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30/03/2021 | FRANCE | N°19DA02367

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 30 mars 2021, 19DA02367


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 janvier 2019 au greffe du tribunal administratif de Paris, la SCS Enertrag Santerre IV, représentée par Me B... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du ministre de la transition écologique et solidaire qui a fixé, pour la deuxième période d'un appel d'offres portant sur la réalisation et l'exploitation d'installations de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent, implantées à terre, la liste des lauréats retenus ;

2°)

d'annuler la décision implicite née le 17 novembre 2018 qui a rejeté son recours gracieux du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 janvier 2019 au greffe du tribunal administratif de Paris, la SCS Enertrag Santerre IV, représentée par Me B... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du ministre de la transition écologique et solidaire qui a fixé, pour la deuxième période d'un appel d'offres portant sur la réalisation et l'exploitation d'installations de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent, implantées à terre, la liste des lauréats retenus ;

2°) d'annuler la décision implicite née le 17 novembre 2018 qui a rejeté son recours gracieux du 13 septembre 2018 tendant à l'annulation de la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique et solidaire de reprendre l'instruction des offres déposées dans le cadre de la deuxième période de l'appel d'offres portant sur la réalisation et l'exploitation d'installations de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent, implantées à terre ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2009/72/CE du Parlement Européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE ;

- le code de l'énergie ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me B... A..., représentant la SCS Enertrag Santerre IV.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Le ministère de la transition écologique et solidaire a publié un appel public à la concurrence le 28 avril 2017 au journal officiel de l'Union Européenne pour la réalisation et l'exploitation d'installations éoliennes terrestres en France métropolitaine. L'appel d'offres portait sur une puissance maximale recherchée de 3 GW répartie en six périodes de candidatures distinctes portant chacune sur une puissance maximale recherchée de 500 MW. La SCS Enertrag Santerre IV a présenté le projet Luce qui prévoyait la réalisation de douze éoliennes d'une puissance totale de 36 MW dans les Hauts-de-France.

2. La deuxième période s'est clôturée le 1er juin 2018. La Commission de régulation de l'énergie a procédé à l'examen des offres et, le 12 juillet 2018, a adopté une délibération relative à l'instruction des dossiers pour la deuxième période comportant une liste de quatre offres qu'elle proposait au ministre de retenir. Finalement, le ministre a souhaité désigner cinq lauréats et a sollicité l'avis de la Commission à ce sujet conformément à l'article R. 311-23 du code de l'énergie. En l'absence de réponse de la Commission, son avis a été réputé conforme.

3. Par un courrier du 27 août 2018, le ministre a informé les candidats du résultat de l'appel d'offres et notamment la SCS Enertrag Santerre IV de ce que son offre n'était pas retenue. Il a publié les résultats de l'appel d'offres le 6 septembre 2018. Par une délibération du 13 septembre 2018, la Commission a publié son avis sur la liste retenue par le ministre. La société Enertrag demande à la cour d'annuler la décision par laquelle le ministre a fixé la liste des lauréats pour la deuxième période de l'appel d'offres.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le cadre juridique du litige :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 311-10 du code de l'énergie : " Lorsque les capacités de production ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, notamment ceux concernant les techniques de production et la localisation géographique des installations, l'autorité administrative peut recourir à une procédure de mise en concurrence dont les modalités sont définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

5. Aux termes de l'article L. 311-10-1 du même code: " La procédure de mise en concurrence mentionnée à l'article L. 311-10 est conduite dans le respect des principes de transparence et d'égalité de traitement des candidats. / Pour désigner le ou les candidats retenus, l'autorité administrative se fonde sur le critère du prix, dont la pondération représente plus de la moitié de celle de l'ensemble des critères, ainsi que, le cas échéant, sur d'autres critères objectifs, non discriminatoires et liés à l'objet de la procédure de mise en concurrence, tels que : / 1° La qualité de l'offre, y compris la valeur technique, les performances en matière de protection de l'environnement, l'efficacité énergétique et le caractère innovant du projet ; / 2° La rentabilité du projet ; / 3° La sécurité d'approvisionnement ; / 4° Dans une mesure limitée, la part du capital détenue par les habitants résidant à proximité du projet ou par les collectivités territoriales ou leurs groupements sur le territoire ou à proximité du territoire desquels le projet doit être implanté par les sociétés porteuses du projet (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article R. 311-13 du code de l'énergie : " Lorsqu'il recourt à la procédure d'appel d'offres prévue au 1° de l'article R. 311-12, le ministre chargé de l'énergie élabore un cahier des charges. / Cet appel d'offres peut comprendre une ou plusieurs périodes successives. / Le cahier des charges comporte notamment : (...) 3° La liste exhaustive des critères de notation des offres, leur pondération ou leur hiérarchisation ; les critères quantitatifs doivent, le cas échéant, représenter au moins 50 % de la pondération totale ; (...) ".

7. L'article R. 311-23 du même code dispose : " Le ministre chargé de l'énergie désigne les candidats retenus et avise tous les autres candidats du rejet de leurs offres. / Dans le cas où, après l'examen des projets retenus par la Commission de régulation de l'énergie, le choix envisagé par le ministre n'est pas conforme au classement de la commission, le ministre recueille préalablement l'avis de la commission sur le choix qu'il envisage. Elle dispose pour ce faire d'un délai de quinze jours au-delà duquel son avis est réputé donné. / La commission publie la liste des candidats retenus ainsi qu'une version non confidentielle du rapport de synthèse sur l'analyse des offres sur son site. "

8. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il est recouru à la procédure d'appel d'offres prévue par l'article L. 311-10 du code de l'énergie, le cahier des charges élaboré par la Commission de régulation de l'énergie et arrêté par le ministre chargé de l'énergie doit, afin d'assurer la transparence et l'objectivité de la procédure de sélection des candidats et son caractère non-discriminatoire conformément aux objectifs de la directive du 13 juillet 2009, énoncer de manière exhaustive, parmi les critères mentionnés à l'article L. 311-5 du code de l'énergie, ceux retenus pour l'instruction et la sélection des offres ainsi que leur hiérarchisation et leur pondération. A l'issue de cette procédure, la désignation, par le ministre, de l'attributaire de l'offre et le rejet corrélatif des autres candidatures ne peuvent être fondés sur d'autres critères que ceux prévus par le cahier des charges.

En ce qui concerne le cas d'espèce :

9. Le cahier des charges de l'appel d'offres litigieux, publié le 27 février 2018, a fixé à son article 4 le prix comme unique critère de notation des offres et a prévu l'attribution d'une note linéairement décroissante dans une fourchette comprise entre 0 et 74,8 €/MWh.

10. Dans sa délibération du 12 juillet 2018, la Commission de régulation de l'énergie, d'une part, après avoir constaté que la somme des puissances des installations candidates représentait moins de la moitié des 500 MW de puissance recherchée et que la moyenne des prix proposés, atteignant 71,1 €/MWh, était en nette hausse par rapport à la moyenne de 65,4 €/MWh constatée lors de la première période de l'appel d'offres, en a déduit que la pression concurrentielle sur les prix était insuffisante pour cette deuxième période, d'autre part, a recommandé en conséquence au ministre de recourir à l'article 1.2.2 du cahier des charges, selon lequel " les dossiers de candidature retenus par le gouvernement pourront représenter moins que la puissance cumulée appelée ", et de ne déclarer dès lors recevables que les projets non éliminés, au nombre de quatre, " dont le tarif de référence est inférieur à celui du dernier lauréat de la première période ".

11. En premier lieu, dans sa décision de rejet de l'offre de la SCS Enertrag Santerre IV , le ministre a expliqué que, compte tenu du " nombre très faible de projets déposé " et sur le fondement de cet article 1.2.2 du cahier des charges, " la puissance cible de la seconde période a été diminuée à 118,3 MW ", cette puissance correspondant à celle des cinq offres les mieux classées et à l'obtention d'une note d'au moins 2,61 points, soit un prix de 72,85 euros/MWh, alors que l'offre de la société requérante n'avait obtenu que 1,36 point.

12. En procédant ainsi, le ministre a nécessairement fixé et appliqué un critère de note minimale en deçà de laquelle les candidatures n'étaient plus acceptées. Or il ne pouvait le faire sur le fondement ni de l'article 1.2.2 du cahier des charges, relatif aux " périodes de candidature, volumes appelés et date limite de dépôt des offres ", qui l'autorisait à retenir des candidatures dont la puissance cumulée n'atteignait pas 500 MW mais ne l'autorisait pas à modifier les critères de sélection des candidatures, ni de l'article 1.3.4 du même cahier prévoyant que " Les offres dont la note est trop basse pour prétendre à être retenue pourront ne pas être analysées par la CRE ", qui était relatif à la phase d'examen des offres par la Commission " au regard des conditions d'admissibilité " et non à celle de notation des offres et qui, à défaut d'autre précision, concernait les candidatures dont le prix excédait le seuil annoncé de 74,8 MW/h, ni de l'article 4 de ce cahier relatif à la " notation des offres ", ni d'aucune autre disposition de ce document.

13. En deuxième lieu, il a été indiqué dans la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 12 septembre 2018 que la " lettre de saisine " du ministre avait exposé que le choix d'un cinquième candidat, en sus des quatre candidats proposés par la Commission, était intervenu " au vu du contexte actuel de l'éolien terrestre, de la puissance dudit projet (35,4 MW) et de l'effort de baisse de tarif qu'il a entreprise entre la 1ère et la 2ème période ". Or de tels critères n'étaient pas davantage prévus par le cahier des charges.

14. Il résulte de ce qui précède que le ministre s'est fondé sur des critères non prévus par le cahier des charges pour désigner les candidatures retenues lors de la deuxième période de l'appel d'offres, en méconnaissance des principes de transparence et d'égalité de traitement des candidats.

15. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, la SCS Enertrag Santerre IV est fondée à demander l'annulation de la décision du ministre de la transition écologique et solidaire qui a fixé, pour la deuxième période de l'appel d'offres portant sur la réalisation et l'exploitation d'installations de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent, implantées à terre, la liste des lauréats retenus.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Il ne résulte pas de l'instruction que les besoins en capacité de production d'énergie électrique qui avaient conduit l'Etat à lancer un appel d'offres en 2017 et 2018 n'aient pas été satisfaits par les périodes de candidatures suivantes. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'enjoindre à la ministre de la transition écologique de reprendre l'instruction des offres déposées dans le cadre de la deuxième période de l'appel d'offres et les conclusions à fin d'injonction doivent donc être rejetées.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCS Enertrag Santerre IV et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du ministre de la transition écologique et solidaire qui a fixé, pour la deuxième période de l'appel d'offres portant sur la réalisation et l'exploitation d'installations de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent, implantées à terre, la liste des lauréats retenus publiée le 6 septembre 2018 est annulée.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la SCS Enertrag Santerre IV au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... A... pour la SCS Enertrag Santerre IV et à la ministre de la transition écologique.

N° 19DA02367

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02367
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

29-035 Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELARL CLOIX et MENDES-GIL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-03-30;19da02367 ?
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