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12/05/2021 | FRANCE | N°20DA00443

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 12 mai 2021, 20DA00443


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner La Poste à lui verser la somme de 52 589,72 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de l'illégalité de la décision du 25 avril 2013 par laquelle La Poste l'a radié des cadres, d'enjoindre à La Poste de reconstituer sa carrière et de procéder au versement de la part patronale et de la part salariale de ses cotisations de retraite pendant la période d'éviction, dans le délai d'un mois à compter de la notification du

jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de mettre à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner La Poste à lui verser la somme de 52 589,72 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de l'illégalité de la décision du 25 avril 2013 par laquelle La Poste l'a radié des cadres, d'enjoindre à La Poste de reconstituer sa carrière et de procéder au versement de la part patronale et de la part salariale de ses cotisations de retraite pendant la période d'éviction, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de mettre à la charge de La Poste la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761­1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1709912 du 8 janvier 2020, le tribunal administratif de Lille a condamné La Poste à verser à M. A... la somme de 500 euros et rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 mars 2020 et 26 mars 2021, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il ne lui a pas accordé la somme sollicitée ;

2°) de condamner La Poste à lui verser la somme de 52 589,72 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de l'illégalité de la décision du 25 avril 2013 par laquelle La Poste l'a radié des cadres ;

3°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me F... pour M. A... et de Me C... pour La Poste.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A... était employé par La Poste en qualité d'agent technique et de gestion de niveau 2, occupant les fonctions de guichetier confirmé au sein d'un bureau de poste à Calais. Par une décision du 16 juillet 2009, il a fait l'objet d'une suspension provisoire de fonctions. Par un jugement du 1er décembre 2011 du tribunal de grande instance de Brive-la-Gaillarde, confirmé par un arrêt du 13 avril 2012 de la cour d'appel de Limoges, il a été condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de vol en réunion et a vu sa condamnation inscrite au bulletin n° 2 de son casier judiciaire. Par une décision du 25 avril 2013, le directeur de La Poste du Pas-de-Calais a radié des cadres M. A..., avec effet rétroactif à compter du 13 avril 2012, motif pris de l'inscription de sa condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire. Cette sanction a été annulée par un jugement du 20 septembre 2016 du tribunal administratif de Lille, lequel a été confirmé par un arrêt du 8 novembre 2018 de la cour administrative d'appel de Douai. Par un courrier du 28 novembre 2016, La Poste a informé M. A... de sa réintégration administrative à compter du 13 avril 2012. Celui-ci a sollicité en vain auprès de La Poste l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 25 avril 2013 le radiant des cadres. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lille en date du 8 janvier 2020 en tant qu'il n'a condamné La Poste à lui verser que la somme de 500 euros en réparation de ses préjudices. Par la voie de l'appel incident, La Poste demande l'annulation de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la faute et le lien de causalité :

S'agissant de l'illégalité fautive de la décision du 25 avril 2013 en tant qu'elle est entachée d'un vice de procédure :

2. Pour annuler la décision du 25 avril 2013 radiant des cadres M. A..., le tribunal administratif de Lille et la cour administrative d'appel de Douai ont retenu que celle-ci n'avait, à tort, été précédée d'aucune procédure disciplinaire et qu'elle était entachée d'un vice de procédure qui avait privé l'intéressé d'une garantie.

3. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, de la décision lui infligeant une sanction, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise, s'agissant tant du principe même de la sanction que de son quantum, dans le cadre d'une procédure régulière.

4. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 1, que, par un jugement du tribunal de grande instance de Brive-la-Gaillarde du 1er décembre 2011, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Limoges du 13 avril 2012, M. A... a été condamné à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de vol en réunion commis en juin 2007, juillet 2007, juin 2008, juillet 2008 et juin 2009, cette condamnation ayant été inscrite au bulletin n° 2 de son casier judiciaire. Eu égard à la gravité de ces faits et à leur réitération, d'une part, et à l'irrégularité procédurale en cause, d'autre part, il résulte de l'instruction que La Poste aurait pris la même décision de radiation des cadres de M. A..., s'agissant tant du principe même de la sanction que de son quantum, dans le cadre d'une procédure disciplinaire régulière. La circonstance que, le 29 mars 2015, le tribunal de grande instance de Brive-la-Gaillarde a fait droit à la demande de M. A... tendant à la suppression de sa condamnation du bulletin n° 2 du casier judiciaire est sans incidence sur ce constat. Par suite, les préjudices invoqués par M. A... ne présentent pas de lien direct avec l'illégalité fautive de la décision du 25 avril 2013 en tant qu'elle est entachée d'un vice de procédure.

S'agissant de l'illégalité fautive de la décision du 25 avril 2013 en tant qu'elle est entachée d'une erreur de droit :

5. Il résulte de l'instruction que la décision du 25 avril 2013 radiant des cadres M. A... est entachée d'une seconde illégalité dès lors qu'elle ne pouvait avoir un effet rétroactif à compter du 13 avril 2012 car cette date est antérieure à celle de sa notification qui est intervenue le 6 mai 2013, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif de Lille dans son jugement du 20 septembre 2016.

6. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 23 décembre 2013, La Poste a considéré, en application de sa décision du 25 avril 2013, que le contrat de travail de M. A... prenait fin au 13 avril 2012, de sorte que son inscription en qualité de demandeur d'emploi, qui avait été enregistrée le 4 septembre 2013, était intervenue au-delà du délai de douze mois imparti à compter de la fin de son contrat de travail. En outre, il résulte de l'instruction que ce n'est qu'au mois de juin 2014 que la situation de l'intéressé a été régularisée à titre rétroactif, celui-ci ayant obtenu le paiement d'un montant de 8 064 euros au titre des allocations chômage portant sur les mois de septembre 2013 à juin 2014. Par suite, en ayant estimé que M. A... ne pouvait, au seul motif de la tardiveté de sa demande, bénéficier d'une allocation chômage alors que le contrat de travail de l'intéressé ne pouvait légalement avoir pris fin avant la date de notification de la décision du 25 avril 2013, soit moins de douze mois avant sa demande, La Poste a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

En ce qui concerne les préjudices :

S'agissant de l'illégalité fautive de la décision du 25 avril 2013 en tant qu'elle est entachée d'un vice de procédure :

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que M. A... n'est pas fondé à se prévaloir d'un lien de causalité entre l'illégalité fautive de la décision du 25 avril 2013 le radiant des cadres et les préjudices invoqués à compter de la notification de cette décision le 6 mai 2013 qu'ils soient financier, moral, relatifs au trouble dans les conditions d'existence ou concernant la reconstitution de ses droits à pension. Par suite, il n'est pas fondé à solliciter d'indemnisation au titre de l'illégalité fautive de la décision du 25 avril 2013 en tant qu'elle est entachée d'un vice de procédure.

S'agissant de l'illégalité fautive de la décision du 25 avril 2013 en tant qu'elle est entachée d'une erreur de droit :

8. Il ne résulte pas de l'instruction que la rétroactivité illégale de la décision du 25 avril 2013 aurait un lien direct avec les préjudices financier et moral invoqués, lesquels ne sont au demeurant pas établis, M. A... ayant perçu sa rémunération au cours de cette période. En revanche, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'erreur dans le motif de refus de la demande d'allocation chômage, résultant de la rétroactivité illégale de la décision du 25 avril 2013, qui a été opposé à M. A... par La Poste dans son courrier du 23 décembre 2013 lui a occasionné un trouble dans ses conditions d'existence dont, eu égard notamment au délai écoulé jusqu'à la régularisation de sa situation, les premiers juges ont fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 500 euros. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à solliciter une indemnisation complémentaire à ce titre.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a limité à 500 euros la somme que La Poste a été condamnée à lui verser.

Sur les conclusions d'appel incident :

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que La Poste n'est pas fondée à solliciter la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a mis à sa charge le paiement à M. A... d'une somme de 500 euros. Ses conclusions d'appel incident doivent donc être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de La Poste qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme demandée par La Poste au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par La Poste sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour M. D... A... et à Me E... pour La Poste.

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00443
Date de la décision : 12/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-04 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Nil Carpentier-Daubresse
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL RESSOURCES PUBLIQUES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-05-12;20da00443 ?
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