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11/03/2021 | FRANCE | N°20DA00235

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 11 mars 2021, 20DA00235


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 10 octobre 2012 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et la ministre des affaires sociales et de la santé ont rejeté sa demande de prolongation d'activité.

Par un jugement n° 1302568, 1400414 et 1402429 du 18 août 2015, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision en tant seulement qu'elle concerne le refus de prolongation d'exercice de ses ac

tivités d'enseignement.

Par un arrêt n° 15DA01674 du 5 juillet 2018, la cour a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 10 octobre 2012 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et la ministre des affaires sociales et de la santé ont rejeté sa demande de prolongation d'activité.

Par un jugement n° 1302568, 1400414 et 1402429 du 18 août 2015, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision en tant seulement qu'elle concerne le refus de prolongation d'exercice de ses activités d'enseignement.

Par un arrêt n° 15DA01674 du 5 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif.

Par une décision n°423838 du 5 février 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour Mme A..., annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 5 juillet 2018 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête initialement enregistrée sous le n° 15DA01674, le 21 octobre 2015 et un mémoire enregistré le 15 juin 2018, le ministre chargé de l'enseignement supérieur, demande à la cour d'annuler le jugement du 18 août 2015 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a annulé la décision conjointe du 10 octobre 2012 de refus de prolongation d'activité de Mme A... en ce qui concerne ses activités d'enseignement.

Il soutient que l'appréciation de l'intérêt du service est entachée d'une erreur de droit.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 novembre 2015, le 22 décembre 2015, le 4 février 2016, le 15 juin 2018 et un mémoire non communiqué enregistré le 18 juin 2018, Mme A..., représentée par Me B... C..., conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet du recours du ministre, au versement d'une somme de 5 000 euros pour appel abusif et d'une autre somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public

- et les observations de Me B... C... pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... A... était praticien hospitalier, professeur des universités des centres de soins, d'enseignement et de recherche dentaire, exerçant à l'université de Lille II et au centre hospitalier régional universitaire de Lille. Elle a demandé une prolongation d'activité au-delà de la limite d'âge de soixante-cinq ans qu'elle atteignait le 23 avril 2013. Par décision du 10 octobre 2012, les ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé ont rejeté cette demande. Saisi par Mme A..., le tribunal administratif de Lille, par jugement du 18 août 2015, a annulé cette décision uniquement en ce qui concerne les activités d'enseignement. La cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement en tant qu'il avait annulé la décision du 10 octobre 2012 de prolongation d'activité. Le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour et lui a renvoyé l'affaire.

Sur l'intervention de l'université de Lille :

2. L'université de Lille, venant aux droits de l'université Lille II, établissement universitaire au sein duquel Mme A... dispensait ses enseignements, a intérêt au maintien de la décision contestée. Par suite, son intervention est recevable.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. L'appel ne porte que sur l'annulation de la décision du 10 octobre 2012 et seulement en tant qu'elle a refusé la prolongation d'activité pour les activités d'enseignement. Le refus de prolongation des activités hospitalières que comportait également cette décision, n'a pas été contesté par la voie de l'appel et est donc devenu définitif. La ministre chargée de l'enseignement supérieur soutient uniquement que ce refus de prolongation des activités universitaires n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Lille.

4. Aux termes de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public: " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge reconnus au titre des dispositions de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent, lorsqu'ils atteignent les limites d'âge applicables aux corps auxquels ils appartiennent, sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité." Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle restreint à l'erreur manifeste sur le refus de maintenir un fonctionnaire en activité au-delà de la limite d'âge pris en application de ces dispositions.

5. En l'espèce, Mme A... a demandé son maintien en activité au-delà de la limite d'âge sur le seul fondement des dispositions citées en point 4 et la décision contestée du 10 octobre 2012 s'est placée dans ce seul cadre juridique pour refuser la prolongation demandée en raison de l'intérêt du service.

6. Il est constant qu'un profond différend opposait Mme A... au doyen de la faculté de chirurgie dentaire où elle enseignait. Toutefois, la ministre chargée de l'enseignement supérieur, si elle démontre la réalité de ce conflit, n'établit pas qu'il aurait perturbé la poursuite de ses activités d'enseignement par Mme A.... Il ressort au contraire des très nombreuses pièces produites tant en première instance qu'en appel par Mme A... que le différend date de 2008 et n'a pas empêché Mme A... de poursuivre ses activités d'enseignement. Dans le courrier du 25 juin 2012, contresigné par le président de l'université, le doyen de la faculté de chirurgie dentaire, motive son avis défavorable à la prolongation d'activité de Mme A... en rappelant les actions en justice entreprises par cette dernière. Il ne peut toutefois être reproché à Mme A... d'avoir utilisé les voies de recours légales pour faire valoir ses droits, d'autant que les décisions de justice définitives ne démontrent pas que ces actions étaient toutes infondées. Par ailleurs, l'appelante soutient, sans être contredite, que le doyen de la faculté de chirurgie dentaire était définitivement admis à la retraite à compter du 31 août 2014 et trois autres enseignants universitaires avec lesquels elle était en conflit sont soit partis à la retraite avant elle, soit ont quitté la faculté. Il n'est donc pas démontré que le conflit aurait perduré pendant sa période de prolongation d'activité. En sens inverse, l'appelante établit qu'elle a toujours été soutenue par d'autres enseignants, en particulier les assistants intervenant au sein de l'unité dont elle avait la charge. Au surplus, il ressort des pièces du dossier, en particulier du courrier adressé le 14 janvier 2013 par le président de l'université à Mme A..., suite à une enquête administrative interne que l'élément déclencheur du conflit " réside dans la façon peu convenable dont Mme A... avait été traitée lors du comité d'expression le 20 mars 2008. ". Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas établi que la prolongation des activités d'enseignement de Mme A... perturbe l'intérêt du service. Par suite la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a annulé pour erreur manifeste d'appréciation, la décision du 10 octobre 2012 en ce qui concerne la prolongation des activités d'enseignement, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête de la ministre.

7. Mme A... ne saurait en tout état de cause utilement soutenir que l'erreur manifeste d'appréciation qu'elle allègue avoir été commise par la ministre chargée de l'enseignement supérieur serait imputable à l'université de Lille II. Il n'y a par ailleurs pas lieu en l'espèce de faire application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à une amende pour recours abusif, un tel pouvoir étant au demeurant un pouvoir propre du juge dont les parties ne sont pas recevables à demander la mise en oeuvre.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros, à verser à Mme A....

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de l'université de Lille est admise.

Article 2 : La requête de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4. Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, à Me B... C... pour Mme D... A... et à l'université de Lille, venant aux droits de l'université Lille II.

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N°20DA00235

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00235
Date de la décision : 11/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-01 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Mise à la retraite pour ancienneté ; limites d'âge.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL ROBILLIART

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-03-11;20da00235 ?
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