Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... H..., M. G... A... et le comité social et économique de la société par actions simplifiée Nord Constructions Nouvelles, ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 31 juillet 2020 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Nord Constructions Nouvelles et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2006927 du 16 décembre 2020 le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 février 2021, M. G... A... ,M. C... H..., et le comité social et économique de la société par actions simplifiée Nord Constructions Nouvelles, représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 31 juillet 2020 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Nord Constructions Nouvelles ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,
- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Nord Constructions Nouvelles est spécialisée dans le secteur du bâtiment et de la construction, elle intervient principalement dans les Hauts-de-France, dans cadre de marchés privés et publics. Elle appartient au groupe Nord Constructions Nouvelles qui comprend également les sociétés Carema, Boulogne armatures et SGTA. Elle a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Lille Métropole le 2 juin 2020. Le tribunal de commerce de Lille Métropole, par jugement du 21 juillet 2020, a mis fin à la période d'observation et converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire sans poursuite d'activité de la société Nord Constructions Nouvelles. Le 29 juillet 2020, les liquidateurs ont sollicité de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France l'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Nord Constructions Nouvelles prévoyant la suppression de l'ensemble des postes, soit un licenciement collectif pour motif économique de cent quatre-vingt-dix-huit salariés. Par une décision du 31 juillet 2020, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a homologué ce document unilatéral. Par un jugement du 16 décembre 2020 le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. C... H..., M. G... A... et du comité social et économique de la société Nord Constructions Nouvelles tendant à l'annulation de cette décision. Ils relèvent appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi pour le reclassement externe des salariés :
2. Aux termes des 1° et 3° de l'article L. 1233-62 du code du travail : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : / 1° Des actions en vue du reclassement interne sur le territoire national, des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; (...) / 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ". Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables. A ce titre, lorsqu'un accord de branche, ou toutes autres stipulations conventionnelles applicables, prévoient des obligations en matière de reclassement externe qui s'imposent à l'employeur au stade de l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, l'administration doit s'assurer de la conformité à ces stipulations du contenu du plan, notamment de ses mesures fixées au titre du 3° de l'article L. 1233-62 du code du travail.
3. Il ressort des pièces du dossier que les liquidateurs judiciaires ont saisi par lettres du 24 juillet 2020, les commissions paritaires de l'emploi et de la formation professionnelle nationale, régionale et départementales du Pas de Calais et de la Somme de demandes de possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise de ses salariés et des mesures d'accompagnement à la mobilité géographique et/ou professionnelle que les commissions pourraient proposer aux salariés dont le licenciement économique était envisagé. A cet effet elle leur a adressé les informations individualisées sur les effectifs, la liste des postes existants au sein de la société et le plan de sauvegarde de l'emploi. Si les appelants font valoir que ces courriers n'étaient pas de nature à satisfaire à l'obligation individuelle de reclassement en ce qu'ils ne comportaient aucune précision personnelle sur les salariés, relative, notamment à leur identité, leur âge, leur ancienneté, aux fonctions qu'ils occupaient au moment du licenciement ainsi qu'aux fonctions qu'ils avaient pu occuper antérieurement et à leur qualification et éventuels diplômes, l'obligation de saisir les commissions paritaires n'imposait pas à l'employeur de fournir une liste nominative des salariés dont le licenciement est envisagé et leur profil individuel.
4. Les liquidateurs judiciaires de cette société ont également contacté la Fédération française du bâtiment afin de l'informer du projet de licenciement collectif et du plan de sauvegarde de l'emploi et de connaître les possibilités de reclassement existant au sein des entreprises adhérentes. En saisissant la Fédération française du bâtiment, les liquidateurs judiciaires ont ainsi et en tout état de cause, conformément aux stipulations du plan de sauvegarde de l'emploi, satisfait à l'obligation de reclassement à l'extérieur de la société.
5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'administration a méconnu son obligation de contrôle du respect des prescriptions du plan doit être rejeté.
En ce qui concerne le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi au regard des moyens et capacités contributives de la société Nord Constructions Nouvelles :
6. Aux termes du deuxième alinéa du II du L.1233-58 du code du travail : " Par dérogation au 1° de l'article L. 1233-57-3, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise ".
7. Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration de contrôler la légalité des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi fixé par ce document et notamment le respect par ce plan des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code. Dans les entreprises en liquidation judiciaire, elle doit, en application des dispositions de l'article L. 1233-58 du code du travail, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu des moyens dont dispose l'entreprise.
8. Pour contester l'appréciation portée par l'administration sur la conformité des mesures du plan aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail compte-tenu des moyens de l'entreprise, les appelants font valoir que la réalisation d'actifs financiers et corporels de la société Nord Constructions Nouvelles pouvait permettre de dégager des fonds dans un délai raisonnable afin de financer des mesures d'accompagnement du plan de sauvegarde de l'emploi plus favorables aux salariés.
9. Il ressort des pièces du dossier que la société Nord Constructions Nouvelles, se trouvait dans une situation financière très dégradée ayant entraîné sa mise en liquidation judiciaire sans poursuite d'activité par jugement du 21 juillet 2020 du tribunal de commerce de Lille Métropole. Ainsi son passif, hors sommes avancées par le régime de garantie des salaires de l'Association pour la gestion du régime de Garantie des créances des Salariés, correspondant aux créances déclarées avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du 2 juin 2020, s'élevait à 63 242 254,05 euros. Ses créances déclarées, nées après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire, s'élevaient hors avances régime de garantie des salaires de l'Association pour la gestion du régime de Garantie des créances des Salariés à 2 664 965, 21 euros tandis que les créances avancées par le régime de garantie des salaires s'élevaient à plus de 3 000 000 euros. Les appelants mentionnent l'existence d'actifs tels un immeuble valorisé à plus de 2 millions d'euros, des créances rattachées à des participations pour 529 000 euros, des dépôts de garanties de 701 000 euros et relèvent que la vente aux enchères de l'outillage et des équipements pour 2,2 millions euros est intervenue à une date où les contrats de travail étaient toujours en cours. Cependant il n'est pas établi que ces actifs présentaient un caractère disponible à bref délai permettant d'en affecter une partie au financement de mesures du plan de sauvegarde de l'emploi à la date à laquelle celui-ci a été élaboré, ou pouvaient être légalement mobilisés. De plus, la mobilisation de tous ces actifs à bref délai aurait été soumise aux règles fixées par les articles L. 641-1 et suivants du code de commerce régissant le paiement des créances par une société en liquidation judiciaire. Si les appelants soutiennent que la société Nord Constructions Nouvelles n'a pas pris en charge les indemnités légales et conventionnelles de licenciement car une assurance avait été souscrite, les défendeurs font valoir qu'aucun remboursement n'est intervenu de la part de l'assureur auprès des liquidateurs, le régime de garantie des salaires de l'Association pour la gestion du régime de Garantie des créances des Salariés ayant avancé le montant des soldes de tout compte dus à l'ensemble des salariés.
10. Le plan de sauvegarde de l'emploi homologué de la société Nord Constructions Nouvelles prévoit la dotation de la somme de 235 000 euros pour financer les mesures d'aide à la formation pour un budget de 210 000 euros, des mesures d'aide à la création d'entreprise pour un budget de 20 000 euros, de mesures d'aide à la mobilité géographique pour un budget de 5 000 euros soit une participation au financement de formation d'un budget de 1 000 euros par salarié, augmenté de 200 euros par salarié dont la réinsertion est plus difficile, une aide à la création ou à la reprise d'entreprise d'un budget de 2 000 euros par salarié, 2 500 euros pour les salariés âgés de plus de quarante-cinq ans ou en situation de handicap reconnu à la date du licenciement et une participation aux frais liés à la mobilité géographique. Même si la société mère du groupe n'a pas répondu favorablement à la sollicitation des liquidateurs judiciaires à une demande d'abondement du plan en vue de financer les mesures d'aide au reclassement des salariés, les mesures précitées, prises dans leur ensemble, sont de nature à satisfaire aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés compte tenu des moyens dont disposent dont disposait la société Nord Constructions Nouvelles. Le moyen tiré du caractère insuffisant du plan de sauvegarde de 1'emploi doit, dès lors, être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que MM. H... et A... ainsi que le comité social et économique de la société Nord Constructions Nouvelles ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal a rejeté leur demande.
Sur les frais d'instance :
12. . Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code précité font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par les requérants, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la société Nord Constructions Nouvelles.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... H..., M. G... A... et du comité social et économique de la société Nord Constructions Nouvelles est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Nord Constructions Nouvelles, Me E... et la Selas MJS Partners, prise en la personne de Me F..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour M. G... A..., M. C... H... et le comité social et économique de la société Nord Constructions Nouvelles, à Me B... pour la société Nord Constructions Nouvelles, Me E... en qualité de liquidateur judiciaire de la société Nord Constructions Nouvelles et la Selas MJS Partners, prise en la personne de Me F... en qualité de liquidateur, mandataire judiciaire de la société Nord Constructions Nouvelles et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
6
N° 21DA00366