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20/05/2021 | FRANCE | N°19DA00277

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 20 mai 2021, 19DA00277


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'administration fiscale a transmis d'office au tribunal administratif de Lille la réclamation par laquelle M. et Mme A... et Catherine B... ont demandé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes, à hauteur de la somme total de 431 548 euros.

Par un jugement n° 1606794 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur

demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'administration fiscale a transmis d'office au tribunal administratif de Lille la réclamation par laquelle M. et Mme A... et Catherine B... ont demandé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes, à hauteur de la somme total de 431 548 euros.

Par un jugement n° 1606794 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2019, M. et Mme B..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Binand, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2010 et 2011 à l'issue duquel l'administration, par une proposition de rectification du 9 décembre 2011, leur a assigné des rehaussements, d'une part, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers à raison de distributions opérées par la société Bieravin et par la société Care distribution, d'autre part, à raison de revenus d'origine indéterminée. Par un jugement du 7 décembre 2018 dont M. et Mme B... relèvent appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux qui en ont résulté au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. (...) / Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur ". L'article L. 16 A du même livre dispose que : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de manière insuffisante aux demandes d'éclaircissements out de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ". Enfin, aux termes de l'article L. 69 de ce livre : " (...) Sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".

3. En premier lieu, dans sa version remise aux contribuables avec l'avis de vérification qui leur a été adressé, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié prévoyait les dispositions suivantes : " Dans le cadre de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP), le dialogue joue également un rôle très important tout au long de la procédure. Il vous permet de présenter vos explications sur les discordances relevées par le vérificateur à partir des informations dont il dispose ". Il ne résulte pas de ces dispositions, qui sont opposables à l'administration en vertu de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, que le vérificateur était tenu, avant d'avoir recours à la procédure prévue par les dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, d'engager avec le contribuable un dialogue sur les discordances relevées par lui. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le vérificateur, en leur demandant le 8 août 2013, sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, de justifier des discordances qu'il avait relevées à l'occasion du droit de communication exercé auprès d'établissements bancaires et de casinos, sans avoir cherché au préalable à engager un dialogue contradictoire avec eux sur ces discordances, aurait entaché la procédure d'imposition d'irrégularité.

4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions citées au point 2 que, lorsque l'administration a demandé des justifications à un contribuable sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, elle est fondée à l'imposer d'office, sans mise en demeure préalable, à raison des sommes au sujet desquelles il s'est abstenu de répondre dans le délai requis ou n'a apporté que des réponses imprécises ou invérifiables, sans les assortir d'éléments de justification. Pour les sommes au sujet desquelles il a apporté des éléments de réponse jugés insuffisants, ainsi que le mentionnent les dispositions de la charte du contribuable dont les appelants se prévalent, l'administration est en revanche tenue de lui adresser, préalablement, la mise en demeure prévue par l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales, dont l'objet principal est d'informer le contribuable sur la nature exacte des précisions qui sont exigées de lui, sur le délai complémentaire de trente jours qui lui est imparti pour apporter ces précisions et sur les conséquences qui s'attacheraient à un défaut de réponse de sa part. Il en va ainsi quelle que soit la teneur des indications mentionnées par l'administration dans la demande de justifications notifiée au contribuable, dès lors que les garanties prévues par l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales complètent, sans se confondre avec elles, celles que le contribuable tire des dispositions de l'article L. 16 du même livre.

5. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la demande de justifications du 8 août 2013, M. et Mme B... ont apporté, dans le délai qui leur était imparti, des éléments d'explication regardés par le vérificateur comme suffisants pour certains des crédits bancaires. Toutefois, ils se sont bornés à indiquer, s'agissant d'un montant total de 10 912 euros correspondant à la remise de quatre chèques, que ces crédits provenaient, à hauteur de 1 700 euros, de l'échange d'un chèque contre des espèces avec une joueuse rencontrée dans un établissement de jeu et, pour le surplus, de gains à des jeux de hasard dans les casinos, sans assortir ces allégations du moindre document venant à leur soutien. En outre, s'agissant des crédits bancaires d'un montant total de plus de 400 000 euros sur les deux années vérifiées, ils se sont bornés à réfuter, sans développer le moindre argumentaire, la reconstitution des flux financiers avec les casinos qui avait conduit le vérificateur à estimer que ces crédits ne pouvaient provenir, contrairement à leurs déclarations effectuées au début des opérations de contrôle, de gains dans ces établissements. Compte tenu de l'absence de justifications jointes aux réponses ainsi apportées par M. et Mme B... et au caractère invérifiable de leurs allégations, c'est à bon droit que l'administration a assimilé ces éléments non à une réponse insuffisante mais à une absence de réponse et, par voie de conséquence, sans les avoir mis en demeure de compléter leurs explications, a taxé d'office les sommes dont l'origine demeurait indéterminée.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 84 C du livre des procédures fiscales : " Les casinos ainsi que les groupements, les cercles et les sociétés organisant des jeux de hasard, des loteries, des paris ou des pronostics sportifs ou hippiques sont tenus de communiquer à l'administration, sur sa demande, les informations consignées en vertu de l'article L. 561-13 du code monétaire et financier. Nonobstant les dispositions du premier alinéa de cet article, l'administration peut utiliser ces informations pour l'exercice de ses missions. ". Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B..., ces dispositions, issues de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, étaient applicables lorsque l'administration a exercé auprès de casinos, en 2013, le droit de communication qu'elles prévoient, quand bien même ce droit portait sur des éléments antérieurs à leur entrée en vigueur. A supposer que les appelants, par leur argumentaire, entendent soutenir que les renseignements obtenus par l'administration auprès des établissements de jeux ne pouvaient être régulièrement utilisés pour fonder les redressements, faute que soient remplies les conditions de risque de financement du terrorisme ou de blanchiment de capitaux exigées par les dispositions d'application de l'article L. 561-13 du code monétaire et financier, l'article L. 84 C du livre des procédures fiscales, en vigueur au 31 décembre 2010, soit, à la date du fait générateur de la plus ancienne des impositions contestées, déroge expressément, en tout état de cause, à ces conditions. Par suite, le moyen tiré par les appelants de ce qu'il n'a pu légalement être fait application par l'administration de l'article 84 C du livre des procédures fiscales doit être écarté.

7. En quatrième lieu, il résulte des mentions mêmes de la proposition de rectification du 9 décembre 2011 que celle-ci comporte, à la page 13, le rappel des articles du code général des impôts relatifs à l'assujettissement des revenus du patrimoine aux différents prélèvements sociaux ainsi que l'assiette de ces prélèvements, résultant des rehaussements en base des revenus de capitaux mobiliers et des revenus d'origine indéterminée indiqués dans ce document. Dans ces conditions, M. et Mme B... étaient à même, à la lecture de cette proposition de rectification, de discuter utilement des motifs des rehaussements de prélèvements sociaux. Dès lors, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que cette proposition de rectification méconnaît les obligations de motivation et de mention des bases de liquidation posées par les dispositions des articles L. 57 et L. 76 du livre des procédures fiscales ni, à se prévaloir, en tout état de cause, des prévisions de l'instruction référencée BOI-5B-15-08, qui, portant sur la procédure d'imposition, ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

En ce qui concerne les revenus distribués

8. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...) ".

9. L'administration a imposé entre les mains de M. et Mme B..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les crédits, d'un montant de 40 000 euros, inscrits en 2010 à leur compte courant d'associés de la société Care distribution, ceux portés en 2011 sur ce même compte, à hauteur de la somme de 53 338,80 euros, et ceux inscrits en 2011 également à leur compte courant d'associés de la société Bieravin, à hauteur de la somme de 3 218,13 euros, qu'elle a regardés comme des revenus distribués. Les appelants soutiennent que le crédit de 50 000 euros inscrit en 2011 à leur compte courant d'associés de la société Care distribution trouve son origine dans le remboursement à cette société, par la société Bieravin, d'une dette de même montant contractée par cette dernière envers une société tierce dont les contribuables sont également les associés. Toutefois, ils ne produisent, au soutien de leurs allégations, aucun élément justifiant d'un transfert à leur profit de la créance détenue sur la société Bieravin par cette société tierce et de l'apport qu'ils en auraient fait, en qualité d'associés, à la société Care distribution. Par suite, et alors que les appelants ne soulèvent en cause d'appel aucune contestation à l'encontre des autres rectifications assignées au titre de ce chef de redressement ni ne contestent avoir eu la disposition des sommes rehaussées, l'administration a pu à bon droit regarder les crédits inscrits en 2010 et en 2011 sur leurs comptes courants d'associés des sociétés Care distribution et Bieravin comme des revenus distribués et les imposer, en conséquence, entre leurs mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, en application des dispositions précitées du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts.

En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :

10. A l'occasion des opérations de contrôle, l'administration a constaté de nombreux crédits portés sur les comptes bancaires de M. et Mme B... par des casinos, que les contribuables ont indiqué fréquenter assidûment. Afin de déterminer l'origine des fonds joués par les intéressés, l'administration a, d'une part, évalué, à partir des informations recueillies par elle dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès des établissements bancaires, les mises prélevées sur les comptes bancaires des intéressés, à partir des chèques émis et des paiements par carte bancaire en faveur de ces établissements de jeux, auxquelles elle a ajouté les retraits d'espèce de plus de 100 euros effectués dans des villes comportant un casino. Elle a rapproché ce montant de celui des mises enregistrées au nom de M. et Mme B..., qu'elle a tiré du droit de communication exercé auprès de ces casinos, pour déterminer par différence le montant des mises qui n'avaient pas été prélevées sur leurs comptes bancaires. Par ailleurs, à partir de la différence entre le montant des gains des intéressés, communiqué là encore par les casinos, et les versements opérés par ces établissements sur les comptes bancaires ainsi que les remises d'espèce, l'administration a déterminé le montant des gains susceptibles d'avoir été rejoués sans passage en caisse. La différence entre le montant des mises qui n'avaient pas été prélevées sur les comptes bancaires et le montant de ces gains s'élevant à 210 393 euros en 2010 et à 238 586 euros en 2011, l'administration a déduit de cette discordance que les mises provenaient, à hauteur de ces montants, de revenus d'origine indéterminée qu'elle a imposés comme tels.

11. Pour contester la pertinence de cette reconstitution, les appelants font valoir, tout d'abord, que cette méthode ne prend pas en compte les espèces dont ils pouvaient avoir la disposition avant le début de l'année 2010. Toutefois, alors qu'en vertu de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, il leur incombe d'apporter la preuve du caractère exagéré des bases de l'imposition mise à leur charge dans le cadre de la procédure de taxation d'office, ils n'apportent aucun élément de nature à justifier de la détention de telles sommes. Ils soutiennent ensuite que cette méthode est viciée dès lors qu'elle ne prend pas en considération l'aléa du jeu et le taux de redistribution moyen des gains. Toutefois, dès lors que l'administration n'a pas déterminé le montant des sommes misées à partir des gains redistribués aux joueurs, la critique soulevée par les appelants ne peut être qu'écartée.

12. Il s'ensuit que l'administration était fondée à soumettre à l'impôt sur le revenu dû par M. et Mme B... au titre des années 2010 et 2011 les sommes, d'un montant respectif de 210 393 euros et de 238 586 euros, qu'elle a regardées à bon droit comme des revenus d'origine indéterminée.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et Catherine B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°19DA00277


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