Vu la procédure suivante :
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 août 2019 et un mémoire enregistré le 12 février 2021, la société du Parc éolien de la Mutte, représentée par Me B... D..., demande à la cour :
- d'annuler l'arrêté du 30 avril 2019 par lequel le préfet de l'Aisne a délivré à la société Ferme éolienne de la Fontaine du A... une autorisation unique pour la construction et l'exploitation de dix aérogénérateurs et trois postes de livraison sur la commune de Macquigny ;
- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me C... A..., représentant la société Ferme éolienne de la Fontaine du A....
Considérant ce qui suit :
1. Le 29 septembre 2016, la société Ferme éolienne de la Fontaine du A... a déposé une demande d'autorisation unique pour l'exploitation d'une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent composée de dix aérogénérateurs d'une puissance maximale de 3,6 MW et de trois postes de livraison d'électricité sur le territoire de la commune de Macquigny. Le 30 avril 2019, le préfet de l'Aisne a délivré un arrêté autorisant la société à construire et exploiter l'installation. La société du Parc éolien de la Mutte demande l'annulation de cette décision.
Sur la recevabilité de la requête :
2. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ;(...) "
3. Aux termes de l'article R. 181-50 du code de l'environnement : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15 peuvent être déférées à la juridiction administrative : / 1° Par les pétitionnaires ou exploitants, dans un délai de deux mois à compter du jour où la décision leur a été notifiée ; / 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3, dans un délai de quatre mois à compter de :/ a) L'affichage en mairie dans les conditions prévues au 2° de l'article R. 181-44 ; / b) La publication de la décision sur le site internet de la préfecture prévue au 4° du même article. (...) ". Aux termes de l'article L. 181-3 du même code : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) "
4. Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. "
5. Au sens de ces dispositions, un établissement commercial ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge une autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement délivrée à une entreprise, fut-elle concurrente, que dans les cas où les inconvénients ou les dangers que le fonctionnement de l'installation classée présente pour les intérêts visés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement sont de nature à affecter par eux-mêmes les conditions d'exploitation de cet établissement commercial. Il appartient à ce titre au juge administratif de vérifier si l'établissement justifie d'un intérêt suffisamment direct lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'autorisation en cause, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour lui l'installation classée, appréciés notamment en fonction de ses conditions de fonctionnement, de la situation des personnes qui le fréquentent ainsi que de la configuration des lieux.
6. La société requérante possède et exploite depuis le 1er février 2019 six éoliennes sur le territoire de la commune de Landifay-et-Bertaignement autorisées par l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 12 janvier 2016, modifié par l'arrêté du 27 novembre 2017 et prorogé par l'arrêté du 23 mars 2018.
7. D'une part, la société requérante soutient que l'implantation du parc projeté entraînera une baisse du rendement de ses éoliennes E1 à E6 qui se trouvent en aval et dans le sillage des éoliennes E2, E5, E8, E9 et E10 du projet de parc ce qui provoquera une perte de production de 2,8 %. Elle produit à l'instance une étude de l'association Danish wind industry de 2003 qui indique qu'en raison de l'effet de sillage, une éolienne freine le vent lorsqu'elle capte son énergie et la convertit en électricité, et qui évalue la perte d'énergie à 5%. Cette étude précise également que les éoliennes sont habituellement espacées d'une distance équivalente à au moins trois fois le diamètre du rotor afin d'éviter que la turbulence créée derrière chaque éolienne n'affecte trop la production des éoliennes situées en aval. Or en l'espèce, il est constant que le rotor des machines projetées mesure 110 mètres. Ainsi, la distance de 482 mètres entre l'éolienne projetée la plus proche du parc de la société requérante et ce parc représente 4,38 diamètres de rotor.
8. Par ailleurs, la requérante produit une deuxième étude relative précisément à l'effet de sillage du projet sur son parc. Cette étude rédigée en langue anglaise et insuffisamment précise et circonstanciée, n'est pas de nature à démontrer l'existence d'une perte de production. Par suite, à supposer qu'une telle perte puisse être qualifiée d'atteinte à un intérêt visé à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, la société requérante n'en justifie pas la réalité.
9. D'autre part, la société requérante fait valoir que l'implantation du nouveau parc présenterait un risque de projection d'éléments en raison des effets de sillage et de la circonstance que son éolienne E1 se situe à seulement 482 mètres de l'éolienne E9 du parc projeté.
10. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent dans sa version dont se prévaut la société requérante : " L'installation est implantée de telle sorte que les aérogénérateurs sont situés à une distance minimale de : / 500 mètres de toute construction à usage d'habitation, de tout immeuble habité ou de toute zone destinée à l'habitation telle que définie dans les documents d'urbanisme opposables en vigueur au 13 juillet 2010 ;(...) ". La société requérante ne peut soutenir utilement que ces dispositions, qui ne concernent pas la distance entre deux parcs éoliens, auraient été méconnues.
11. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'étude de dangers a pris en compte la présence d'une éolienne existante à 490 mètres de l'éolienne E9 du parc objet de l'arrêté en litige. En outre elle évalue la probabilité de projection de pales ou de fragments de pales comme un risque qui " s'est produit mais a fait l'objet de mesures correctrices réduisant significativement la probabilité " avec un niveau de gravité qualifié de modéré. L'autorité environnementale a d'ailleurs retenu dans son avis du 17 avril 2018 que le niveau de risque technologique était aussi faible que possible. Enfin, la société requérante ne produit aucun élément propre au parc projeté qui mettrait en évidence que sa proximité avec le parc existant favoriserait des phénomènes de turbulences augmentant les risques d'accident.
12. Ainsi il ne résulte pas de l'instruction que le fonctionnement du parc projeté présenterait des inconvénients ou des dangers pour les intérêts visés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement de nature à affecter par eux-mêmes les conditions de l'exploitation du parc éolien dont la société Parc éolien de la Mutte est propriétaire. Dans ces conditions, la société requérante ne peut être regardée comme un tiers justifiant d'un intérêt au sens l'article R. 181-50 du code de l'environnement, lui donnant qualité pour agir contre l'autorisation d'exploitation litigieuse. Sa requête est par suite irrecevable.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Parc éolien de la Mutte réclame au titre des frais liés au litige.
14. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de la société Parc éolien de la Mutte une somme de 1 500 euros à verser à la société Ferme éolienne de la Fontaine du A... au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Parc éolien de la Mutte est rejetée.
Article 2 : La société Parc éolien de la Mutte versera une somme de 1 500 euros à la société Ferme éolienne de la Fontaine du A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc éolien de la Mutte, à la société Ferme éolienne de la Fontaine du A... et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aisne.
N° 19DA02052
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