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01/07/2021 | FRANCE | N°19DA01541

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 01 juillet 2021, 19DA01541


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... A... B... ont demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, de prescrire le versement par l'Etat, au titre de l'année 2015, d'une somme de 100 000 euros au titre du remboursement, prévu par le 22ème alinéa du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, de la fraction non utilisée de la réduction d'impôt obtenue par eux au titre de la réalisation d'un investissement en outre-mer, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... A... B... ont demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, de prescrire le versement par l'Etat, au titre de l'année 2015, d'une somme de 100 000 euros au titre du remboursement, prévu par le 22ème alinéa du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, de la fraction non utilisée de la réduction d'impôt obtenue par eux au titre de la réalisation d'un investissement en outre-mer, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1701094 du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, condamné l'Etat à verser à M. et Mme A... B... la somme de 100 000 euros sur le fondement du 22ème alinéa du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, d'autre part, mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2019, et par des mémoires, enregistrés le 9 octobre 2019 et le 25 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme A... B... tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 100 000 euros sur le fondement des dispositions du 22ème alinéa du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts ;

3°) de prescrire le reversement de la somme de 1 000 euros mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... A... B... ont créé, au cours de l'année 2012, une société à responsabilité limitée (SARL) dénommée EMG Investissements, dont ils détiennent chacun la moitié des parts. Cette société, qui a opté pour le régime d'imposition applicable aux sociétés de personnes prévu à l'article 8 du code général des impôts, a pour gérant statutaire M. A... B... et n'emploie aucun salarié. Elle exerce une activité consistant à édifier puis à exploiter une villa touristique sur une parcelle, inscrite dans le patrimoine de la SARL EMG Investissements et située sur le territoire de la commune de Le Vauclin, en Martinique. Cette villa, dont les travaux d'édification se sont déroulés durant l'année 2012, a été achevée le 31 octobre 2013, date à laquelle des dépenses restaient cependant à exposer afin d'en assurer l'aménagement en vue de permettre sa mise en location à des fins touristiques. M. et Mme A... B..., dans les déclarations de revenus qu'ils ont souscrites au titre des années 2012 à 2015, ont placé l'investissement correspondant à ces travaux et à ces aménagements sous le bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts en faveur des investissements réalisés outre-mer. Ils ont, le 7 septembre 2016, demandé à l'administration le remboursement, à hauteur d'une somme de 100 000 euros, sur le fondement des dispositions du vingt-deuxième alinéa du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, de la fraction non utilisée de la réduction d'impôt obtenue dans le cadre de cette opération. Leur demande a été rejetée par une décision du 7 février 2017, au motif que les conditions auxquelles ces dispositions, par renvoi au 1° bis du I de l'article 156 du code général des impôts, subordonnent un tel remboursement n'étaient pas satisfaites.

2. M. et Mme A... B... ont, dans ces conditions, porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 16 mai 2019 par lequel ce tribunal, d'une part, a condamné l'Etat à verser à M. et Mme A... B... la somme de 100 000 euros sur le fondement du vingt-deuxième alinéa du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, d'autre part, a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre demande à la cour de rejeter la demande de M. et Mme A... B... et de prescrire le reversement de la somme de 1 000 euros mise, par ce jugement, à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

3. D'une part, en vertu du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B de ce code peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises, dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 du même code. Aux termes du vingtième alinéa du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. (...) ". Le vingt-et-unième alinéa du même I, dans sa rédaction applicable, ajoute que, lorsque le montant de la réduction d'impôt excède l'impôt dû par le contribuable ayant réalisé l'investissement, le solde peut être reporté, dans les mêmes conditions, sur l'impôt sur le revenu des années suivantes jusqu'à la cinquième inclusivement. Enfin, aux termes du vingt-deuxième alinéa de ce même I, dans sa rédaction applicable : " Toutefois, sur demande du contribuable qui, dans le cadre de l'activité ayant ouvert droit à réduction, participe à l'exploitation au sens des dispositions du 1° bis du I de l'article 156, la fraction non utilisée peut être remboursée à compter de la troisième année, dans la limite d'un montant de 100 000 € par an ou de 300 000 € par période de trois ans. Cette fraction non utilisée constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'égal montant. (...) ".

4. D'autre part, les dispositions du 1° bis du I de l'article 156 du code général des impôts, qui sont relatives aux conditions dans lesquels des déficits provenant, directement ou indirectement, des activités relevant des bénéfices industriels ou commerciaux peuvent être imputés sur le revenu net annuel dont dispose le foyer fiscal, subordonnent cette possibilité à la participation de l'un des membres du foyer fiscal à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité et précisent que cette participation doit être personnelle, continue et directe. Ces dispositions précisent que tel n'est pas le cas, notamment, lorsque la gestion de l'activité est confiée en droit ou en fait à une personne qui n'est pas un membre du foyer fiscal par l'effet d'un mandat, d'un contrat de travail ou de toute autre convention.

5. Il ressort des travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de l'article 72 de la loi du 30 décembre 1995 de finances pour 1996, dont sont issues les dispositions du 1º bis du I de l'article 156 du code général des impôts, que le législateur a entendu exclure du bénéfice de l'avantage fiscal instauré par ces dispositions les contribuables qui n'étaient pas effectivement et personnellement impliqués dans la gestion de l'entreprise. Cependant, l'avantage fiscal prévu au vingt-deuxième alinéa du I de l'article 199 undecies B de ce code, qui est lui aussi subordonné à la participation effective et personnelle du contribuable, entendue, par renvoi aux dispositions du 1° bis du I de l'article 156 du code général des impôts, selon la même définition, n'est pas réservé aux seuls contribuables qui justifient d'une participation personnelle à la gestion financière, comptable et administrative de l'entreprise, mais bénéficie aux contribuables qui participent personnellement à la gestion de l'entreprise, quel que soit le domaine sur lequel porte cette participation. Toutefois, il résulte des termes mêmes des dispositions du 1º bis du I de l'article 156 du code général des impôts que cette participation doit être directe et présenter un caractère continu.

6. Il résulte de l'instruction et, notamment, des pièces produites devant les premiers juges, que M. A... B... s'est personnellement investi, au cours des années 2012 et 2013, dans le suivi des travaux d'édification de la villa touristique commandée par la SARL EMG Investissements dont il est le gérant, en donnant, en tant que maître d'ouvrage, son accord sur les devis qui lui étaient soumis par les entreprises qu'il avait sélectionnées ou en formulant des demandes de modification de ces devis, en validant, voire en faisant corriger, les factures adressées à la SARL EMG Investissements à mesure de l'avancement du chantier, en donnant ses directives, par voie de courriers électroniques, par téléphone ou même sur place, aux différents intervenants, en particulier au maître d'œuvre et aux entreprises, ainsi qu'en délivrant les ordres de paiement au banquier et en assurant le suivi des règlements en lien avec la banque. Il résulte également de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté par l'administration s'agissant de la période de construction de la villa, que M. A... B... s'est rendu à plusieurs reprises sur les lieux afin de pouvoir s'assurer lui-même de l'avancement des travaux, en complément des photographies et des états d'avancement qui lui étaient régulièrement transmis, et en vue de rencontrer ses interlocuteurs locaux et les entreprises.

7. Par ailleurs, il est constant qu'après l'achèvement, le 31 octobre 2013, des travaux de construction de la villa, M. A... B... a confié l'entretien de celle-ci et de ses abords, ainsi que l'accueil des locataires, à des prestataires locaux et qu'il a, en outre, délégué, par des conventions de mandat conclues le 26 août 2014 et le 5 octobre 2016, la recherche de locataires, à savoir la publication des annonces, la réponse aux demandes de réservation, ainsi que la relation commerciale avec les clients et l'encaissement des paiements, à une puis à deux agences immobilières, les conventions de mandat excluant cependant expressément la prestation de conciergerie. Toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction, et il n'est pas sérieusement contesté, que les prestataires chargés de l'accueil des locataires et de l'entretien des locaux, de même que ceux qui se sont vu confier l'entretien des espaces verts environnants, ont régulièrement rendu compte de l'exécution de leurs prestations à M. A... B..., qui en a assuré le suivi régulier et qui a d'ailleurs décidé, au moins à deux reprises, de faire appel à d'autres prestataires lorsqu'il l'a estimé nécessaire. D'autre part, il résulte de l'instruction que les mandats ainsi souscrits avec les agences immobilières ne présentaient pas un caractère exclusif, la SARL EMG Investissements gardant, de la lettre même des conventions de mandat, la faculté de donner la villa en location à des clients entrés directement en relation avec elle, ce qu'elle a fait à deux reprises, et que les demandes de location formulées auprès des agences immobilières ont été systématiquement soumises, avant la signature de tout bail touristique, en particulier en ce qui concerne les tarifs envisagés, à l'approbation de M. A... B..., à qui les agences ont, par ailleurs, régulièrement rendu compte de l'accomplissement de leur mission. Il résulte également de l'instruction, au vu notamment des courriers électroniques versés au dossier, que M. A... B... s'est impliqué dans le suivi de la mission de ces agences, avec lesquelles il a entretenu des relations régulières, afin notamment de superviser la gestion des calendriers de réservation et d'améliorer la communication commerciale relative à l'exploitation de la villa, en autorisant, par exemple, la mise en place d'un partenariat entre l'une des agences et une agence immobilière exerçant de longue date en Martinique et pouvant la faire bénéficier de sa connaissance du marché local. Enfin, les copies de billets d'avion et de factures de location de véhicules, versées à l'instruction par M. A... B... devant le tribunal administratif, établissent que celui-ci a continué de se rendre sur place, à plusieurs reprises, après l'achèvement de la construction de la villa. Si, à cet égard, le ministre fait valoir que les montants, particulièrement modestes, des frais de déplacement inscrits, au titre des années en cause, dans la comptabilité de la SARL EMG Investissement ne concordent pas avec la fréquence des séjours que M. A... B..., qui, d'ailleurs, n'a pas fait état de dépenses d'hébergement, indique avoir effectués sur place, il résulte des éléments avancés par les contribuables que M. A... B..., d'une part, a fait le choix de gestion, dans le but de ne pas obérer le développement de l'activité de la SARL EMG Investissements qu'il venait de créer avec son épouse, de garder à sa charge l'essentiel de ses frais de voyage, d'autre part, disposait, pour se loger, d'une propriété familiale située non loin du site du chantier, ce qui lui a permis de ne pas exposer de frais d'hébergement.

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que M. A... B... n'a pas délégué la gestion de l'ensemble de l'activité liée à l'exploitation de la villa qu'il avait fait édifier, dans le cadre de la SARL EMG Investissements, à des personnes qui ne sont pas membres de son foyer fiscal, mais qu'il s'est, au contraire, impliqué de façon personnelle, directe et continue dans la gestion de l'investissement qu'il a ainsi réalisé en outre-mer. Dès lors, le ministre n'est pas fondé à soutenir que, pour leur accorder le remboursement qu'ils sollicitaient, le tribunal administratif, qui n'a d'ailleurs pas omis de s'assurer du caractère continu de la participation de l'intéressé, aurait retenu à tort que M. et Mme A... B... satisfaisaient, contrairement à ce qu'avait estimé l'administration, à la condition, requise par les dispositions précitées du vingt-deuxième alinéa du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, d'une participation personnelle, continue et directe du contribuable à l'accomplissement des actes nécessaires à la gestion de l'activité en cause, au sens des dispositions du 1° bis du I de l'article 156 de ce code.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a condamné l'Etat à verser à M. et Mme A... B... la somme de 100 000 euros, sur le fondement du vingt-deuxième alinéa du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, au titre du remboursement de la fraction non utilisée de la réduction d'impôt obtenue par eux à raison de l'investissement réalisé en outre-mer, et qu'il a mis à la charge de l'Etat, partie perdante en première instance, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, les conclusions du ministre de l'action et des comptes publics tendant à ce que la cour prescrive le reversement de cette somme par M. et Mme A... B... doivent, en tout état de cause, être rejetées. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. et Mme A... B... en cause d'appel.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme A... B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. et Mme C... A... B....

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°19DA01541


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01541
Date de la décision : 01/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur le revenu. - Établissement de l'impôt. - Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CAPTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-07-01;19da01541 ?
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