Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
I - M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2016 par lequel le préfet du Nord l'a mis en demeure de remettre en état le cours d'eau filet Morand situé sur le territoire de la commune de Raimbeaucourt.
Par un jugement n°1701565 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
II - M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 mai 2017 par lequel le préfet du Nord a prononcé à son encontre une sanction pour non-respect de la mise en demeure de remettre en état le cours d'eau filet Morand situé sur le territoire de la commune de Raimbeaucourt, d'autre part d'annuler les sept titres exécutoires émis à son encontre le 28 mars 2019 par la direction régionale des finances publiques des Hauts-de-France, enfin d'annuler la décision du 22 mars 2019 par laquelle le préfet du Nord a rejeté son recours gracieux à l'encontre des titres exécutoires.
Par un jugement n°1904300 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 20 décembre 2019 sous le numéro 19DA02775 et un mémoire, enregistré le 25 janvier 2021 non communiqué, M. E..., représenté par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter, Audrey d'Halluin et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1701565 du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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II. Par une requête enregistrée le 20 décembre 2019 sous le numéro 19DA02776 et un mémoire, enregistré le 25 janvier 2021 non communiqué, M. E..., représenté par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter, Audrey d'Halluin et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1904300 du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler toutes les décisions contestées devant le tribunal administratif, notamment les titres exécutoires, et de le décharger de l'obligation de payer les sommes réclamées par ces titres exécutoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... D..., première conseillère,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me C... G..., représentant M. E....
Une note en délibéré présentée pour M. E... a été enregistrée dans chaque instance le 20 avril 2021, et a été rectifiée le 21 avril 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 8 décembre 2016, le préfet du Nord a mis en demeure M. E..., agriculteur retraité, de retirer du lit mineur du cours d'eau dénommé filet Morand des dépôts de matériaux se trouvant à trois endroits de ce cours d'eau, le premier à la sortie est d'une buse passant sous la rue Léon Blum sur le territoire de la commune de Raimbeaucourt, le second et le troisième dépôt se trouvant respectivement à 185 mètres et 246 mètres en aval de ce premier dépôt. L'article 2 de l'arrêté avertissait l'intéressé que le non-respect de la mise en demeure l'exposerait aux sanctions administratives prévues à l'article L. 171-8 du code de l'environnement. Constatant que la mise en demeure était restée sans effet, le préfet du Nord, par arrêté du 16 mai 2017, a infligé à M. E... une amende administrative de 1 500 euros, assortie d'une astreinte journalière de 170 euros jusqu'à satisfaction de la mise en demeure. En application de l'arrêté du 16 mai 2017, la direction régionale des finances publiques des Hauts de France et du département du Nord a émis à l'encontre de M. E... sept titres de perception, d'un montant total de 32 100 euros.
2. M. E... relève appel du jugement n° 1701565 du 17 octobre 2019, par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de mise en demeure du 8 décembre 2016. Admettant que ses conclusions contre l'arrêté du 16 mai 2017 étaient tardives, il relève également appel du jugement n° 1904300 rendu le même jour en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des titres exécutoires et à être déchargé de l'obligation de payer les sommes en cause.
Sur la jonction :
3. Les requêtes de M. E... présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul arrêt.
Sur les conclusions en annulation de l'arrêté du 8 décembre 2016 :
En ce qui concerne le cadre juridique du litige :
4. D'une part, l'article L. 171-7 du code de l'environnement dispose : " I. -Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque (...) des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation (...) requis en application du présent code, (...), l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. " // (...) // II.- S'il n'a pas été déféré à la mise en demeure à l'expiration du délai imparti, (...), l'autorité administrative ordonne (...) la cessation définitive des travaux, opérations, activités ou aménagements et la remise des lieux dans un état ne portant pas préjudice aux intérêts protégés par le présent code.//Elle peut faire application du II de l'article L. 171-8 aux fins d'obtenir l'exécution de cette décision. "
5. D'autre part, l'article L. 214-1 du code de l'environnement dispose : " Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant (...) une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, (...) des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants. ". Aux termes de l'article L. 214-2 du même code : " Les installations, ouvrages, travaux et activités visés à l'article L. 214-1 sont définis dans une nomenclature, établie par décret en Conseil d'Etat après avis du Comité national de l'eau, et soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu'ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques compte tenu notamment de l'existence des zones et périmètres institués pour la protection de l'eau et des milieux aquatiques. ". Au tableau annexé à l'article R. 214-1 du code de l'environnement portant nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 figurent à la rubrique 3.1.1.0. les " installations, ouvrages, remblais et épis, dans le lit mineur d'un cours d'eau, constituant : /1° Un obstacle à l'écoulement des crues (A) ;/ 2° Un obstacle à la continuité écologique : a) Entraînant une différence de niveau supérieure ou égale à 50 cm, pour le débit moyen annuel de la ligne d'eau entre l'amont et l'aval de l'ouvrage ou de l'installation (A) ; b) Entraînant une différence de niveau supérieure à 20 cm mais inférieure à 50 cm pour le débit moyen annuel de la ligne d'eau entre l'amont et l'aval de l'ouvrage ou de l'installation (D).// Au sens de la présente rubrique, la continuité écologique des cours d'eau se définit par la libre circulation des espèces biologiques et par le bon déroulement du transport naturel des sédiments. ", et à la rubrique 3.1.2.0. les " installations, ouvrages, travaux ou activités conduisant à modifier le profil en long ou le profil en travers du lit mineur d'un cours d'eau, à l'exclusion de ceux visés à la rubrique 3.1.4.0, ou conduisant à la dérivation d'un cours d'eau :/ 1° Sur une longueur de cours d'eau supérieure ou égale à 100 m (A...) ;/ 2° Sur une longueur de cours d'eau inférieure à 100 m (D).// Le lit mineur d'un cours d'eau est l'espace recouvert par les eaux coulant à pleins bords avant débordement. ".
En ce qui concerne le moyen tiré d'une erreur sur l'auteur des dépôts :
6. L'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif.
7. Il résulte de l'instruction que, par jugement devenu définitif rendu le 16 avril 2018, le tribunal de police de Douai a relevé que M. E... " a déversé au moins à deux reprises (le 12 octobre 2016 et le 18/10/2016) des gravats au moyen de sa pelle mécanique dans les eaux à la sortie de la buse de la rue Léon Blum ". Ces constatations de fait sont le support nécessaire de la condamnation que le juge pénal a prononcée par ce même jugement à l'encontre de M. E..., consistant en le paiement de deux amendes contraventionnelles pour des faits commis entre le 26 septembre 2016 et le 19 janvier 2017 relatifs, d'une part, à une entrave volontaire au libre écoulement des eaux et, d'autre part, à l'exécution de travaux nuisibles à l'eau ou au milieu aquatique sans détenir de récépissé de déclaration. Dès lors que, par suite, ces constatations matérielles s'imposent au juge administratif, le moyen tiré de ce que M. E... ne serait pas l'auteur des dépôts en litige ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne les moyens tirés d'erreurs de fait ou d'appréciation sur la qualification du filet Morand :
8. Aux termes de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement : " Constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année. // L'écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales. ".
9. Il résulte des termes mêmes de l'expertise rédigée le 15 mai 2017 que l'inspecteur de l'environnement en fonction au sein de l'agence française pour la biodiversité qui l'a réalisée l'a limitée au bassin versant du filet Morand à l'amont du pont de la rue Léon Blum à Raimbeaucourt. Cette expertise, qui n'est pas utilement contestée par l'affirmation non étayée selon laquelle le filet Morand aurait été creusé de la main de l'homme en 1786, relève d'une part que, le filet Morand même s'" il est fortement anthropisé (rectifié, recalibré) néanmoins par endroits montre encore une sinuosité, vestige de son lit naturel ", et d'autre part qu'il est alimenté par un affluent situé sur sa rive gauche à 400 mètres en amont de la rue Léon Blum, provenant d'une source, ayant un lit naturel à l'origine et un écoulement suffisant pour que se développe une vie aquatique. Par suite, et en tout état de cause en amont de cette confluence, ces caractéristiques permettent de qualifier le filet Morand de cours d'eau au sens des dispositions de l'article L. 215-7-1, dès lors qu'il présente un lit naturel à l'origine.
10. Il ressort des cartes versées au dossier, qu'il s'agisse de la carte IGN datant des années 1950, de la carte d'état-major remontant au XIXème siècle, ou du plan de 1830 versé par M. E..., que le filet Morand en amont de cette confluence présente un tracé ouest-est qui, arrivé à l'emplacement de l'actuelle rue Léon Blum, s'orientait clairement et de manière rectiligne en direction Nord-Sud avant, quelques trois cents mètres plus loin, de reprendre à nouveau une direction approximativement ouest-est. Ce tracé ne peut qu'être regardé comme le lit naturel à l'origine du " Filet Morand ", même si actuellement la partie rectiligne sus-évoquée est busée sous la rue Léon Blum.
11. Certes, aucun des documents évoqués au point précédent, et pas davantage la photographie aérienne remontant à la période 1959-1965 ou le document cadastral tenu par la direction générale des finances publiques, figurant tous deux sur le site Géoportail accessible tant au juge qu'aux parties, ne révèle la trace du tronçon du filet Morand qui, aujourd'hui, relie ses deux parties de direction ouest-est, en une courbe assez large et à travers champs sur la propriété de M. E....
12. Cependant, il est constant que passe désormais dans ce tronçon récent qualifié de lit mineur par le préfet, la majeure partie des eaux du filet Morand. Par suite ni la circonstance rappelée au point 11, ni celle, avancée par M. E... et non contredite par l'administration, selon laquelle ce nouveau cheminement des eaux se fait dans un fossé qui aurait été creusé sur sa propriété à l'instigation de Charbonnages de France au début des années 2000 pour lutter contre les affaissements miniers, et aurait été postérieurement raccordé de manière non autorisée au lit historique du filet Morand pour éviter son engorgement dans sa partie située sous la rue Léon Blum par l'établissement dénommé Noreade en charge de l'assainissement, n'empêchent de considérer le filet Morand comme un cours d'eau au sens de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement dans sa partie récente qui représente une faible portion de son tracé complet.
13. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés d'erreurs de fait ou d'appréciation sur la qualification du filet Morand doivent être écartés. Par suite, c'est à bon droit que le préfet a regardé les dépôts de matériaux en litige effectués par M. E... comme opérés dans le lit mineur d'un cours d'eau, et alors que ces dépôts n'avaient pas été autorisés en application des dispositions des articles L. 214-1, L. 214-2 et R. 214-1 du code de l'environnement, s'est fondé sur ces dispositions et celles de l'article L. 171-7 du même code pour, par l'arrêté en litige, mettre en demeure M. E... de remettre en état le cours d'eau.
En ce qui concerne le moyen tiré du détournement de pouvoir :
14. Dès lors que, comme il vient d'être dit le préfet pouvait légalement, sur le fondement notamment des articles L. 171-7, L. 214-1, L. 214-2 et R. 214-1 du code de l'environnement, mettre en demeure M. E... de remettre en état le filet Morand, le moyen tiré du détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté.
15. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué n° 1701565 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2016 le mettant en demeure de remettre en état le filet Morand.
Sur les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant des titres de perception :
16. Aux termes du II de l'article L. 171-8 du code de l'environnement : " Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, (...) ou aux mesures ordonnées sur le fondement du II de l'article L. 171-7, l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes : (...) 4° Ordonner le paiement d'une amende administrative au plus égale à 15 000 €, recouvrée comme en matière de créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine, et une astreinte journalière au plus égale à 1 500 € applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de la mise en demeure ou de la mesure ordonnée.(...) ".
17. Sur le fondement de ces dispositions, le préfet du Nord a infligé à M. E... une amende administrative de 1 500 euros, assortie d'une astreinte journalière de 170 euros jusqu'à satisfaction de la mise en demeure, par arrêté du 16 mai 2017.
18. M. E... fait valoir, en premier lieu, que le bien-fondé des créances relatives à ces amende et astreintes pour lesquelles les titres de perception en litige ont été émis ne serait pas établi dès lors que l'arrêté du 16 mai 2017 serait illégal en raison de l'illégalité entachant l'arrêté du 8 décembre 2016 le mettant en demeure de remettre en état le filet Morand. M. E... n'ayant cependant pas établi, comme il a été dit aux points 4 à 15 du présent arrêt, l'illégalité de ce dernier arrêté, le moyen précité ne peut qu'être écarté.
19. M. E... fait valoir en second lieu que le préfet aurait commis une erreur de fait en lui infligeant les amende et astreintes réclamées par les titres de perception en litige, dès lors qu'il aurait dégagé les dépôts dès le 20 janvier 2017.Cependant, il n'établit pas ses affirmations en se bornant à verser au dossier un constat d'huissier en date du 24 février 2017 portant sur le seul dépôt se trouvant à " la sortie du radier traversant la rue Léon Blum ", alors que sont produits à l'instance des rapports des visites, qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'oblige à être contradictoires, qui ont été effectuées par des contrôleurs du service départemental de contrôle de la direction départementale des territoires et de la mer du Nord attestant jusqu'en novembre 2017 au moins du maintien des trois dépôts reprochés à M. E....
20. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué n°1904300 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des sept titres de perception émis à son encontre par la direction régionale des finances publiques des Hauts de France et du département du Nord et à être déchargé de l'obligation de payer les sommes en cause.
Sur les frais liés au litige :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans les présentes instances, le versement à M. E... des sommes qu'il demande au titre des frais qu'il a exposés dans les deux instances et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes présentées par M. E... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP Gros, Hicter, d'Halluin et associés pour M. F... E... et au ministre de la transition écologique.
Copie pour information en sera adressée au préfet du Nord et au directeur régional des finances publiques des Hauts de France et du département du Nord
D...
N°19DA02775,19DA02776 2