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24/06/2021 | FRANCE | N°19DA02117

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 24 juin 2021, 19DA02117


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 20 juillet 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Nord-Pas-de-Calais a implicitement rejeté sa demande indemnitaire préalable formée le 5 mai 2016, de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 4 933,89 euros en réparation du préjudice matériel découlant de la discrimination syndicale dont il a été victime et 8 000 euros en réparation

du préjudice moral et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 eur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 20 juillet 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Nord-Pas-de-Calais a implicitement rejeté sa demande indemnitaire préalable formée le 5 mai 2016, de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 4 933,89 euros en réparation du préjudice matériel découlant de la discrimination syndicale dont il a été victime et 8 000 euros en réparation du préjudice moral et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1607322 du 10 juillet 2019 le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 septembre 2019 et le 4 décembre 2020, M. B..., représenté par Me D... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 20 juillet 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Nord-Pas-de-Calais a implicitement rejeté sa demande indemnitaire préalable formée le 5 mai 2016 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 4 933,89 euros en réparation du préjudice matériel découlant de la discrimination syndicale dont il a été victime et 11 000 euros en réparation du préjudice moral ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- le décret n° 2007-1365 du 17 septembre 2007 ;

- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur-public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., inspecteur du travail depuis mars 2008, a été affecté à l'unité de contrôle Nord-Lille de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Nord-Pas-de-Calais à compter de l'année 2010. Il a demandé au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Nord-Pas-de-Calais par lettre du 5 mai 2016, l'indemnisation des préjudices qu'il estime subir du fait de la discrimination syndicale commise par l'Etat à son encontre. En l'absence de réponse, le silence gardé par l'administration a fait naître une décision implicite de rejet. M. B... a demandé au tribunal administratif de Lille que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 12 933,89 euros en réparation de ses préjudices. Il relève appel du jugement rendu par le tribunal administratif de Lille le 10 juillet 2019 qui a rejeté ses demandes.

Sur la responsabilité de l'Etat :

2 Aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) / Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race. (...) ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de (...) ses convictions, (...) ses activités syndicales (...) une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 4 de cette même loi : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. ".

3. Il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. M. B... qui compare sa situation avec celle des autres agents titularisés dans le corps des inspecteurs du travail en 2008, soutient qu'il a été victime d'un ralentissement dans la progression de sa carrière en raison de son appartenance syndicale au regard des parts variables de prime d'activité, de la réduction d'ancienneté, du reliquat national pour l'année 2015 dont il a bénéficié, cette discrimination en raison de son appartenance et de ses fonctions au sein d'un syndicat constituant une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat et à conduire à la réparation des préjudices ainsi causés.

En ce qui concerne la prime d'activité :

5. Aux termes de l'article 1er du décret du 13 septembre 1999 portant attribution d'une prime d'activité aux fonctionnaires du corps de l'inspection du travail dispose que : " Dans la limite des crédits disponibles, une prime d'activité non soumise à retenue pour pension civile de retraite peut être allouée aux fonctionnaires du corps de l'inspection du travail. ". L'article 2 du même décret prévoit que : " (...) / Le montant des attributions individuelles est variable en raison de l'importance des sujétions de toute nature qu'ils sont appelés à rencontrer dans l'exercice de leurs fonctions et de leur manière de servir appréciée notamment au regard de la qualité du travail fourni. Sauf dérogation prévue par un arrêté pris dans les conditions mentionnées au premier alinéa, il ne peut excéder le double du montant moyen annuel. ".

6. M. B... fait valoir que pour les années 2008, 2009 et 2010 il a obtenu cinq parts de prime, que pour l'année 2011 il s'est vu attribuer six parts de prime et pour les années 2013 et 2014 qu'il a bénéficié de six parts et demie de prime, soit une revalorisation entre 2009 et 2015 d'une part et demie seulement alors que selon les bilans sociaux successifs qu'il a consultés portant sur les années 2011, 2012, 2013 et 2014, la part variable de la prime s'établit à une valeur située entre 8,8 et 9 parts de prime et au niveau de l'unité territoriale Nord-Lille, cette valeur est inférieure mais reste toujours supérieure à 8,29. Cependant les bilans sociaux en question comportent des données brutes qui ne font pas apparaître des variables telles que l'ancienneté dans le corps. De plus, les attributions de parts variables de primes résultent de nombreux critères tels les sujétions inhérentes aux fonctions occupées, la manière de servir et la charge de travail. S'il n'est pas contestable que les appréciations sur la manière de servir de M. B... sont bonnes en 2014 voire très bonnes en 2015, il n'est cependant pas démontré qu'elles auraient justifié l'attribution d'un nombre de parts variables de prime supérieur à celui qu'il a obtenu chaque année. M. B... produit un tableau élaboré par ses soins constitué d'un " panel comparatif de quarante et un collègues mettant en lumière l'évolution 2008-2015 du nombre de parts de prime " avec un échantillon très restreint concernant douze d'entre eux. Mais ces données parcellaires ne peuvent constituer des données statistiques fiables et significatives susceptibles de faire présumer que l'écart avec certains de ses collègues quant aux part de primes d'activité reposerait sur des motifs de discrimination liés à son appartenance et à ses fonctions au sein du syndicat SUD.

En ce qui concerne la réduction d'ancienneté :

7. Aux termes de l'article 7 du décret du 17 septembre 2007 : " Au vu de leur valeur professionnelle appréciée dans les conditions prévues aux articles 4 et 5, il est attribué aux fonctionnaires, dans chaque corps, un ou plusieurs mois de réduction par rapport à l'ancienneté moyenne exigée par le statut du corps pour accéder d'un échelon à l'échelon supérieur. / Ces réductions sont attribuées, selon les modalités prévues à l'article 11 et réparties entre les fonctionnaires dont la valeur professionnelle les distingue, après avis de la commission administrative paritaire compétente. ". Aux termes de l'article 8 du même décret : " Il est réparti annuellement, entre les fonctionnaires appartenant à un même corps, un nombre de mois de réduction d'ancienneté par rapport à la durée moyenne des services requise pour accéder d'un échelon à l'échelon supérieur, sur la base de quatre-vingt-dix mois pour un effectif de cent agents ayant bénéficié d'un entretien professionnel (...) ". Aux termes de l'article 11 du décret précité : " Les réductions sont attribuées, dans les conditions fixées à l'article 7, sur décision du chef de service qui les module compte tenu des propositions formulées par les supérieurs hiérarchiques directs des agents. / Des arrêtés des ministres intéressés déterminent également, après avis du comité technique paritaire compétent, les modalités de répartition des réductions d'ancienneté. Ils fixent la liste des chefs de service auxquels les contingents de réductions sont attribués, désignés à un niveau permettant d'établir, compte tenu des effectifs, une comparaison de la valeur professionnelle des agents de chaque corps concerné. ". Aux termes de l'article 8 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat : " Après avis de la commission administrative paritaire compétente, il est réparti annuellement, entre les fonctionnaires appartenant à un même corps, un ou plusieurs mois de réduction d'ancienneté par rapport à la durée moyenne des services requise pour accéder d'un échelon à l'échelon supérieur, sur la base de quatre-vingt-dix mois pour un effectif de cent agents. (...) ".

8. M. B... fait valoir que fin 2009 il a été promu au 3ème échelon sans réduction d'ancienneté, le 4 septembre 2011 il a été promu au 4ème échelon sans aucune réduction d'ancienneté entre 2009 et 2011 et que le 1er mars 2014, il a été promu au 5ème échelon sans aucune réduction d'ancienneté entre 2011 et 2014, puis qu'il a été promu au 6ème échelon le 4 août 2015 avec une ancienneté d'un mois ne bénéficiant ainsi au total entre 2008 et 2015 que d'une seule réduction d'ancienneté d'un mois. Il soutient qu'au vu des bilans sociaux successifs, qu'il a consultés, portant sur les années 2011, 2012, 2013 et 2014 le pourcentage des agents de catégorie A qui ont bénéficié d'une réduction d'ancienneté de un à trois mois est stable à hauteur de 66 % et que les comptes rendus d'entretiens professionnels lui étaient très favorables. Cependant comme il a été dit au point 6 les bilans sociaux comportent des données brutes qui ne font pas apparaître des variables telles que l'ancienneté dans le corps. Pour tenter d'établir la discrimination dont il a fait l'objet, M. B..., produits des attestations de collègues concernant leurs situations personnelles, et fait valoir l'élaboration par ses soins d'un questionnaire qu'il qualifie " d'échantillon de promotion " adressé à des collègues de la promotion de l'année 2006 dont il est issu dont quarante et un soit moins de la moitié des personnes consultées ont répondu. Cependant, ce questionnaire qui n'a pas été adressé à un " échantillon " au sens statistique du terme et les éléments mis en avant, ne peuvent être regardés comme des données statistiques fiables et significatives, susceptibles de faire présumer l'existence d'une discrimination en lien avec les fonctions syndicales de l'intéressé. Au demeurant, il apparaît que six autres inspecteurs du travail de sa promotion ont obtenu un mois, voire zéro mois, de réduction d'ancienneté.

En ce qui concerne le reliquat national pour l'année 2015 :

9. M. B... soutient que le montant nul qui lui a été octroyé au titre de sa part individuelle du reliquat national pour l'année 2015 par décision du 14 décembre 2015 révèle une discrimination résultant de son activité syndicale. Il se prévaut du jugement du tribunal administratif de Lille du 21 novembre 2018 annulant cette décision pour erreur manifeste dans l'appréciation de sa manière de servir au titre de cette même année. Il fait valoir qu'un collègue non syndiqué ayant sollicité après cette annulation un reclassement dans un groupe de prime plus favorable a obtenu satisfaction contrairement à lui dont le reclassement s'est fait dans un groupe inférieur. Si le refus d'attribution d'un reliquat de prime peut laisser présumer l'existence d'une mesure discriminatoire, il apparaît qu'un autre fonctionnaire non syndiqué s'est retrouvé également sans attribution d'un tel reliquat et que donc l'illégalité ne saurait être attribuée à l'appartenance syndicale. L'administration explique par ailleurs le reclassement plus favorable de ce fonctionnaire par le fait qu'il aurait pris, à la différence de M B..., en charge des périodes d'intérim longues et lourdes plus importantes et subi des contraintes particulières. M. B... produit en appel deux attestations de Mme A... et M. E... expliquant qu'ils ont été bénéficiaires, pour 2015 du reliquat de niveau 1 alors qu'ils n'avaient pas traité l'ensemble des demandes confiées par l'administration sans toutefois apporter des précisions sur les fonctions qu'ils exerçaient et leurs profils. Dans ces conditions, cette différence de traitement, qui se justifie par les éléments objectifs n'est pas en lien avec une discrimination à l'endroit de M. B....

10. Enfin, la circonstance que M. B... n'a jamais été proposé au grade supérieur de directeur adjoint alors que plusieurs inspecteurs du travail de même ancienneté que lui ont déjà bénéficié de cet avancement au choix ne suffit pas à faire présumer une quelconque discrimination syndicale.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception de prescription opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lille, qui n'a d'ailleurs pas inversé la charge de la preuve, a rejeté ses demandes.

Sur les frais d'instance :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

13. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. B... doivent dès lors être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

2

N°19DA02117


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02117
Date de la décision : 24/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Principes généraux du droit - Égalité devant le service public - Égalité de traitement des agents publics.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : MAIXANT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-06-24;19da02117 ?
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