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15/04/2021 | FRANCE | N°19DA00580

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 15 avril 2021, 19DA00580


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Château Roman a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui ont été mises à sa charge au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1602544 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 mars 2019 et le

22 avril 2020, la SCI Château Roman, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Château Roman a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui ont été mises à sa charge au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1602544 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 mars 2019 et le 22 avril 2020, la SCI Château Roman, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui ont été mises à sa charge au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier,

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Binand, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Château Roman a pour objet social, ainsi qu'il est indiqué dans ses statuts, l'acquisition, la gestion, l'administration et l'exploitation par bail, location ou autrement de tous biens immeubles bâtis ou non bâtis, la vente ou l'échange de ces biens et généralement toutes opérations pouvant se rattacher à l'objet ci-dessus pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration l'a assujettie à l'impôt sur les sociétés en remettant en cause le caractère civil des activités de la société au motif que celle-ci exerçait une activité de marchand de biens. Par un jugement du 27 décembre 2018, dont la SCI Château Roman relève appel, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui en ont résulté au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, à hauteur d'un montant total de 90 587 euros.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. D'une part, la règle, dont l'appelante se prévaut, qui résulte de l'article R. 60-3 du livre des procédures fiscales, selon laquelle l'administration ne peut mettre régulièrement en recouvrement une imposition sur laquelle un avis a été émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires sans qu'au préalable cet avis ait été notifié par ses soins au contribuable, ne trouve à s'appliquer que dans le cas où cette commission doit être consultée en application des dispositions du même livre.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 59-1 du même livre : " Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa de l'article L. 59. / (...) ". Il résulte des dispositions précitées des articles L. 59 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales que le désaccord du contribuable sur les rectifications qui lui sont notifiées doit être formulé par écrit dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition de rectification, qui peut être prorogé sur sa demande. En l'absence d'un désaccord exprimé dans ce délai, l'administration, même si elle a entendu répondre aux observations présentées tardivement par le contribuable, n'est pas tenue de donner suite à une demande de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dès lors que les dispositions de l'article R. 59-1 ne sont pas applicables au contribuable qui est regardé, dans un tel cas, comme ayant accepté les rectifications exposées dans la proposition de rectification qui lui a été notifiée.

4. La SCI Château Roman soutient que la proposition de rectification du 17 décembre 2012 par laquelle l'administration lui a assigné les rectifications en litige ne lui a été distribuée que le 2 janvier 2013, de sorte que ses observations sur les rehaussements envisagés, reçues le 26 février 2013 par l'administration, ont été présentées dans le délai qui lui était imparti, dès lors que le délai initial avait été régulièrement prorogé de trente jours sur sa demande. Afin d'établir que cette proposition de rectification lui a été notifiée le 2 janvier 2013, la SCI Château Roman fait valoir que la date de notification du pli ayant contenu cet acte est celle figurant sur le cachet apposé par les services postaux sur l'avis de réception du pli, qui est revêtu de la signature de son représentant. Toutefois, ce n'est qu'en l'absence de mention de la date de distribution d'un courrier recommandé avec accusé de réception que le pli doit, selon les mentions portées sur ce document, être réputé notifié à la date de son retrait au bureau de poste, laquelle ne saurait être postérieure à la date du cachet de renvoi à l'expéditeur apposé sur cet avis. Or, il résulte des mentions portées sur l'avis de réception produit à l'instance par les deux parties, que la date du 20 décembre 2012 a été inscrite de façon manuscrite au regard de la rubrique " présentation " et de la rubrique " distribution ". Les mentions concordantes de cet avis, qui établissent ainsi la distribution du pli le 20 décembre 2012 à l'adresse de son destinataire, ne sont pas utilement contredites par les attestations du service postal, émises six ans après et insuffisamment circonstanciées, selon lesquelles, au vu du cachet apposé sur l'avis de réception, ce pli aurait été retiré au bureau de poste le 2 janvier 2013.

5. Il s'ensuit que le délai imparti à la SCI Château Roman pour adresser ses observations, qui est un délai franc, a commencé à courir le lendemain de la notification de la proposition de rectification, soit le 21 décembre 2012, pour expirer, compte tenu de sa prorogation, le 21 février 2013. Par suite, les observations de la société, reçues le 26 février 2013 par l'administration, et datées, au demeurant du 22 février 2013, ne peuvent être regardées comme l'expression d'un désaccord devant être soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en application de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales. Il s'ensuit que l'administration, en mettant en recouvrement les impositions en litige sans avoir au préalable notifié à la SCI Château Roman l'avis rendu par cette commission, n'a pas entaché la procédure d'imposition d'irrégularité.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'assujettissement de la SCI Château Roman à l'impôt sur les sociétés :

6. L'article 205 du code général des impôts soumet à l'impôt sur les sociétés les personnes morales désignées à l'article 206 du même code, au nombre desquelles figurent, selon le 2 de cet article, les sociétés civiles qui " se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ". Aux termes de l'article 35 du même code : " I. Présentent (...) le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés ; / (...) ". Il résulte de ces dispositions que les bénéfices réalisés à l'occasion de la cession d'immeubles par des sociétés civiles sont imposables à l'impôt sur les sociétés lorsque ces opérations d'achat de biens immobiliers, suivies d'une revente, sont habituelles et réalisées avec une intention spéculative, laquelle doit être, en principe, appréciée à la date d'acquisition des biens.

7. Il est constant que la SCI Château Roman a acquis en mai 2007 une propriété, située à Gouvieux (Oise), composée de deux lots, le premier étant constitué d'un immeuble bâti, et le second d'un terrain à édifier. Il résulte de l'instruction qu'elle a, notamment, accompli des travaux afin d'allotir l'immeuble construit en douze appartements pour un coût équivalent à plus de la moitié du prix d'achat du bien et que dix de ces douze appartements ont été cédés au cours du dernier trimestre de l'année 2010.

8. D'une part, si la condition d'habitude n'est pas, en principe, remplie dans le cas d'une société civile qui a eu pour seule activité la réalisation d'une opération spéculative unique consistant à acheter et revendre, en l'état, un immeuble déterminé, il en va différemment lorsque, comme en l'espèce, douze appartements ont été construits afin d'être proposés à la vente et que dix d'entre eux ont été vendus sur une période de quelques mois seulement.

9. D'autre part, l'appelante fait valoir qu'elle a cherché à mettre en location ces appartements, conformément à son objet social, avant d'être contrainte de les céder pour honorer les dettes contractées auprès des prestataires de travaux. Toutefois, la copie d'une annonce immobilière datée de mars 2010 qu'elle produit au dossier ne concerne qu'un seul de ces douze appartements et n'est pas, à elle seule, suffisante à révéler une volonté de mettre l'intégralité de l'immeuble alloti en location. Par ailleurs, si des difficultés de trésorerie au moment de la revente peuvent conduire à écarter l'intention spéculative, alors même que celle-ci s'apprécie normalement à la date d'acquisition, les copies des courriers attestant de refus d'emprunts bancaires opposés à la SCI Château Roman et la circonstance qu'un de ses prestataires a été réglé par le produit de la cession des appartements ne sont pas, à elles seules, et en l'absence de toute autre pièce notamment afférente à la situation financière de la société, de nature à établir l'existence de difficultés financières telles qu'elles auraient rendu indispensables ces ventes. La SCI Château Roman, qui ne conteste pas, au demeurant, avoir déposé une déclaration de résultat relative à l'impôt sur les sociétés, doit, dès lors, être regardée comme ayant été animée, dès l'origine, d'une intention spéculative.

10. Il résulte de ce qui vient d'être dit que c'est à bon droit que l'administration a qualifié l'activité de la SCI Château Roman de marchand de biens et l'a assujettie, en conséquence, à l'impôt sur les sociétés.

En ce qui concerne le rehaussement tiré du partage d'actifs entre les associés :

11. Aux termes du 1 de l'article 38 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. ".

12. Il est constant que, par un acte notarié du 27 décembre 2010, les associés de la SCI Château-Roman ont procédé au partage partiel de l'actif de cette société, correspondant au bâtiment restant à édifier, pour un montant fixé par cet acte à 240 000 euros, puis ramené à 100 000 euros par un acte rectificatif du 24 décembre 2013. Le vérificateur a considéré que le transfert de ce bâtiment dans le patrimoine privé des associés avait eu pour conséquence le retrait de ce bien du stock commercial de la société dans lequel il figurait et que celle-ci aurait, dès lors, dû comptabiliser cette opération et inscrire la plus-value d'un montant de 100 000 euros résultant de ce partage d'actif. Si la société requérante persiste, en appel, à soutenir qu'il n'y a pas eu de variation de l'actif net mais simplement un transfert entre comptes d'actif compte tenu de la diminution d'un même montant du crédit du compte courant d'associé correspondant, elle n'établit pas que cette diminution, stipulée comme restant à intervenir aux termes de l'acte notarié établi en 2013, aurait été comptabilisée au titre de l'exercice clos en 2010. Dans ces conditions, l'administration a, à bon droit, réintégré la somme de 100 000 euros résultant de la variation de l'actif net de la société dans les résultats de l'exercice clos en 2010 soumis à l'impôt sur les sociétés.

Sur les pénalités :

13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

14. Pour appliquer la majoration prévue en cas de manquement délibéré par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration s'est fondée, notamment, sur l'absence d'inscription en comptabilité du partage d'actif mentionné au point 12 et de déclaration des événements de la vie de la société ayant une incidence sur son régime fiscal, ainsi que sur l'importance des rehaussements, au regard des résultats spontanément déclarés, excluant toute erreur involontaire de la SCI Château Roman. En faisant valoir ces éléments, et alors que l'appelante se borne à invoquer la circonstance que le notaire n'a pas informé son comptable de la teneur de l'acte de partage, l'administration établit suffisamment la volonté délibérée de la société d'éluder l'impôt et justifie de l'application des dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts aux suppléments d'impôt sur les sociétés en litige.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Château Roman n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Château Roman est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Château Roman et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°19DA00580


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