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30/03/2021 | FRANCE | N°19DA01457

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 30 mars 2021, 19DA01457


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Haguenets Energie devenue la société Engie Green Haguenets Est et Sud a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler un arrêté du préfet de l'Oise du 21 juillet 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande d'autorisation unique concernant la construction et l'exploitation des éoliennes E1 à E4 et du poste de livraison A sur le territoire de la commune de Litz.

Par un jugement n° 1703368 du 26 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure d

evant la cour :

Par la requête enregistrée le 25 juin 2019 et un mémoire enregistré le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Haguenets Energie devenue la société Engie Green Haguenets Est et Sud a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler un arrêté du préfet de l'Oise du 21 juillet 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande d'autorisation unique concernant la construction et l'exploitation des éoliennes E1 à E4 et du poste de livraison A sur le territoire de la commune de Litz.

Par un jugement n° 1703368 du 26 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par la requête enregistrée le 25 juin 2019 et un mémoire enregistré le 28 octobre 2020, la société Engie Green Haguenets Est et Sud, représentée par Me B... D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) d'annuler cet arrêté du 21 juillet 2017 en tant qu'il a rejeté la demande d'autorisation unique concernant les éoliennes E1 à E4 et le poste de livraison A ;

3°) de délivrer l'autorisation demandée pour ces éoliennes et ce poste de livraison, ou à tout le moins d'enjoindre au préfet de statuer à nouveau sur cette demande dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me A... C..., représentant la société Engie Green Haguenets Est et Sud.

Une note en délibéré présentée par la société Engie Green Haguenets Est et Sud a été enregistrée le 26 mars 2021.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Le 29 janvier 2016, la société Haguenets Energie, devenue la société Engie Green Haguenets Est et Sud, a déposé à la préfecture de l'Oise une demande d'autorisation unique pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien regroupant douze aérogénérateurs, trois postes de livraison et un mât de mesure sur le territoire des communes de Litz et Rémérangles. Par un arrêté du 21 juillet 2017, le préfet de l'Oise a délivré à la société Haguenets Energie l'autorisation de construire et d'exploiter les éoliennes E5 à E12, deux postes de livraison et un mât de mesure mais a refusé la demande d'autorisation unique portant sur les éoliennes E1 à E4 et le poste de livraison A qui leur est associé.

2. Par un jugement du 26 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de la société requérante tendant à l'annulation de l'arrêté en tant qu'il a refusé l'autorisation unique concernant les éoliennes E1 à E4 et le poste de livraison A. La société Engie Green Haguenets Est et Sud fait appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les dispositions applicables au litige :

3. L'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement a prévu qu'à titre expérimental et pour une durée de trois ans, plusieurs types de projets, notamment les projets d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumises à autorisation au titre de l'article L. 5121 du code de l'environnement, sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé " autorisation unique ", celle-ci valant autorisation au titre de l'article L. 5121 du code de l'environnement et, le cas échéant, permis de construire au titre de l'article L. 4211 du code de l'urbanisme et autorisation d'exploiter au titre de l'article L. 3111 du code de l'énergie.

4. En application de ces dispositions, le décret du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement a fixé le contenu du dossier de demande d'autorisation unique et les modalités de son instruction et de sa délivrance par le préfet.

5. L'ordonnance du 26 janvier 2017, codifiée aux articles L. 1811 et suivants du code de l'environnement, a institué une autorisation environnementale dont l'objet est de permettre qu'une décision unique tienne lieu de plusieurs décisions auparavant distinctes dans les conditions qu'elle précise.

6. L'article 15 de cette ordonnance a fixé les conditions d'entrée en vigueur de ses dispositions : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; (...) ".

7. Sous réserve des dispositions de cet article 15, l'article 16 de la même ordonnance a abrogé les dispositions de l'ordonnance du 20 mars 2014 relatives à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement.

8. Il résulte de ces dispositions que l'ordonnance du 26 janvier 2017 n'a eu ni pour objet, ni pour effet, de modifier rétroactivement les dispositions régissant la procédure de délivrance des autorisations uniques qui a été prévue par l'ordonnance du 20 mars 2014.

En ce qui concerne les pouvoirs du juge :

9. En vertu de l'article L. 181-17 du code de l'environnement, issu de l'article 1er de l'ordonnance du 26 janvier 2017 et applicable depuis le 1er mars 2017, l'autorisation environnementale est soumise, comme l'autorisation l'unique l'était avant elle ainsi que les autres autorisations mentionnées au 1° de l'article 15 de cette même ordonnance, à un contentieux de pleine juridiction.

10. Il appartient, dès lors, au juge du plein contentieux d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

En ce qui concerne l'incidence des documents locaux de planification :

11. D'une part, une zone de développement éolien se borne à délimiter un périmètre privilégié par les autorités publiques pour l'implantation des éoliennes. D'autre part, les indications contenues dans un schéma éolien régional n'ont pas de force contraignante.

12. Dans ces conditions, la circonstance que le projet soit implanté dans une zone de développement de l'éolien et dans une zone désignée comme favorable à l'éolien par le schéma régional de l'éolien de Picardie, lequel schéma a au demeurant été annulé par un arrêt de la Cour du 16 juin 2012, ne dispensait pas l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation unique d'examiner le bien-fondé du projet au regard des dispositions des articles L. 511-1 du code de l'environnement et R. 111-27 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne l'atteinte au paysage :

13. D'une part, l'article L. 511-1 du code de l'environnement dispose : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients (...) pour la protection (...) des paysages, (...) pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ".

14. D'autre part, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

15. Pour statuer sur une demande d'autorisation unique, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que le projet ne méconnaît pas, notamment, l'exigence de protection des paysages et de conservation des sites et ne porte pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants.

16. Pour rechercher si l'existence d'une atteinte à un paysage, à la conservation des sites et des monuments ou au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants est de nature à fonder un refus d'autorisation ou à fonder les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou du paysage sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.

S'agissant de la qualité du site :

17. D'une part, le projet prendra place sur le plateau picard, vaste étendue de cultures intensives ponctuée de boisements et découpée de vallées dont celles de la Brèche, du Thérain et de l'Oise. Or la vallée de la Brèche qui borde au nord-est l'aire d'implantation du projet est répertoriée comme un ensemble paysager emblématique.

18. D'autre part, deux monuments historiques classés, l'église et le cimetière de la rue Saint-Pierre et l'église de Bresles, se trouvent respectivement à 3 et 5 kilomètres du projet, et sept monuments inscrits, le château de Bresles, les églises de Bulles, de La Neuvielle-en-Hez, du Fay-Saint-Quentin, de Litz et de Rémerangles et le prieuré de Wariville, se trouvent dans un rayon de cinq kilomètres du projet.

19. Dans ces conditions, si le paysage en cause n'est pas protégé au titre des paysages sensibles ou très sensibles, il n'en est pas pour autant dépourvu d'intérêt, au regard notamment de la présence, à proximité du site d'implantation, de monuments historiques de la vallée de la Brèche.

S'agissant de l'impact du projet :

20. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de l'étude d'impact, qu'à l'approche du village de Bulles depuis la route départementale 94 mais aussi depuis la route départementale 101, les vues s'orientent directement sur le parc en projet, dont les éoliennes E1 à E4 s'élèveraient en première ligne au-dessus de la vallée de la Brèche. Ces vues frontales et rapprochées font apparaître des différences d'échelle défavorables vis-à-vis du village et de la vallée et une covisibilité avec l'église de Bulles. Le projet, situé à environ 600 mètres de la vallée, vient accroître l'effet d'écrasement et de surplomb déjà existant du fait de la présence, à un kilomètre de la vallée, d'un autre parc déjà en exploitation. Cet effet est visible sur les photomontages numéros 32 et 39 qui, s'ils ont été pris depuis des entrées secondaires peu fréquentées du village de Bulles, offrent un large panorama sur la vallée.

21. D'autre part, l'autorité environnementale a relevé que la qualité des photomontages était moyenne et sous-estimait les impacts du projet notamment sur la vallée de la Brèche et, à la suite de cet avis, la société pétitionnaire s'est abstenue de produire des photomontages complémentaires.

22. Enfin, le service territorial de l'architecture et du patrimoine de l'Oise, l'unité départementale de l'architecture et du patrimoine de l'Oise et l'inspection des installations classées ont tous émis des avis défavorables à l'implantation des éoliennes E1 à E4.

23. Dans ces conditions, le préfet de l'Oise, qui aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les atteintes à la vallée de la Brèche, au village et à l'église de Bulles, n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant l'autorisation sollicitée au motif qu'elle porterait une atteinte grave, qu'aucune prescription ne saurait prévenir, aux intérêts protégés par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement et au caractère et à l'intérêt des lieux au sens des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

24. Il résulte de ce qui précède que la société Engie Green Haguenets Est et Sud n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

25. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

26. La demande présentée par la société appelante, partie perdante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Engie Green Haguenets Est et Sud est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... D... pour la société Engie Green Haguenets Est et Sud et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée au préfet de l'Oise.

N° 19DA01457

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01457
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

29-035 Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CABINET LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES ET CGR LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-03-30;19da01457 ?
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