Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Ferme Eolienne du Lindier, à laquelle la préfète du Pas-de-Calais a délivré l'autorisation unique de construire et d'exploiter cinq éoliennes et un poste de livraison sur le territoire des communes de Favreuil et Beugnâtre par un arrêté du 28 février 2017, a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler ce même arrêté en tant qu'il lui a refusé l'autorisation unique sollicitée pour une sixième éolienne, dénommée E 06 et située sur le territoire de la commune de Beugnâtre.
Par un jugement n° 1703609 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 août 2020, la société Ferme Eolienne du Lindier, représentée par Me D... F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2017 en tant qu'il lui refuse l'autorisation unique sollicitée pour l'éolienne E 06 ;
3°) de délivrer l'autorisation sollicitée ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... E..., première conseillère,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public ;
- les observations de Me A... B..., représentant la Ferme Eolienne du Lindier.
Une note en délibéré présentée pour la société Ferme Eolienne du Lindier a été enregistrée le 17 juin 2021.
Considérant ce qui suit :
1. La société Ferme Eolienne du Lindier a sollicité, le 3 mai 2016, une autorisation unique pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien composé de six éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire des communes de Favreuil et Beugnâtre. Par un arrêté du 28 février 2017, la préfète du Pas-de-Calais a accordé l'autorisation requise pour les éoliennes E 01 à E 05 et a rejeté la demande concernant l'éolienne E 06 située sur la commune de Beugnâtre. La société requérante relève appel du jugement du 30 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2017 en tant qu'il refuse l'autorisation sollicitée pour l'éolienne E 06.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Au point 6 de son jugement, le tribunal administratif de Lille a indiqué que l'éolienne E 06 était située à moins de 125 mètres d'un boisement fréquenté, en période de nidification, par le bruant jaune qui est une espèce protégée. Il a ensuite souligné que la société pétitionnaire ne contestait pas utilement les risques de perturbations et d'effarouchement que présentait la proximité entre ce boisement et la machine et qu'en outre, le risque de collision de cet oiseau avec l'éolienne n'était pas inexistant. Il a enfin précisé qu'en se prévalant uniquement de la mesure compensatoire que sera la plantation d'une nouvelle haie, la société n'écartait pas sérieusement le risque avéré d'atteinte au lieu de nidification du bruant jaune en raison de la proximité déjà évoquée. Dans ces conditions, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé s'agissant précisément des impacts du projet sur cet oiseau.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur de droit :
4. Le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise la préfète en opposant à la société pétitionnaire les recommandations du protocole Eurobats peut être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 4 du jugement attaqué.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur d'appréciation :
5. D'une part, l'article L. 110-1 du code de l'environnement dispose : " I. - Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sons et odeurs qui les caractérisent, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. Ce patrimoine génère des services écosystémiques et des valeurs d'usage. / (...) / II. - Leur connaissance, leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état, leur gestion, la préservation de leur capacité à évoluer et la sauvegarde des services qu'ils fournissent sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : / (...) / 2° Le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable. Ce principe implique d'éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit ; à défaut, d'en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n'ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées ; / Ce principe doit viser un objectif d'absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité ; / (...) ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. / (...) ".
7. Le projet de la société Ferme Eolienne du Lindier consiste à implanter six éoliennes en deux lignes parallèles de trois éoliennes sur les communes de Favreuil et Beugnâtre. L'implantation prévue de l'éolienne E 06 en litige, au nord du projet, se trouve à 125 mètres d'un aménagement paysager qui accompagne les passages supérieurs de l'autoroute et de la ligne TGV. Ce boisement est fréquenté notamment par deux espèces de chiroptères, la pipistrelle commune et la pipistrelle de Nathusius.
8. Ces deux espèces sont répertoriées comme quasi-menacées sur la liste rouge française. Elles présentent toutes deux une vulnérabilité forte aux collisions avec les éoliennes ainsi qu'au barotraumatisme, phénomène mortel pour les chiroptères lié à un changement de pression de l'air provoqué par les aérogénérateurs. Elles présentent en outre un taux de reproduction faible qui rend hautement préjudiciable la mortalité de chaque individu. La proximité des éoliennes génère également une perte d'habitat pour les chiroptères. Il ressort des pièces du dossier que la distance minimale de 200 mètres entre les boisements et les aérogénérateurs, recommandée par l'étude d'impact elle-même, est préconisée par les divers documents et études versés au dossier par la ministre et plus récents que l'étude de mars 2012 au vu de laquelle l'étude écologique a mis l'accent, d'ailleurs pour la seule éolienne E 06, sur l'efficacité d'une mesure de bridage. Le volet écologique de l'étude d'impact indique que le boisement situé à 125 mètres de l'éolienne en litige est une zone de chasse avec une activité forte des chiroptères et présentant un enjeu fort pour ceux-ci. Dans ces conditions, il n'est pas démontré qu'en l'espèce, la mesure proposée de réduction de l'impact sur les chiroptères, consistant en un bridage des machines en liaison notamment avec certains phénomènes météorologiques, pourrait contrebalancer de manière suffisamment efficace la trop grande proximité entre le boisement fréquenté par les pipistrelles et la machine en litige.
9. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais, qui aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tenant au fort impact de l'éolienne E06 sur les seuls chiroptères, insuffisamment atténué par la mesure de réduction prévue au projet, n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant l'autorisation sollicitée pour cette éolienne. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins de délivrance de l'autorisation et les frais liés au litige :
10. Le présent arrêté rejetant les conclusions à fin d'annulation présentées par la société Ferme Eolienne du Lindier, les conclusions à fin de délivrance de l'autorisation sollicitée et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Ferme Eolienne du Lindier est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme Eolienne du Lindier et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
N°20DA01344 2