compter du 1er janvier 2017 : / 1° Les services gérés par les chambres de commerce et d'industrie de région Nord de France et Picardie sont pris en charge par la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France ; / 2° Les biens immobiliers et mobiliers, les contrats, les créances ainsi que les droits et obligations des chambres de commerce et d'industrie de région Nord de France et Picardie sont transférés à la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France. / Les modalités de ce transfert sont fixées par arrêté de l'autorité de tutelle. ".
6. Il résulte du décret du 14 avril 2016 portant création des chambres de commerce et d'industrie locales de l'Artois, Grand Hainaut, Grand Lille et Littoral Hauts de France que les chambres de commerce et d'industrie territoriales de la Côte d'Opale et du Littoral Normand-Picard deviennent la chambre de commerce et d'industrie locale de Littoral Hauts de France, rattachée à la chambre de commerce et d'industrie de région Haut de France, conformément au schéma directeur de la chambre de commerce et d'industrie de région Picardie et au schéma directeur modifié de la chambre de commerce et d'industrie de région Nord de France, approuvés par arrêtés ministériels le 8 mars 2016. Aux termes de l'article 6 de cet arrêté : " A compter de la date mentionnée au premier alinéa de l'article 5 : / 1° Les services gérés par les chambres de commerce et d'industrie territoriales de l'Artois, de la Côte d'Opale, Grand Hainaut, Grand Lille, du Littoral Normand-Picard ainsi que du groupement interconsulaire Service interconsulaire Artois-Douaisis d'éducation permanente sont pris en charge par la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts de France ; / 2° Les biens immobiliers et mobiliers, les contrats, les conventions, les créances, ainsi que les droits et obligations des chambres de commerce et d'industrie territoriales de l'Artois, de la Côte d'Opale, Grand Hainaut, Grand Lille, du Littoral Normand-Picard ainsi que du groupement interconsulaire Service interconsulaire Artois-Douaisis d'éducation permanente sont transférés à la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts de France. / Les modalités de transfert sont fixées par arrêté de l'autorité de tutelle. " Par ailleurs, l'annexe de l'arrêté préfectoral du 9 décembre 2016 précité prévoit expressément le transfert de la convention particulière de M. C... à la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France.
7. Il ressort des pièces du dossier que le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France a remis en main propre, le 14 décembre 2016, un courrier à M. C... ayant pour objet " Entrée en vigueur de la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France - Changement d'employeur " rappelant que le décret du 11 avril 2016 a créé la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France par regroupement des chambres de commerce et d'industrie Nord de France et Picardie. Ce courrier énonce que " L'ensemble des droits et obligations des CCI de région Nord de France et Picardie, dont les engagements des collaborateurs, a été transféré à la CCI de région Hauts-de-France par arrêté préfectoral. / En conséquence, par le présent courrier nous vous informons que la CCI de région Hauts-de-France est votre nouvel employeur. / Les termes de votre lettre d'engagement et de ses éventuels avenants, votre affectation au sein de la CCI Littoral Hauts-de-France et votre lieu de travail restent inchangés. ".
8. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que M. C... a conservé son contrat de travail antérieur de directeur général de chambre de commerce et d'industrie avec l'ensemble des droits et obligations qui y étaient attachés. Dès lors, la circonstance qu'il n'exerçait plus effectivement les fonctions de directeur général du fait de la suppression du poste de directeur général au sein de la chambre de commerce et d'industrie Littoral Normand-Picard qu'il occupait avant l'installation de la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France est sans incidence sur la circonstance que son licenciement devait intervenir selon les dispositions du 5° de l'article 43 de l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires. Le licenciement ne pouvait donc être prononcé sur le fondement de ces dispositions avant l'expiration d'un délai de huit mois suivant la date des élections à la chambre de commerce et d'industrie territoriale, expressément prévu par l'article 39 du statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie. Or, il ressort des pièces du dossier que le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France, élu le 13 décembre 2016, a décidé de licencier M. C... le 12 janvier 2017, soit avant l'expiration du délai de huit mois. Dans ces conditions, le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France a méconnu les dispositions précitées de l'article 43 du statut en prononçant le licenciement de M. C... le 12 janvier 2017. Par suite, la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 12 janvier 2017 par laquelle il a prononcé le licenciement de M. C....
En ce qui concerne les demandes indemnitaires de M. C... :
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 8 que la décision du 12 janvier 2017 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France a prononcé le licenciement de M. C... est illégale. Cette illégalité fautive est susceptible d'engager la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France.
10. Toutefois, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de conclusions tendant au versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise, dans le cadre d'une procédure régulière. En l'espèce, il résulte de l'instruction que M. C..., conservait, ainsi qu'il a été dit, les garanties afférentes à son ancien emploi, même s'il n'exerçait plus effectivement les fonctions de directeur général. La chambre de commerce et d'industrie de la région des Hauts-de-France ne pouvait donc pas prendre la même décision de licenciement à la date du 12 janvier 2017, avant l'expiration du délai de huit mois suivant la date des élections à la chambre de commerce et d'industrie, qui en vertu des dispositions de l'article 43 du statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie, des chambres de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires s'appliquait au contrat de travail de M. C.... Dès lors, et contrairement à ce que soutient la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France, la décision de le licencier ne résulte pas d'un vice de procédure mais d'une méconnaissance d'une condition posée par un texte et n'aurait pu être légalement prise par l'autorité administrative.
11. La chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France soutient également que les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en considérant que l'illégalité de la décision prise à l'encontre de M. C... lui a causé un préjudice moral. Or, M.C... met en avant " la brutalité " de la décision du 12 janvier 2017 prononçant son licenciement, résultant du non-respect du délai de huit mois suivant la date des élections à la chambre de commerce et d'industrie, qui lui a causé un préjudice moral. Compte tenu des circonstances de l'espèce, alors même que le préavis de licenciement de six mois a bien été respecté, il y a lieu de confirmer l'appréciation faite par les premiers juges qui ont fixé l'indemnisation du préjudice moral de M. C... à la somme de 2 000 euros.
En ce qui concerne l'injonction :
12. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".
13. Le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France soutient qu'une chambre de commerce et d'industrie ne peut se voir imposer de réintégrer un directeur général dans une autre fonction en raison de sa position statutaire particulière. Toutefois, l'annulation de l'éviction d'un directeur d'établissement public ayant été dissous et fusionné implique non la réintégration comme directeur de l'établissement issu de la fusion mais la régularisation de sa situation administrative et la recherche d'un reclassement sur un emploi équivalent ou à défaut un autre emploi. En outre, il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif a seulement ordonné de rechercher si une réintégration est possible sur un emploi de direction ou, si l'intéressé en fait la demande, sur un autre emploi au sein de la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France. Dans ces conditions, la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lille lui a enjoint de rechercher s'il est possible de réintégrer M. C... dans un des emplois de direction ou, à défaut d'un tel emploi et si l'intéressé le demande, dans tout autre emploi de la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. C..., qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser à la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire de condamner la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France à verser à M. C... une somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France est rejetée.
Article 2 : La chambre régionale de commerce et d'industrie Hauts-de-France versera la somme de 1 500 euros à M. C..., sur le fondement de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et à la chambre de commerce et d'industrie de la région Hauts-de-France.
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N°19DA02510
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