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10/06/2021 | FRANCE | N°21DA00593

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation a 3, 10 juin 2021, 21DA00593


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité social et économique central de la société Conduent Business Process Solutions, le comité social et économique de l'établissement de Roubaix, la fédération communication conseil culture CFDT, le syndicat départemental CFTC commerce services force de vente du Nord, le syndicat CGT du Nord des salariés des activités postales et de télécommunications et la fédération des syndicats solidaires, unitaires et démocratiques des activités postales et de télécommunications ont demandé au tribun

al administratif de Lille d'annuler la décision du 3 août 2020 par laquelle le dire...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité social et économique central de la société Conduent Business Process Solutions, le comité social et économique de l'établissement de Roubaix, la fédération communication conseil culture CFDT, le syndicat départemental CFTC commerce services force de vente du Nord, le syndicat CGT du Nord des salariés des activités postales et de télécommunications et la fédération des syndicats solidaires, unitaires et démocratiques des activités postales et de télécommunications ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 3 août 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral élaboré par la société Conduent Business Process Solutions et fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de l'établissement de Roubaix et de mettre à la charge de l'Etat et de ladite société les sommes respectives de 1 000 euros et de 1 500 euros à verser à chacun d'eux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2007430 du 13 janvier 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 mars 2021 et 26 avril 2021, le comité social et économique central de la société Conduent Business Process Solutions, le comité social et économique de l'établissement de Roubaix, la fédération communication conseil culture CFDT, le syndicat départemental CFTC commerce services force de vente du Nord, le syndicat CGT du Nord des salariés des activités postales et de télécommunications et la fédération des syndicats solidaires, unitaires et démocratiques des activités postales et de télécommunications, représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 3 août 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral élaboré par la société Conduent Business Process Solutions et fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de l'établissement de Roubaix ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Conduent Business Process Solutions les sommes respectives de 1 000 euros et de 1 500 euros à verser à chacun d'eux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me B... pour le comité social et économique central de la société Conduent Business Process Solutions et les autres requérants, et de Me C... pour la société Conduent Business Process Solutions.

Considérant ce qui suit :

1. La société Conduent Business Process Solutions, qui exerce une activité de centre d'appels en France, a, le 26 février 2020, informé la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France du projet de cessation d'activité de son établissement situé à Roubaix, conduisant à la suppression de l'intégralité des emplois sur ce site. Après l'échec des négociations avec les organisations syndicales représentatives en vue d'aboutir à un accord collectif relatif au plan de sauvegarde de l'emploi, elle a élaboré, conformément à l'article L. 1233-24-4 du code du travail, un document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi au sein de l'établissement de Roubaix, qui a fait l'objet, le 6 juillet 2020, d'un refus d'homologation par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France. Un projet de document unilatéral modifié a été présenté aux membres du comité social et économique central de la société et du comité social et économique de l'établissement de Roubaix lors des réunions extraordinaires qui se sont tenues le 20 juillet 2020. Ce nouveau document relatif au projet de suppression pour motif économique de 304 emplois a été homologué le 3 août 2020 par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France. Le comité social et économique central de la société Conduent Business Process Solutions, le comité social et économique de l'établissement de Roubaix, la fédération communication conseil culture CFDT, le syndicat départemental CFTC commerce services force de vente du Nord, le syndicat CGT du Nord des salariés des activités postales et de télécommunications et la fédération des syndicats solidaires, unitaires et démocratiques des activités postales et de télécommunications relèvent appel du jugement du 13 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision d'homologation du 3 août 2020.

Sur la procédure d'information et de consultation du comité social et économique :

2. Aux termes de l'article L. 1233-28 du code du travail : " L'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte le comité social et économique [...] ". Aux termes du I de l'article L. 1233-30 du même code : " Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : 1° L'opération projetée et ses modalités d'application (...) ; 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-31 de ce code : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. Il indique : 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; 2° Le nombre de licenciements envisagé ; (...) 7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. ". Aux termes de l'article L. 1233-32 du même code : " Outre les renseignements prévus à l'article L. 1233-31, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, l'employeur adresse aux représentants du personnel les mesures qu'il envisage de mettre en oeuvre pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, l'employeur adresse le plan de sauvegarde de l'emploi concourant aux mêmes objectifs. ". L'article L. 2312-39 de ce code dispose que le comité social et économique " émet un avis sur l'opération projetée et ses modalités d'application dans les conditions et délais prévus à l'article L. 1233-30, lorsqu'elle est soumise à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi. ". Les articles L. 1233-24-1 et L. 1233-24-4 du même code prévoient que le contenu de ce plan de sauvegarde de l'emploi peut être déterminé par un accord collectif d'entreprise et qu'à défaut d'accord, il est fixé par un document élaboré unilatéralement par l'employeur. Aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code : " En l'absence d'accord collectif (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 123324-4, après avoir vérifié (...) la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique (...) ".

3. Lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document unilatéral fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Il appartient à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité d'entreprise, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation.

En ce qui concerne le motif de l'opération :

4. Aux termes de l'article L. 1233579 du code du travail, lorsqu'elle envisage la fermeture d'un établissement qui aurait pour conséquence un projet de licenciement collectif, l'entreprise " réunit et informe le comité social et économique, au plus tard à l'ouverture de la procédure d'information et de consultation prévue à l'article L. 1233-30. " Aux termes de l'article L. 1233-57-10 de ce code, applicable en cas de projet de restructuration conduisant à la fermeture d'un établissement : " L'employeur adresse aux représentants du personnel (...) tous renseignements utiles sur le projet de fermeture de l'établissement. Il indique notamment : 1° Les raisons économiques, financières ou techniques du projet de fermeture (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-3 du même code : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. (...) 2° A des mutations technologiques ; 3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; 4° A la cessation d'activité de l'entreprise. (...) Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude. (...)".

5. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe et que l'employeur est, par suite, amené à justifier son projet au regard de la situation économique du secteur d'activité dont relève l'entreprise au sein de ce groupe, les éléments d'information adressés par l'employeur au comité d'entreprise doivent porter non seulement sur la situation économique du secteur d'activité qu'il a lui-même pris en considération, mais aussi sur les raisons qui l'ont conduit à faire reposer son analyse sur ce secteur d'activité. Toutefois, d'une part, l'employeur, qui informe et consulte le comité d'entreprise sur son propre projet, n'est pas tenu d'adresser des éléments d'information relatifs à la situation économique d'un autre secteur d'activité que celui qu'il a retenu. D'autre part, la circonstance que le secteur d'activité retenu par l'employeur ne serait pas de nature à établir le bien-fondé du projet soumis au comité d'entreprise ne saurait être utilement invoquée pour contester la légalité d'une décision d'homologation. En effet, l'administration n'a pas à se prononcer, lorsqu'elle statue sur une demande d'homologation d'un document fixant un plan de sauvegarde de l'emploi, sur le motif économique du projet de licenciement collectif, dont il n'appartient qu'au juge du licenciement, le cas échéant ultérieurement saisi, d'apprécier le bien-fondé.

6. Il ressort des pièces du dossier que les membres du comité social et économique central et du comité social et économique de l'établissement de Roubaix se sont vu transmettre une première version en date du 12 février 2020 de la note d'information concernant le projet de fermeture de l'établissement de Roubaix de la société Conduent Business Process Solutions et du projet de plan de sauvegarde de l'emploi afférent, puis une seconde version en date des 10 et 18 juin 2020 (livres II et I). Celles-ci y mentionnaient notamment que la relation contractuelle avec le groupe Peugeot Société Anonyme (PSA) portant sur des services d'assistance à distance de ses clients finaux et membres de son réseau de distribution prendrait fin au 30 juin 2020 après une période de transition de six mois. Il était précisé que la candidature de la société Conduent Business Process Solutions n'avait pas été retenue à l'issue du nouvel appel d'offres lancé par le groupe Peugeot et qu'il était ainsi envisagé de procéder à la suppression de tous les postes de l'établissement de Roubaix, créé en avril 2017 pour répondre aux besoins du groupe Peugeot, son unique client. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que, lors de la réunion du comité social et économique central du 10 juin 2020, la direction de la société Conduent Business Process Solutions a indiqué que la fin des relations contractuelles avec le groupe Peugeot représentait une perte de chiffre d'affaires annuel de 15 millions d'euros alors que les seuls frais de personnel du site de Roubaix s'élevaient à environ 12 millions d'euros par an. Dans ces conditions, les représentants du personnel ont été informés des raisons économiques du projet de licenciement. Est sans incidence sur la procédure applicable la circonstance que l'employeur n'ait pas retenu expressément l'un des cas, au demeurant non limitatifs, énumérés à l'article L. 1233-3 qui prend place dans un chapitre du code du travail concernant le licenciement pour motif économique et non le plan de sauvegarde de l'emploi et auquel les dispositions applicables à un tel plan ne renvoient pas. De même, eu égard aux raisons économiques invoquées et à la fermeture de l'établissement de Roubaix envisagée, les représentants du personnel ont, en tout état de cause, été informés du périmètre du plan de licenciement retenu par l'employeur. Par suite, l'information communiquée sur les raisons économiques du projet de restructuration de la société Conduent Business Process Solutions et sur son périmètre d'application était suffisamment claire et précise au regard des obligations que font peser sur l'employeur les dispositions précitées des articles L. 1233-31 et L. 1233-57-10 du code du travail dans le cadre de la procédure d'information et de consultation des représentants du personnel pour leur permettre d'émettre leurs avis en connaissance de cause.

En ce qui concerne le nombre de licenciements :

7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des documents d'information des 12 février, 10 et 18 juin 2020 précités, que les représentants du personnel ont été informés qu'il était envisagé de supprimer tous les postes de l'établissement de Roubaix, soit un effectif de trois-cent-quatre salariés au 10 juin 2020. L'argument tiré de ce que ladite société n'aurait, à tort, pas mis en oeuvre les dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail concernant la proposition aux salariés de modifier un élément essentiel de leur contrat de travail, est inopérant à l'appui d'un recours contre la décision d'homologation en litige car cet article prend place dans un titre du code du travail concernant l'exécution du contrat de travail et non le plan de sauvegarde de l'emploi et les dispositions applicables à un tel plan n'y renvoient pas. Au demeurant les dispositions de cet article L. 1222-6 ne prévoient qu'une simple faculté en la matière pour l'employeur. La circonstance que la société ait fait le choix de procéder à des licenciements, puis au titre du reclassement interne, informé les salariés de l'existence de 51 postes de téléconseillers ouverts au sein de l'établissement de Guilherand-Grange, où sont effectuées des prestations de service à distance au profit d'un client, est sans incidence sur le nombre de licenciements retenu par l'employeur du fait du projet de fermeture de l'établissement de Roubaix et de la suppression de l'intégralité des postes y existant. Par suite, les éléments communiqués aux institutions représentatives du personnel sur le nombre de postes supprimés étaient précis et suffisants pour leur permettre d'émettre leurs avis en toute connaissance de cause.

En ce qui concerne les risques psycho-sociaux :

8. Aux termes de l'article L. 2312-8 du code du travail : " Le comité social et économique [...] est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, notamment sur : (...) 4° L'introduction de nouvelles technologies, tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (...) ". Aux termes de l'article L. 2312-9 du même code : " Dans le champ de la santé, de la sécurité et des conditions de travail, le comité social et économique : 1° Procède à l'analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs (...) ".

9. Dans le cadre d'une réorganisation qui donne lieu à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'autorité administrative de vérifier le respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. A cette fin, elle doit contrôler, tant la régularité de l'information et de la consultation des institutions représentatives du personnel que les mesures auxquelles l'employeur est tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail au titre des modalités d'application de l'opération projetée, ce contrôle n'étant pas séparable de ceux qui lui incombent en vertu des articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du code du travail.

10. Il résulte des dispositions mentionnées aux points 2 et 8 que, lorsque l'autorité administrative est saisie d'une demande d'homologation d'un document unilatéral fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi pour une opération qui, parce qu'elle modifie de manière importante les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des salariés de l'entreprise, requiert la consultation du comité social et économique, elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si cette consultation a été régulière.

11. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'avant l'achèvement de l'opération de fermeture de l'établissement de Roubaix de la société Conduent Business Process Solutions, les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des salariés de cet établissement étaient susceptibles d'être affectées par l'opération projetée, nonobstant l'anxiété induite par tout projet de réorganisation et sans qu'aient d'incidence les difficultés postérieures invoquées concernant la mise en oeuvre de la procédure de reclassement. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier, et notamment des documents d'information des 12 février, 10 et 18 juin 2020 précités, que les comités sociaux et économiques ont été informés de la mise en place d'une cellule d'écoute psychologique au bénéfice des salariés de l'établissement de Roubaix souhaitant y recourir. Par ailleurs, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le projet de réorganisation, conduisant à la suppression de l'ensemble des postes de travail de l'établissement de Roubaix, était susceptible d'avoir une incidence sur les conditions de travail des salariés de l'établissement de Guilherand-Granges qui effectuent des prestations de service à distance pour le compte d'un client autre que le groupe Peugeot, même si certains postes sur le site ont été proposés à des salariés reclassés du site de Roubaix. Dans ces conditions, les appelants ne sauraient utilement faire valoir, à l'appui du moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'information-consultation, l'insuffisance des informations communiquées en matière de risques psycho-sociaux sur les conditions de travail des salariés tant de l'établissement de Roubaix que de celui de Guilherand-Granges.

En ce qui concerne les informations communiquées à l'expert-comptable :

12. Aux termes de l'article L. 1233-34 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le comité social et économique peut (...) décider, lors de la première réunion prévue à l'article L. 1233-30, de recourir à une expertise (...). Le rapport de l'expert est remis au comité social et économique et, le cas échéant, aux organisations syndicales, au plus tard quinze jours avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 1233-30 ". Aux termes de l'article L. 2315-83 du même code : " L'employeur fournit à l'expert les informations nécessaires à l'exercice de sa mission. ".

13. Lorsque l'assistance d'un expert-comptable a été demandée en application de l'article L. 1233-34 du code du travail, l'administration doit s'assurer que celui-ci a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité social et économique de formuler ses avis en toute connaissance de cause. La circonstance que l'expert-comptable n'ait pas eu accès à l'intégralité des documents dont il a demandé la communication ne vicie pas la procédure d'information et de consultation du comité social et économique si les conditions dans lesquelles l'expert-comptable a accompli sa mission ont néanmoins permis au comité social et économique de disposer de tous les éléments utiles pour formuler ses avis en toute connaissance de cause.

14. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport du cabinet Sextant chargé par le comité social et économique d'une mission d'expertise, qu'au 27 mai 2020, ce dernier n'avait pas obtenu, malgré ses demandes et celle de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France du 12 mai 2020, la liasse fiscale complète pour l'exercice 2019, y compris sous forme de projet, les comptes annuels complets pour l'exercice 2019 de la société Conduent Business Process Solutions dans leur version provisoire, le rapport du commissaire aux comptes pour l'exercice 2019, les comptes annuels de la maison mère de ladite société au titre du même exercice et l'appel d'offres du groupe Peugeot. Il ressort des pièces du dossier que, si la société Conduent Business Process Solutions n'a pas transmis, au titre de l'exercice 2019, la liasse fiscale, les comptes annuels complets et le rapport du commissaire aux comptes sur ceux-ci en indiquant que ces documents étaient encore en cours d'élaboration, elle a transmis à l'expert-comptable un compte d'exploitation provisoire au titre de l'exercice 2019 détaillé par centre de coûts ainsi qu'une balance comptable provisoire avant impôt sur les sociétés et participation. Par ailleurs, elle lui a transmis l'appel d'offres du groupe Peugeot ainsi que les rapports annuels concernant la maison mère de ladite société au titre des exercices 2017, 2018 et 2019, ce dernier n'ayant toutefois pas encore été audité. En outre, il ressort des pièces du dossier que le cabinet Sextant avait une connaissance de la situation financière de la société Conduent Business Process Solutions dès lors qu'il avait également assisté le conseil social et économique, en lui remettant un rapport en octobre 2019, dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi de l'établissement de Biot de ladite société qui a finalement fait l'objet d'un accord collectif le 23 décembre 2019 et conduit à la fermeture de ce site. Il ressort au demeurant du rapport établi par le cabinet Sextant que celui-ci a pu, ainsi qu'il le mentionne lui-même, reconstituer certains éléments comptables manquants quand bien même la fiabilité de ceux-ci serait, par nature, moindre. Par suite, les conditions dans lesquelles l'expert-comptable a accompli sa mission ayant néanmoins permis au comité social et économique de disposer de tous les éléments utiles pour formuler ses avis en toute connaissance de cause, la circonstance que l'expert-comptable n'ait pas eu accès à l'intégralité des documents dont il a demandé la communication ne saurait vicier la procédure d'information et de consultation du comité social et économique.

En ce qui concerne les recherches effectuées au titre du reclassement externe :

15. Si, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 1233-30 du code du travail, l'employeur est tenu d'informer les représentants du personnel sur les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi, une telle obligation ne lui impose pas de faire état des modalités précises des recherches l'ayant conduit à retenir lesdites mesures. Ainsi, la circonstance que l'employeur n'ait pas informé les représentants du personnel des dates auxquelles les principaux acteurs du secteur avaient été sollicités afin d'identifier d'éventuels postes de reclassement aux alentours de Lille, ainsi que l'a indiqué la direction lors de la réunion du 10 juin 2020 du comité sociale et économique central, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'information et de consultation effectuée. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la réunion du 27 avril 2020, que les représentants du personnel ont été informés notamment que des contacts directs ou par l'intermédiaire de la branche professionnelle (SP2C), lors d'une réunion tenue le vendredi 6 mars avec les quatre principaux acteurs (Webhelp, Sitel, Majorel et Téléperformance), avaient permis d'identifier des possibilités de reclassements externes sur leurs sites implantés en région lilloise, que cinq entreprises (Santiane, Webhelp, Majorel, Hoist Finance et Credit Safe) avaient confirmé leurs projets de recrutement d'environ 100 postes à pourvoir et qu'elles ont réalisé des entretiens, notamment avec des salariés de l'établissement de Roubaix. Dès lors, les éléments communiqués aux institutions représentatives du personnel sur les recherches effectuées au titre du reclassement externe étaient précis et suffisants pour leur permettre d'émettre leurs avis en toute connaissance de cause.

En ce qui concerne les informations communiquées aux représentants du personnel :

16. Si les appelants soutiennent qu'au cours de la réunion du comité social et économique central du 10 juin 2020, les représentants du personnel n'ont pu répondre au propos liminaire prononcé par le directeur général de la société Conduent Business Process Solutions, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de celle-ci, qu'ils n'auraient pu prendre la parole au cours de cette réunion notamment afin de répondre aux propos exposés à titre liminaire. Par ailleurs, s'ils soutiennent qu'aucune réponse précise ne leur a été apportée, au cours de la réunion dudit comité du 20 juillet 2020, sur le motif économique retenu, le décompte du nombre de licenciements et l'évaluation des risques psycho-sociaux, il résulte de ce qui a été dit précédemment aux points 6, 7 et 11 que l'information donnée aux représentants du personnel sur ces sujets avaient été suffisante pour leur permettre d'émettre leurs avis en toute connaissance de cause, quand bien même ceux-ci ont refusé de se prononcer à l'issue de cette réunion et sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que des informations complémentaires leur ont été transmises le 31 juillet 2020. En particulier, ont été mentionnées, au cours de cette réunion du 20 juillet 2020, les modifications apportées aux mesures d'accompagnement retenues en vue de répondre aux observations de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France qui avait, le 6 juillet 2020, refusé d'homologuer la précédente version du plan de sauvegarde de l'emploi qui lui avait été transmise. Dans ces conditions et alors que sept réunions ont été organisées avec le comité social et économique central et six avec le comité social et économique de l'établissement de Roubaix, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que l'information qui leur aurait été transmise aurait été insuffisante pour leur permettre d'émettre leurs avis en toute connaissance de cause.

17. Il résulte de tout ce qui précède que ni les allégations des appelants, ni les éléments produits au dossier ne permettent de regarder l'information communiquée par l'employeur aux instances représentatives du personnel avant leur consultation comme ayant été insuffisante pour permettre aux élus d'émettre leurs avis en toute connaissance de cause tant sur l'opération projetée et ses modalités d'application que sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Dès lors, les moyens tirés de l'insuffisante information du comité social et économique central et du comité social et économique de Roubaix doivent être écartés.

Sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi :

18. Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation du document unilatéral élaboré par l'employeur, il appartient notamment à l'administration d'apprécier, en vertu des dispositions de l'article L. 123357-3 du code du travail, " le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-61 de ce code : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-62 du même code : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : 1° Des actions en vue du reclassement interne sur le territoire national, des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; (...) 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ; (...) 5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents (...) ".

19. Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s'assurant notamment du respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code. A ce titre elle doit, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d'une part, des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et, d'autre part, des moyens dont disposent l'entreprise et, le cas échéant, l'unité économique et sociale et le groupe. Il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. L'employeur doit, à cette fin, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe. Pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation.

En ce qui concerne le caractère suffisant des mesures :

S'agissant des efforts d'anticipation et d'adaptation de l'employeur :

20. Aux termes de l'article L. 1222-6 du code du travail : " Lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. (...) ".

21. Si les appelants soutiennent que, dès le 16 mai 2019, la société Conduent Business Process Solutions avait connaissance de la fin du contrat avec le groupe Peugeot au 31 décembre 2019, il ressort des pièces du dossier que ce n'est que le 15 novembre 2019 que ladite société a été informée du fait que sa candidature n'avait pas été retenue pour le nouvel appel d'offres engagé par le groupe Peugeot. En outre, il ressort des pièces du dossier que, le 25 février 2020, les représentants du personnel ont été informés de l'existence de postes de téléconseillers sur le site de Guilherand-Granges proposés aux salariés de l'établissement de Roubaix, quand bien même ces propositions de postes étaient alors conditionnées à la réussite de tests. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 7, les appelants ne sauraient utilement invoquer, à l'appui de leur recours contre la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, la méconnaissance par la société Conduent Business Process Solutions des dispositions précitées de l'article L. 1222-6 du code du travail qui ne prévoient qu'une simple faculté relevant du pouvoir de direction de l'employeur. En outre, il ressort des pièces du dossier que la société Conduent Business Process Solutions a proposé des séances de coaching, même si celles-ci ne concernaient qu'une partie des salariés de l'établissement de Roubaix, et mis en place en mai 2020 un espace d'emploi et mobilité visant à faciliter le reclassement des salariés. Enfin, il ressort des pièces du dossier que l'employeur a sollicité un prestataire afin de chercher un repreneur à l'établissement de Roubaix dont la fermeture était envisagée, quand bien même celui-ci aurait eu, selon les appelants, une connaissance limitée de la région et du secteur d'activité. Par suite, ces derniers ne sont pas fondés à soutenir que le plan de sauvegarde de l'emploi serait insuffisant au regard des efforts de formation et d'adaptation réalisés par l'employeur.

S'agissant des moyens mis en oeuvre par l'employeur :

22. Il ressort des pièces du dossier que, d'une part, le plan de sauvegarde de l'emploi homologué par l'administration du travail prévoit, pour les salariés concernés par le projet de licenciement, des mesures précises et concrètes afin de favoriser leur reclassement dans l'une des entreprises du groupe Conduent. Il ressort ainsi des pièces du dossier que la société Conduent Business Process Solutions a effectué des recherches de postes de reclassement interne à l'entreprise, lesquels sont identifiés dans une annexe au document unilatéral relatif au plan de sauvegarde de l'emploi homologué, qui contient notamment une liste de postes disponibles au sein du siège social situé à Guilherand-Granges. Le plan de sauvegarde de l'emploi comporte par ailleurs des mesures d'accompagnement au reclassement interne au sein de la société, notamment le maintien de la rémunération pendant une durée maximale de douze mois, le versement d'une indemnité de reclassement interne de 10 000 euros, la prise en charge des frais de transport et d'hébergement liés au voyage de reconnaissance du nouvel environnement de travail, la prise en charge des frais de déménagement jusqu'à 4 000 euros, le versement d'une indemnité d'installation de 2 000 à 2 500 euros augmentée de 500 euros par enfant à charge, la prise en charge des frais de double résidence sur une période de trois mois pouvant aller jusqu'à 1 200 euros par mois et une aide à la formation-adaptation sur le nouveau poste de travail. Il prévoit également la mobilisation de dispositifs d'accompagnement " internes " au groupe, c'est-à-dire au-delà du seul périmètre de la société Conduent Business Process Solutions, permettant notamment d'aider les salariés à définir leurs objectifs de carrière ou à passer un entretien d'embauche. D'autre part, le document homologué prévoit des aides au reclassement externe au groupe Conduent, telles qu'un budget individuel de formation pouvant aller jusqu'à 12 000 euros, le recueil des offres d'emplois disponibles par une cellule de reclassement, une aide à la création d'entreprise jusqu'à 10 000 euros, la prise en charge des frais de déménagement jusqu'à 4 000 euros, une indemnité d'installation de 2 000 euros augmentée de 500 euros par conjoint et par enfant à charge, la prise en charge des frais de double résidence pendant la période d'essai pouvant aller jusqu'à 1 200 euros par mois, un congé de reclassement ainsi qu'un volet indemnitaire incluant notamment l'indemnité compensatrice de congés payés, l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité légale de licenciement. Il ressort ainsi des pièces du dossier que pour l'établissement de Roubaix créé en avril 2017, le montant global du plan de sauvegarde de l'emploi s'élève à 6,48 millions d'euros, soit 21 318 euros par salarié.

23. Si les appelants soutiennent que le plan de sauvegarde de l'emploi n'a pas intégralement inclus les observations formulées par l'administration du travail, notamment dans sa décision du 7 juillet 2020 refusant d'homologuer la première version du document unilatéral qui lui a été soumise, il ressort des pièces du dossier que la procédure de tests initialement prévue pour postuler aux offres d'emploi proposées au titre du reclassement interne a été supprimée, que l'aide au déménagement a été portée de 2 000 euros à 4 000 euros et que l'enveloppe globale consacrée à la formation, qui constitue un élément important afin de favoriser le retour à l'emploi, a été portée de 1 375 000 euros à 1 520 000 euros, soit un montant de 5 000 euros pour chaque salarié, sans qu'un tel plafonnement global puisse, en particulier eu égard à son niveau, être regardé comme créant une rupture d'égalité entre salariés. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier qu'au cours de la période d'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi, le montant de l'allocation de reclassement a été diminuée de 87 % à 79 % de la rémunération brute moyenne perçue au cours des douze derniers mois, il a été prévu un allongement de la durée du congé de reclassement qui a été portée à sept mois pour les salariés de moins de 45 ans, neuf mois pour ceux entre 45 et 49 ans et de douze mois pour ceux d'au moins 50 ans. De même, la circonstance que des indemnités supplémentaires, dites " supra-légales ", aient été envisagées dans une précédente version du plan de sauvegarde de l'emploi, alors même que l'objectif de ce plan est de permettre le maintien dans l'emploi, ne permet pas d'estimer que les mesures qu'il comporte seraient insuffisantes.

24. Les requérants se prévalent des mesures adoptées dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi élaboré concernant l'établissement de Biot, qui a toutefois fait l'objet d'un accord collectif majoritaire et non d'un document unilatéral, pour critiquer celles retenues dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi en litige. Mais la circonstance que les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi de l'établissement de Biot soient, dans leur montant, supérieures à celles du plan de sauvegarde de l'emploi en litige ne permet pas, à elle seule, eu égard aux différences de temps, de lieu et aux caractéristiques tant des salariés employés que du projet de licenciement concerné, de considérer que ces dernières seraient insuffisantes notamment au regard des moyens dont dispose le groupe Conduent. A cet égard, il ressort des pièces du dossier que, pour l'exercice 2019, la société Conduent Business Process Solutions a réalisé un chiffre d'affaires de 46 millions d'euros, en baisse de 10 % par rapport à 2018, et que celui du groupe Conduent auquel elle appartient s'élève à 4 milliards d'euros, en baisse de 17 % par rapport à 2018. En outre, au titre du même exercice, ladite société a réalisé une perte de 10,5 millions d'euros et ledit groupe une perte de 1,9 milliard d'euros, quand bien même celles-ci résultent principalement de charges exceptionnelles. Par ailleurs, ce dernier a vu, au titre du premier semestre de l'exercice 2020, sa capitalisation boursière fortement diminuer et sa trésorerie se réduire à 354 millions d'euros. Comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, en tenant compte des moyens du groupe, sans pour autant devoir y être proportionnées, les mesures décrites au point 22 sont, prises dans leur ensemble, de nature à faciliter le reclassement du personnel et le maintien dans l'emploi des trois-cent-quatre salariés concernés. Dans ces conditions et à la date de la décision contestée, si les moyens notamment financiers dont disposent la société Conduent Business Process Solutions et le groupe Conduent demeurent, malgré l'impact de la crise sanitaire, importants, il ne ressort pas des pièces du dossier que les mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et mentionnées précédemment pourraient être regardées comme insuffisantes au regard de ceux-ci.

25. Il résulte ainsi de ce qui précède que les mesures comprises dans le plan sont, prises dans leur ensemble, de nature à satisfaire aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, au regard des efforts de formation déjà réalisés et des moyens de la société Conduent Business Process Solutions et du groupe Conduent.

En ce qui concerne la prise en compte de la prévention des risques psychosociaux :

26. Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. ".

27. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 11, que, eu égard à la suppression de la totalité des postes de l'établissement de Roubaix et à la circonstance qu'il n'est pas établi qu'avant l'achèvement de cette opération, les conditions de santé, de sécurité et de travail des salariés de cet établissement ni de celui de Guilherand-Granges aient été susceptibles d'être affectées par l'opération projetée, l'employeur n'était pas tenu, au titre de l'opération de réorganisation envisagée, de prendre des mesures spécifiques en matière de prévention des risques psycho-sociaux. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, qu'une cellule d'écoute psychologique a été mise en place au bénéfice des salariés de l'établissement de Roubaix souhaitant y recourir. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité administrative, qui n'était pas tenue de motiver expressément ce point dans la décision contestée en l'absence de mesures spécifiques à prendre en matière de prévention des risques psycho-sociaux, aurait omis d'examiner si l'employeur avait méconnu ses obligations en la matière. Enfin, il n'appartient qu'au juge judiciaire de s'assurer du respect par l'employeur de son obligation de sécurité s'agissant de la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi et de l'opération de réorganisation. Par suite, les moyens tirés de ce que l'employeur aurait méconnu ses obligations en matière de prévention des risques psychosociaux et de ce que l'administration aurait omis d'exercer son contrôle sur ce point doivent être écartés.

28. Il résulte de tout ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision d'homologation du 3 août 2020. Leurs conclusions à fin d'annulation de ce jugement et de cette décision doivent donc être rejetées.

29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat et de la société Conduent Business Process Solutions qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes au titre des frais exposés par les appelants et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire des appelants le versement de la somme demandée par la société Conduent Business Process Solutions au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du comité social et économique central de la société Conduent Business Process Solutions et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Conduent Business Process Solutions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au comité social et économique central de la société Conduent Business Process Solutions, au comité social et économique de l'établissement de Roubaix, à la fédération communication conseil culture CFDT, au syndicat départemental CFTC commerce services force de vente du Nord, au syndicat CGT du Nord des salariés des activités postales et de télécommunications, à la fédération des syndicats solidaires, unitaires et démocratiques des activités postales et de télécommunications, à la société Conduent Business Process Solutions et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

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N°21DA00593

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3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 21DA00593
Date de la décision : 10/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Nil Carpentier-Daubresse
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : CABINET LERINS et BCW

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-06-10;21da00593 ?
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