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29/06/2021 | FRANCE | N°19DA02744

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 29 juin 2021, 19DA02744


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ferme éolienne de Séhu a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 17 mars 2017 par lequel le préfet de la Somme et le préfet du Pas-de-Calais ont rejeté sa demande d'autorisation unique pour l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire des communes de Mesnil-en-Arrouaise, Sailly-Saillisel et Léchelle.

Par un jugement n° 1701299 du 10 octobre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête enregistrée le 13 décembre 2019, et un mémoire enregistré le 14 mai 2021 non communiqué...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ferme éolienne de Séhu a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 17 mars 2017 par lequel le préfet de la Somme et le préfet du Pas-de-Calais ont rejeté sa demande d'autorisation unique pour l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire des communes de Mesnil-en-Arrouaise, Sailly-Saillisel et Léchelle.

Par un jugement n° 1701299 du 10 octobre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 décembre 2019, et un mémoire enregistré le 14 mai 2021 non communiqué, la société Ferme éolienne du Séhu, représentée par Me A... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre aux préfets compétents de délivrer l'autorisation sollicitée ou à défaut de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement

- le code de l'urbanisme ;

-- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me A... B..., représentant, la société Ferme éolienne de Séhu.

Une note en délibéré a été enregistrée le 24 juin 2021 pour la société Ferme éolienne de Séhu.

Une note en délibéré a été enregistrée le 25 juin 2021 pour la société Ferme éolienne de Séhu.

Considérant ce qui suit :

1. La société Ferme éolienne du Séhu a déposé le 21 avril 2015 un dossier de demande d'autorisation unique pour l'exploitation d'un parc éolien de 15 éoliennes et quatre postes de livraison sur le territoire des communes de Mesnil-en-Arrouaise, Sailly-Saillisel et Léchelle. Par un arrêté du 17 mars 2017, le préfet de la Somme et le préfet du Pas-de-Calais ont refusé de délivrer l'autorisation sollicitée. Le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de la société pétitionnaire tendant à l'annulation de cet arrêté par un jugement du 10 octobre 2019 dont elle fait appel.

Sur le cadre juridique du litige :

2. D'une part, l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement a prévu que, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, plusieurs types de projets, notamment les projets d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumises à autorisation au titre de l'article L. 5121 du code de l'environnement, seraient autorisés par un arrêté préfectoral unique dénommé " autorisation unique ", celle-ci valant autorisation au titre de l'article L. 5121 du code de l'environnement et, le cas échéant, permis de construire au titre de l'article L. 4211 du code de l'urbanisme, autorisation de défrichement au titre des articles L. 21413 et L. 3413 du code forestier, autorisation d'exploiter au titre de l'article L. 3111 du code de l'énergie, approbation au titre de l'article L. 32311 du même code et dérogation au titre du 4° de l'article L. 4112 du code de l'environnement.

3. Sur le fondement de ces dispositions, le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement a fixé le contenu du dossier de demande d'autorisation unique et les modalités de son instruction ainsi que de sa délivrance par le préfet.

4. D'autre part, les dispositions de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017, codifiées aux articles L. 1811 et suivants du code de l'environnement, ont institué une autorisation environnementale dont l'objet est de permettre qu'une décision unique tienne lieu de plusieurs décisions auparavant distinctes dans les conditions qu'elles précisent.

5. L'article 15 de cette ordonnance a précisé les conditions de son entrée en vigueur : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 1812 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; (...) ". Sous réserve des dispositions de cet article 15, l'article 16 de la même ordonnance abroge les dispositions de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relatives à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement.

6. En vertu de l'article L. 18117 du code de l'environnement issu de l'article 1er de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 et applicable depuis le 1er mars 2017, l'autorisation environnementale est soumise, comme l'autorisation unique l'était avant elle ainsi que les autres autorisations mentionnées au 1° de l'article 15 de cette même ordonnance, à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient, dès lors, au juge du plein contentieux d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle l'autorité administrative statue sur cette demande et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.

7.Si, en application du 1° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, les autorisations uniques délivrées au titre de l'ordonnance du 20 mars 2014 sont considérées, depuis le 1er mars 2017, comme des autorisations environnementales, il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 qu'il revient au juge administratif, lorsqu'il est saisi d'une contestation contre une autorisation unique, d'en apprécier la légalité au regard des règles de procédure relatives aux autorisations uniques applicables à la date de sa délivrance.

Sur le bien-fondé du jugement et du refus en litige :

En ce qui concerne l'avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites du Pas-de-Calais :

8. Si le président de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites du Pas-calais a, à plusieurs reprises, au cours de la réunion du 10 février 2017, indiqué qu'il était préférable de suivre l'avis émis par la commission départementale de la nature, des paysages et des sites de la Somme le 9 février 2017, il ne résulte pas de l'instruction que la commission du Pas-de-Calais aurait renoncé à son pouvoir d'appréciation dès lors notamment que deux maires de communes concernées ont fait part de leur avis favorable au projet.

En ce qui concerne le motif de l'atteinte au paysage :

9. D'une part, l'article L. 511-1 du code de l'environnement dispose : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, (...) soit pour la protection (...) des paysages, (...) soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ".

10. D'autre part, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

11. Pour statuer sur une demande d'autorisation unique, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que le projet ne méconnaît pas, notamment, l'exigence de protection des paysages et de conservation des sites et ne porte pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants.

12. Pour rechercher si l'existence d'une atteinte à un paysage, à la conservation des sites et des monuments ou au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants est de nature à fonder un refus d'autorisation ou à fonder les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou du paysage sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.

S'agissant de la qualité du site :

13. Le site d'implantation du parc projeté se situe dans les départements de la Somme et du Pas-de-Calais et pour sa plus grande partie dans l'entité " Santerre et Vermandois " et la sous-entité " Collines du Vermandois " qui est un territoire vallonné faisant apparaître les caractéristiques des reliefs picards composés de vallées sèches. Il s'agit d'un paysage de grandes cultures avec quelques haies et rideaux boisés, larris ponctuels et boisements en haut de pentes et des villages-bosquets. L'église de Rocquigny monument historique classé et les cimetières militaires britanniques de Léchelle et d'Etricourt-Manancourt sont situés à proximité du site, la borne de Gouzeaucourt monument inscrit se trouve à 8 kilomètres et les monuments de Péronne, ses anciennes fortifications, son église Saint-Jean et son château à 10 kilomètres. Enfin, les deux grands ensembles emblématiques des collines du Vermandois et des boucles et étangs de Cléry sont situés respectivement à 4,9 et 7 kilomètres du site d'implantation du projet.

S'agissant de l'impact du projet sur le paysage :

14. Il résulte de l'instruction que 91 machines construites, accordées ou en instruction sont comprises dans un périmètre de 10 kilomètres autour du projet et 254 au total dans un rayon de 21 kilomètres. Plus précisément, l'aire d'implantation des quinze aérogénérateurs hauts de 150 mètres qui s'étend sur une zone de près de trois kilomètres de long et plus d'un kilomètre de large comblerait une étendue séparant trois parcs situés à l'est de trois autres parcs situés à l'ouest. Il résulte de l'instruction que ces parcs seront co-visibles avec le projet.

15. En conséquence, les éoliennes du projet auraient pour effet de réduire davantage les espaces de respiration et de contribuer à accroître l'effet de saturation visuelle et d'encerclement des habitants des communes proches du projet, notamment celles du Mesnil-en-Arrouaise, de Sailly-Saillisel et Manancourt comme des usagers de la route départementale 917. Or, si une densification dans l'implantation des éoliennes peut être recherchée, il ne doit pas en résulter une saturation visuelle excessive.

16. Dans ces conditions, les préfets ont pu légalement retenir le motif tiré de l'atteinte portée par le projet à la protection du paysage pour refuser par l'arrêté attaqué l'autorisation unique sollicitée.

17. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Somme et le préfet du Pas-de-Calais auraient pris la même décision s'ils n'avaient retenu que ce seul motif.

18. Il résulte de ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin de délivrance de l'autorisation et à fin d'injonction :

19. Le présent arrêt n'implique ni la délivrance de l'autorisation sollicitée ni une mesure d'exécution au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

20. La demande présentée par la société requérante, partie perdante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Ferme éolienne de Séhu est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme éolienne de Séhu, à la ministre de la transition écologique et aux préfets de la Somme et du Pas-de-Calais

N° 19DA02744

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02744
Date de la décision : 29/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme Rollet-Perraud
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CABINET LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES ET CGR LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-06-29;19da02744 ?
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