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11/03/2021 | FRANCE | N°20DA01515

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 11 mars 2021, 20DA01515


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1910283 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.<

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Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 septembre 2020, M. B...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1910283 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 septembre 2020, M. B..., représenté par Me C... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de procéder à un nouvel examen de sa demande et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 8 janvier 1995, est entré en France le 21 mars 2010 muni d'un visa de court séjour. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département du Nord par une ordonnance du 29 mars 2010 du procureur de la République, et pris en charge en qualité de mineur étranger isolé jusqu'à la date de sa majorité, le 8 janvier 2013. Il a alors bénéficié du dispositif d'accueil provisoire des jeunes majeurs jusqu'au 31 décembre 2015. Le préfet du Nord lui a délivré un certificat de résidence portant la mention " étudiant " à compter du 8 février 2013, renouvelé jusqu'au 7 février 2015. Le 12 février 2015, l'intéressé a demandé le renouvellement de ce titre, ainsi que la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 11 octobre 2016, dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la cour n°18DA00888 du 4 octobre 2018, le préfet du Nord a refusé d'accorder à M. B... les titres de séjour sollicités et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. B... a fait l'objet d'une deuxième mesure d'éloignement le 24 janvier 2018, dont la légalité a également été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lille du 2 février 2018. M. B.... Par un nouvel arrêté du 2 décembre 2019, le préfet du Nord l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et l'a interdit de retour en France pour une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. La décision contestée comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen sérieux de la situation de M. B.... Par suite, le moyen doit être écarté.

4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article, ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".

5. Indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit ou qu'une convention internationale stipule que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'un éloignement.

6. Il résulte des stipulations citées au point 4 que, pour pouvoir prétendre à la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", le ressortissant algérien dont le séjour en France a été pour partie effectué par lui en qualité d'étudiant doit établir par tout moyen qu'il réside sur le territoire français depuis plus de quinze ans. M. B..., qui est entré en France à l'âge de quinze ans en mars 2010, a été mis en possession d'un titre de séjour en qualité d'étudiant entre le 8 février 2013 et le 7 février 2015. Il ne justifie toutefois pas d'un séjour habituel de quinze ans en France à la date de l'arrêté contesté, Dès lors, le moyen tiré de ce que M. B... devait se voir attribuer, à la date de l'arrêté contesté, de plein droit un certificat de résidence sur le fondement des stipulations précitées du 1. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et que cette situation fait légalement obstacle à ce qu'il fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

7. M. B... se prévaut de sa présence en France depuis dix ans et y avoir transféré le centre de ses intérêts privés et familiaux. Toutefois, M. B... est célibataire et sans enfant à charge. Il s'est maintenu sur le territoire français en dépit de deux précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre les 11 octobre 2016 et 14 janvier 2018. Bien qu'il ait quitté son pays d'origine en mars 2010, il n'établit pas être dépourvu de toute attache en Algérie, où réside sa famille. Il ne démontre pas non plus une insertion sociale et professionnelle particulière en produisant un accusé réception de déclaration préalable d'embauche auprès de l'URSSAF, postérieure à la décision en litige. Compte tenu des conditions de séjour en France de M. B..., le préfet du Nord n'a pas porté au droit au respect à une vie privée et familiale de l'intéressé, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien. Pour les mêmes motifs, il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de M. B....

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait illégale.

Sur la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

9. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

10. La décision contestée énonce que M. B... s'est soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement, qu'il est dépourvu des documents transfrontières et qu'il a déclaré vouloir se maintenir en France. Elle vise les dispositions du d), du f) et du h) du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle comporte ainsi les éléments de fait et de droit sur lesquelles le préfet s'est fondé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans :

12. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

13. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable en l'espèce : " _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) /La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

14. Il ressort des termes mêmes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.

15. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

16. Pour faire interdiction à M. B... de revenir sur le territoire français pour une durée de deux ans, le préfet du Nord a, selon les motifs mêmes de l'arrêté contesté, pris en compte les conditions de l'entrée et du séjour en France de l'intéressé, l'absence de liens familiaux en France et le fait qu'il se soit soustrait volontairement à deux mesures d'éloignement dont la légalité a été confirmée par le juge administratif. Par suite, le préfet du Nord, qui a examiné l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a suffisamment motivé, en fait comme en droit, sa décision.

17. Il ne ressort des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux et particulier de la situation de M. B... avant de prendre la décision en litige.

18. Ainsi qu'il a été dit précédemment, M. B... ne justifie pas de liens intenses sur le territoire national et a fait l'objet de deux mesures d'éloignement non exécutées. S'il fait état de son arrivée en France en tant que mineur isolé ou de l'absence de liens avec ses parents depuis 2010, ce qui n'est pas démontré, ces éléments ne constituent pas des circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Dès lors, en prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur d'appréciation, ni méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... D... pour M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.

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N°20DA01515

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01515
Date de la décision : 11/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-03-11;20da01515 ?
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