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02/03/2021 | FRANCE | N°19DA01861

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 02 mars 2021, 19DA01861


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de la résidence Carré Cézanne a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de constater l'emprise irrégulière résultant de l'implantation d'un transformateur électrique sur sa propriété et d'enjoindre à la société Enedis de le déplacer, d'autre part, d'annuler la décision implicite du 27 juillet 2016 par laquelle cette société a refusé de faire droit à sa demande de versement, au titre de l'indemnité d'occupation, des sommes de 10 000 euros dues au

13 décembre 2015, 2 164,60 euros pour la période du 13 décembre 2015 au 20 mai 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de la résidence Carré Cézanne a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de constater l'emprise irrégulière résultant de l'implantation d'un transformateur électrique sur sa propriété et d'enjoindre à la société Enedis de le déplacer, d'autre part, d'annuler la décision implicite du 27 juillet 2016 par laquelle cette société a refusé de faire droit à sa demande de versement, au titre de l'indemnité d'occupation, des sommes de 10 000 euros dues au 13 décembre 2015, 2 164,60 euros pour la période du 13 décembre 2015 au 20 mai 2016 et 13,70 euros par jour à compter du 21 mai 2016 jusqu'au retrait effectif du transformateur électrique.

Par un jugement n° 1607857 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Lille a condamné la société Enedis à verser la somme de 2 000 euros au syndicat des copropriétaires de la résidence Carré Cézanne et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2019, le syndicat des copropriétaires de la résidence Carré Cézanne, représenté par Me G... C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la société Enedis la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me D... F..., représentant le syndicat des copropriétaires de la résidence Carré Cézanne, et de Me E... B..., représentant la société Enedis.

Une note en délibéré présentée par le Syndicat des copropriétaires de la résidence Carré Cézanne a été enregistrée le 18 février 2021.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société Etablissements Halimbourg a donné à bail à loyer le 3 février 1965 un local en construction situé rue Arthur Lamendin à Lens à la société Electricité de France afin qu'elle y installe à ses frais un poste de transformation électrique. Le local se situe désormais au sein de la copropriété de la résidence Carré Cézanne.

2. Ce bail est arrivé à expiration le 12 décembre 2013. Par une lettre du 20 mai 2016, le syndicat des copropriétaires de la résidence a demandé à la société Electricité Réseau Distribution France devenue société Enedis le retrait du transformateur et le versement d'une indemnité d'occupation du local sur la période comprise entre le 13 décembre 2013 et la date du retrait effectif du transformateur. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé sur cette demande.

3. Le syndicat des copropriétaires de la résidence Carré Cézanne a alors demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de constater l'emprise irrégulière résultant de l'implantation du transformateur sur sa propriété et d'enjoindre à la société Enedis de le déplacer, d'autre part, d'annuler la décision implicite du 27 juillet 2016 par laquelle cette société a refusé de faire droit à sa demande de versement d'une indemnité d'occupation.

4. Par un jugement du 18 juin 2019 dont le syndicat fait appel, le tribunal a condamné la société Enedis à verser la somme de 2 000 euros au syndicat des copropriétaires de la résidence Carré Cézanne et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Sur la demande de déplacement de l'ouvrage :

En ce qui concerne le cadre juridique du litige :

5. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonné la démolition ou le déplacement d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès le déplacement à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si le déplacement n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

En ce qui concerne le bien-fondé de la demande :

S'agissant de la régularité de l'implantation du transformateur électrique :

6. Ainsi qu'il a été dit, il est constant que le bail conclu entre la société Etablissements Halimbourg et la société Electricité de France le 3 février 1965 est arrivé à expiration le 12 décembre 2013. Par suite, le transformateur électrique ayant été maintenu dans le local propriété du syndicat requérant sans autorisation au-delà de cette date, est irrégulièrement implanté.

S'agissant de la régularisation de l'implantation du transformateur électrique :

7. D'une part, le syndicat des copropriétaires de la résidence Carré Cézanne n'a pas accepté la proposition de la société Enedis de signer une convention de servitude.

8. D'autre part, alors que le juge ne peut déduire le caractère régularisable d'un ouvrage public irrégulièrement implanté de la seule possibilité pour son propriétaire de faire déclarer d'utilité publique le local qui l'abrite et d'obtenir ainsi sa propriété par voie d'expropriation, il ne résulte des pièces du dossier ni qu'une déclaration d'utilité publique ait été effectivement envisagée à ce jour ni qu'elle était susceptible d'intervenir légalement.

9. Il résulte de ce qui précède que la régularisation de l'implantation irrégulière de l'ouvrage litigieux n'apparaît pas envisageable à la date du présent arrêt.

S'agissant du bilan des intérêts en présence :

10. D'une part, eu égard à l'intérêt qui s'attache à la propriété privée et à son respect, le syndicat des copropriétaires de la résidence Carré Cézanne ne saurait être tenu de supporter l'occupation du local de 16 m2 dont il est propriétaire, alors que la présence de l'ouvrage le prive de la possibilité de jouir pleinement de son bien.

11. D'autre part, si le transformateur en litige alimente 124 points de livraison, dont 20 professionnels, la société Enedis n'a produit, en première instance ou en appel, aucun élément justifiant de l'impossibilité de le déplacer, que ce soit en raison de la complexité de l'opération, que dément le devis qu'elle a elle-même produit, ou en raison de l'absence d'emplacement disponible à proximité, une telle situation ne résultant ni du plan des réseaux qu'elle a aussi fourni ni d'aucune autre pièce du dossier. Par ailleurs, il résulte de ce devis que le coût des travaux nécessaires pour un déplacement se chiffre à 105 262 euros.

12. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le déplacement de l'ouvrage en litige ne saurait être regardé comme entraînant une atteinte excessive à l'intérêt général.

13. Dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner ce déplacement dans un délai fixé, dans les circonstances de l'espèce, à 18 mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur la demande indemnitaire :

14. Le syndicat requérant fait valoir que le local d'une superficie de 16 m2 dans lequel est installé le transformateur électrique irrégulièrement implanté n'était pas entretenu extérieurement et qu'il a été contraint de réaliser régulièrement des travaux de peinture.

15. Compte tenu de ces circonstances et de la superficie extrêmement réduite de l'emprise, il sera fait une juste appréciation du préjudice ainsi subi par le syndicat depuis le 12 décembre 2013 et jusqu'au prononcé du présent arrêt, par l'allocation d'une somme globale et forfaitaire de 2 000 euros égale à la condamnation prononcée par le tribunal administratif de Lille et que la société Enedis ne discute pas.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat requérant est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Enedis de déplacer l'ouvrage litigieux.

Sur les frais liés exposés et non compris dans les dépens :

17. D'une part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Enedis la somme que demande le syndicat des copropriétaires de la résidence Carré Cézanne au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

18. D'autre part, les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la société Enedis soit mise à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence Carré Cézanne, qui n'est pas la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille est réformé en tant qu'il a rejeté la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence Carré Cézanne tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Enedis de déplacer le poste de transformation électrique installé dans le local situé rue Arthur Lamendin à Lens.

Article 2 : Il est enjoint à la société Enedis de déplacer l'ouvrage dans un délai de dix-huit mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du syndicat des copropriétaires de la résidence Carré Cézanne est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la société Enedis présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me G... C... pour le syndicat des copropriétaires de la résidence Carré Cézanne et à Me H... A... pour la société Enedis.

N°19DA01861 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01861
Date de la décision : 02/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SCP CAPELLE - HABOURDIN - LACHERIE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-03-02;19da01861 ?
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