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01/06/2021 | FRANCE | N°20DA00407

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 01 juin 2021, 20DA00407


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme I... et Angélique H... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 janvier 2018 par lequel le maire de Carvin a accordé à M. et Mme G... et Brigitte C... un permis de construire modificatif pour la suppression d'un portillon prévu par le permis de construire initial et l'ajout de deux portails.

Par un jugement n° 1803978 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme I... et Angélique H... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 janvier 2018 par lequel le maire de Carvin a accordé à M. et Mme G... et Brigitte C... un permis de construire modificatif pour la suppression d'un portillon prévu par le permis de construire initial et l'ajout de deux portails.

Par un jugement n° 1803978 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2020, et deux mémoires récapitulatifs, enregistrés le 10 novembre 2020 et le 26 janvier 2021, M. et Mme H..., représentés par Me D... J..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 janvier 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Carvin une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rollet-Perraud, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me A... F... substituant Me D... J..., représentant M. et Mme H..., et de Me E... B... représentant M. et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... ont obtenu, le 28 juillet 2014, un permis de construire une maison individuelle sur un terrain situé au 299 de la rue des colverts à Carvin. Le 26 novembre 2016, un premier permis de construire modificatif est venu modifier la surface de plancher de la construction. Le 8 janvier 2018, un second permis modificatif a autorisé la suppression d'un portillon et l'ajout de deux portails. M. et Mme H..., voisins du projet, relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 janvier 2018 au motif qu'ils ne disposaient pas d'un intérêt à agir.

Sur le motif d'irrecevabilité retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. / (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous les éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat, justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme H... résident en face de la construction à modifier dont ils ne sont séparés que par la rue des colverts. Ils doivent donc être regardés comme des voisins immédiats du projet.

5. D'autre part, les requérants font valoir un impact visuel du projet en raison de la modification de la clôture, qui ne comportera plus de haie, sur laquelle ils ont une vue directe ainsi que des troubles de stationnement sur la voie publique, provoqués par la suppression par le projet d'un certain nombre de places.

6. Dans ces conditions, M. et Mme H... présentent un intérêt leur donnant qualité à agir contre le permis de construire en litige.

7. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi. Son jugement en date du 28 janvier 2020 doit, dès lors, être annulé.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme H... devant le tribunal administratif de Lille.

Sur les autres fins de non-recevoir opposées en défense à la demande de première instance :

9. En premier lieu, aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ".

10. Aux termes de l'article R. 424-15 de ce code : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. (...) Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage ". Aux termes de l'article A. 424-17 du même code " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : / " Droit de recours : Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l'urbanisme). (...) ".

11. La mention relative au droit de recours contre un permis de construire prévue à l'article A. 424-17 du code de l'urbanisme, qui doit être affichée sur le terrain d'assiette du projet en application des articles R. 424-15 et R. 600-2 du code de l'urbanisme, est un élément indispensable pour permettre aux tiers de préserver leurs droits. Par suite, le délai de recours contentieux ne court pas à l'encontre d'un permis dont l'affichage ne comporte pas cette mention ou une mention équivalente.

12. Il ressort des pièces du dossier que le panneau d'affichage du permis de construire en litige ne comportait pas la mention des voies et délais de recours prévue à l'article A. 424-17 précité, ce qui a fait obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux à l'égard des requérants. Dès lors, leur demande à fin d'annulation déposée devant le tribunal administratif le 7 mai 2018 n'était pas tardive. La fin de non-recevoir opposée en défense pour ce motif doit, par suite, être écartée.

13. En second lieu, aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas (...) de recours contentieux à l'encontre (...) d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. / (...) ".

14. Il ressort des pièces du dossier que les requérants ont notifié à la commune de Carvin et à M. et Mme C... une copie de leur recours contentieux devant le tribunal administratif par une lettre datée du 7 mai 2018. M. et Mme H... ont versé également aux débats une copie des accusés de dépôt de ces lettres oblitérés par les services postaux le 9 mai 2018.

15. Si M. et Mme C... ont fait valoir que la copie du recours qu'ils ont reçue était datée du 9 mai 2018 et différait donc du recours déposé le 7 mai au greffe du tribunal administratif et daté du même jour, ils n'ont fait état d'aucune autre différence qui les aurait empêchés de prendre connaissance de la teneur de ce recours. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient tenté en vain d'obtenir des requérants une copie du recours daté du 7 mai.

16. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les requérants auraient déposé un recours gracieux auprès de la mairie en mars 2018.

17. Dans ces conditions, les dispositions de l'article R. 600-1 n'ont pas été méconnues et la fin de non-recevoir opposée en défense pour ce motif doit, par suite, être écartée.

Sur la recevabilité du mémoire du 31 octobre 2018 produit par les requérants :

18. Alors que l'inobservation du délai fixé à une partie pour présenter ses observations à la suite de la communication d'un mémoire n'est pas sanctionnée par l'irrecevabilité du mémoire présenté en réponse, il ressort des pièces du dossier que l'instruction du dossier de première instance n'était pas close le 31 octobre 2018. Le mémoire produit par les requérants le 31 octobre 2018 était donc recevable.

Sur la légalité du second permis de construire modificatif :

19. Aux termes de l'article UB 3 du règlement du plan local d'urbanisme de Carvin : " (...) Les accès sont limités au strict besoin de l'opération. (...) Les aires de stationnement et batteries de garages sur une même unité foncière ne doivent présenter qu'une seule issue sur une même voie publique ".

20. Il ressort des pièces du dossier que le projet consiste à créer deux accès supplémentaires d'une largeur de cinq mètres à une habitation qui en compte déjà un de la même largeur. Ni les caractéristiques du terrain, un rectangle présentant un léger dénivelé, ni les conditions d'usage de la construction décrites dans le dossier de demande, une maison individuelle avec un jardin nécessitant de l'entretien et une future caravane à stationner, ne permettent de qualifier de " strict besoin de l'opération " la création de deux accès supplémentaires à la voie publique.

21. Dans ces conditions, le projet méconnaît les dispositions de l'article UB 3 du règlement du plan local d'urbanisme. Par suite, M. et Mme H... sont fondés à soutenir que l'arrêté du 8 janvier 2018 portant modification de l'aspect extérieur de la construction doit être annulé.

22. Pour l'application, de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît, en l'état de l'instruction susceptible de fonder l'annulation de l'arrêté attaqué.

Sur les conclusions présentées à titre reconventionnel :

23. L'arrêté attaqué étant annulé, M. et Mme C... ne sont pas fondés à présenter des conclusions reconventionnelles en raison du retard pris dans l'exécution des travaux.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

24. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Carvin la somme que M. et Mme H... demandent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

25. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par M. et Mme C... soit mise à la charge de M. et Mme H..., qui ne sont pas la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 28 janvier 2020 et l'arrêté du 8 janvier 2018 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... J... pour M. et Mme I... et Angélique H..., à Me E... B... pour M. et Mme G... C... et à la commune de Carvin.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00407
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CABINET INDIVIDUEL DIMITRI DEREGNAUCOURT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-06-01;20da00407 ?
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