Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 176 869,15 euros en réparation des préjudices qu'il a subis et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1703476 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 février 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 176 869,15 euros en réparation des préjudices qu'il a subis ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- les déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l'Algérie, dites " accords d'Evian " ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 12 septembre 1935 en Algérie, indique avoir été engagé par l'armée française en qualité de supplétif durant la guerre d'Algérie, puis avoir rejoint la France en 1968. Il a adressé, le 7 juillet 2017, une demande au Premier ministre tendant à la réparation des préjudices subis en Algérie, puis en France, à laquelle ce dernier n'a pas répondu. M. A... relève appel du jugement du 20 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 176 869,15 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort du point 4 du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rouen a retenu que M. A... n'avait produit aucune pièce pour démontrer qu'il avait vécu dans un camp sur le territoire français à la suite de son rapatriement d'Algérie et que les préjudices invoqués ne pouvaient ainsi trouver leur origine directe et certaine dans les conditions de vie réservées aux personnes y ayant effectivement vécu. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des exigences de motivation prévues par l'article L. 9 du code de justice administrative doit être écarté.
3. En second lieu, à l'appui de sa demande de réparation, M. A... a recherché la responsabilité pour faute de l'Etat en soutenant qu'était fautif le fait de n'avoir pas fait obstacle aux représailles et à la spoliation dont les supplétifs de l'armée française en Algérie et leurs familles ont été victimes sur le territoire algérien, après le cessez-le-feu du 18 mars 1962 et la proclamation de l'indépendance de l'Algérie le 5 juillet 1962, en méconnaissance des déclarations gouvernementales du 19 mars 1962, dites " accords d'Evian ". Cependant, le préjudice ainsi invoqué n'est pas détachable de la conduite des relations entre la France et l'Algérie et ne saurait par suite engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la faute. Dès lors, c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen s'est déclaré incompétent pour connaître des conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité pour faute de l'Etat à raison des faits intervenus en Algérie après le cessez-le-feu et la proclamation de son indépendance.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
S'agissant des préjudices liés aux conditions de vie dans le camp situé à Saint-Maurice-l'Ardoise :
4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ".
5. Il résulte du courrier en date du 2 avril 2019 de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre, qui est produit pour la première fois en appel, que M. A... a vécu du 26 mars 1968 au 17 mars 1969 dans le camp d'hébergement et de transit de Château Lascours à Saint-Maurice-l'Ardoise dans le département du Gard. Si la responsabilité pour faute de l'Etat doit être regardée comme engagée à raison des conditions de vie indignes réservées à M. A... dans ce camp contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la nature et l'étendue des conséquences dommageables de cette faute étaient connues dès 1969, année au cours de laquelle il a quitté le camp. Dans ces conditions, la ministre des armées était fondée à opposer, dans ses écritures de première instance, aux conclusions tendant à l'indemnisation de ces conséquences dommageables la prescription quadriennale prévue par les dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 qui a été acquise à compter du 1er janvier 1974.
S'agissant des autres préjudices invoqués sur le territoire français :
6. Si M. A... sollicite le paiement d'une " indemnité compensatrice " calculée par référence à des mesures d'ordre financier adoptées par le législateur au profit des anciens supplétifs de l'armée française et de leurs familles, il indique lui-même ne pas avoir sollicité le bénéfice de ces dispositifs, de sorte qu'il n'est pas fondé à en demander le paiement. En tout état de cause, il n'établit pas la faute qu'aurait commise l'Etat ni les préjudices, matériel et moral, dont il sollicite la réparation au titre de ses conditions de vie sur le territoire français après son séjour dans le camp situé à Saint-Maurice-l'Ardoise en se bornant à faire état d'un défaut d'adoption d'un article d'une proposition de loi relative à une meilleure reconnaissance des anciens supplétifs de l'armée française en Algérie.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour M. C... A... et à la ministre des armées.
1
2
N°20DA00260
1
3
N°"Numéro"