Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 février 2020 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.
Par un jugement n° 2001713 du 16 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2020, M. B..., représenté par Me D... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté du 6 février 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à d'enjoindre au préfet de procéder à un nouvel examen de sa situation, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi qu'une somme de 2 400 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- les observations de Me D... C..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien né le 2 juillet 1997, est entré en France, selon ses déclarations, le 20 septembre 2013, démuni de tout document de voyage. Il a fait l'objet, le 26 septembre 2013 d'une ordonnance de placement provisoire à l'âge de seize ans et deux mois à l'aide sociale à l'enfance du département du Nord, en qualité de mineur étranger isolé. Par une ordonnance du 11 octobre 2013, le juge des enfants près la cour d'appel de Douai a confirmé ce placement jusqu'au 2 juillet 2015, date de sa majorité. Le préfet du Nord lui a délivré une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " valable du 14 octobre 2015 au 13 octobre 2016, laquelle a été renouvelée jusqu'au 26 janvier 2019. Le 11 novembre 2018, M. B... a sollicité un changement de statut et la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de salarié. Par un arrêté du 6 février 2020, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. B... relève appel du jugement du 16 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfant lors de son arrivée en France en 2013, à l'âge de seize ans. A sa majorité, il a été en situation régulière sur le territoire français, une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " lui ayant délivré du 14 octobre 2015 au 13 octobre 2016, renouvelé jusqu'au 26 janvier 2019 puis a été mis possession d'un récépissé de demande de carte de séjour. Il a obtenu deux certificats d'aptitude professionnelle l'un dans la maçonnerie l'autre dans le domaine de la " construction canalisation travaux publics ". Après un contrat de professionnalisation, pour la période du 14 novembre 2016 au 30 juin 2018, il a été employé comme intérimaire de manière quasi-continue entre juillet 2018 et janvier 2020. Quand bien même il ne serait pas isolé en cas de retour dans son pays d'origine, M. B... justifie d'une durée de présence en France de près de sept années au cours desquelles il a fait preuve d'une insertion professionnelle notable. Dans ces conditions, la décision en litige a porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise et a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision de refus de titre de séjour doit par suite être annulée, et par voie de conséquence celles portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 6 février 2020.
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
5. Eu égard au motif du présent arrêt, l'annulation prononcée implique nécessairement que le préfet du Nord délivre à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... la somme de 1 000 euros, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 16 juillet 2020 tribunal administratif de Lille et l'arrêté du 6 février 2020 du préfet du Nord sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera au Me D... C..., conseil de M. B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... C... pour M. A... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Nord.
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N°20DA01827
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