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03/06/2021 | FRANCE | N°21DA00312

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 03 juin 2021, 21DA00312


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 15 mai 2019 par lequel le préfet du Nord a prononcé son expulsion du territoire français et a fixé l'Algérie comme pays de renvoi.

Par un jugement n° 1907399 du 25 janvier 2021, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cou

r :

Par une requête enregistrée le 10 février 2021, le préfet du Nord, représenté par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 15 mai 2019 par lequel le préfet du Nord a prononcé son expulsion du territoire français et a fixé l'Algérie comme pays de renvoi.

Par un jugement n° 1907399 du 25 janvier 2021, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 février 2021, le préfet du Nord, représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 mai 2019.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Binand, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 25 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé son arrêté du 15 mai 2019 prononçant l'expulsion de M. D..., ressortissant algérien né le 10 juillet 1972, et fixant l'Algérie comme pays de renvoi, d'autre part, mis à la charge de l'Etat le versement à M. D... d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. ". Lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une menace grave à l'ordre public pour prononcer l'expulsion d'un étranger, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.

3. Il ressort des motifs de l'arrêté du 15 mai 2019 que, pour estimer que la présence en France de M. D... présentait une menace grave pour l'ordre public et justifiait qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Nord s'est fondé sur la teneur d'une note blanche émise par les services du renseignement faisant état de la radicalisation de l'intéressé ainsi que de ses relations entretenues avec M. D et M. A..., eux-mêmes en lien avec la mouvance radicale islamiste et le groupe islamique armé algérien. Le préfet du Nord s'est également fondé sur l'avis favorable rendu par la commission départementale d'expulsion le 3 avril 2019 qui a relevé que M. D... ne disposait en France d'aucune attache familiale, qu'il était connu sous différents alias, qu'il ne justifiait pas d'une adresse de domiciliation effective et qu'il n'avait pas déféré à une convocation des forces de l'ordre à la suite du contrôle d'un restaurant dont il exerçait la gestion et où des infractions à la législation de l'emploi de main d'oeuvre étrangère avaient été constatées.

4. Toutefois, il ressort des mentions de la note blanche produite par le préfet devant les premiers juges que, pour étayer l'affirmation selon laquelle M. D... partage les aspirations radicales de M. D, militant proche de combattants jihadistes et qui entretient lui-même des relations avec M. A..., proche du groupe islamiste armé, l'auteur de cette note fait seulement état de ce que M. D... a prêté le véhicule qu'il utilise habituellement à M. D au cours du mois d'août 2018 et que M. D a utilisé ce véhicule pour rendre visite à M. A..., alors assigné à résidence en Bretagne. Toutefois, alors que M. D... a fait valoir devant les premiers juges, sans être démenti par les pièces du dossier, d'une part, qu'il n'a prêté ce véhicule qu'à deux reprises à M. D, dont le propre véhicule ne pouvait alors pas circuler, d'autre part, que M. D est une connaissance avec laquelle il n'entretient pas de relations proches et, enfin, qu'il ne connaissait ni M. A... ni la finalité du déplacement de M. D mentionnée dans la note blanche, ce prêt occasionnel d'un véhicule ne suffit pas, dans les circonstances de l'espèce, à établir, à lui seul, une proximité de M. D... avec la mouvance islamiste ou une radicalisation religieuse. En outre, il n'est fait état au dossier d'aucun comportement ou propos de nature à laisser supposer une telle radicalisation alors que l'intéressé, dont il n'est pas contesté qu'il est présent en France depuis près de vingt années, produit de nombreuses attestations concordantes au soutien de son intégration dans la société française. Par ailleurs, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que M. D... aurait fait usage d'alias. Enfin, ni la circonstance que M. D... n'a pas coopéré avec les forces de l'ordre pour apporter des éclaircissements sur des faits susceptibles de constituer des infractions à la législation relative à l'emploi de main d'oeuvre étrangère dans l'établissement de restauration dont il assure la gestion, ni celle qu'il a déclaré plusieurs adresses, dont l'une serait de complaisance, ne suffisent à établir qu'il présenterait une menace grave à l'ordre public au sens des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 15 mai 2019 et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Nord est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... D....

Copie en sera transmise au préfet du Nord.

3

N°21DA00312


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00312
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02-03 Étrangers. Expulsion. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christophe Binand
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-06-03;21da00312 ?
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