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11/02/2021 | FRANCE | N°18DA00644

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 11 février 2021, 18DA00644


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Patrice Parmentier Automobiles a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er février 2006 au 31 octobre 2009, ainsi que des rappels de taxe sur certaines dépenses de publicité qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er février 2006 au 31 décembre 2008, et de lui accorder la décharge de l'amende de

5 %, prévue par les dispositions du 4. de l'article 1788 A du code général des impôts...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Patrice Parmentier Automobiles a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er février 2006 au 31 octobre 2009, ainsi que des rappels de taxe sur certaines dépenses de publicité qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er février 2006 au 31 décembre 2008, et de lui accorder la décharge de l'amende de 5 %, prévue par les dispositions du 4. de l'article 1788 A du code général des impôts, qui lui a été infligée pour un montant de 23 862 euros.

Par un jugement n° 1400375 du 10 mars 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2016, la SAS Patrice Parmentier Automobiles a demandé à la cour d'annuler ce jugement et de lui accorder la décharge des impositions, pénalités et amende contestées en première instance.

Par une ordonnance n° 16DA00896 du 2 novembre 2016, la présidente de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Douai a rejeté la requête de la SAS Patrice Parmentier Automobiles.

Par une décision n° 406802 du 23 mars 2018, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par la SAS Patrice Parmentier Automobiles, a annulé cette ordonnance et a renvoyé l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour :

Par la requête susvisée, enregistrée le 12 mai 2016, et un mémoire enregistré, après renvoi, le 2 octobre 2020, la SAS Patrice Parmentier Automobiles demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions, pénalités et amende en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A..., première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., pour la SAS Patrice Parmentier Automobiles.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Patrice Parmentier Automobiles a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er février 2006 au 31 janvier 2009, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée au 31 octobre 2009. A l'issue de ce contrôle, le service a estimé que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée devaient lui être réclamés, en particulier, au motif que cette société avait appliqué à tort le régime de la taxe sur la marge sur des opérations d'achat-revente de véhicules en provenance d'Etats membres de l'Union européenne. Les redressements envisagés, portés à la connaissance de la SAS Patrice Parmentier Automobiles par une proposition de rectification du 11 février 2010, ont été confirmés par la réponse, en date du 18 juin 2010, aux observations présentées par cette société, puis intégralement maintenus malgré l'avis émis le 26 avril 2013 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, défavorable à la remise en cause par l'administration de l'application par la SAS Patrice Parmentier Automobiles du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés, en conséquence, à la SAS Patrice Parmentier Automobiles au titre de la période du 1er février 2006 au 31 octobre 2009, d'un montant total de 1 092 936 euros, en droits et pénalités, ainsi que des rappels de taxes sur certaines dépenses de publicité et une amende de 5 % pour dépôt tardif de la taxe sur la valeur ajoutée, ont été mis en recouvrement par un avis du 9 juillet 2013. La SAS Patrice Parmentier Automobiles, qui soulève uniquement des moyens dirigés contre les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la remise en cause de l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, relève appel du jugement du 10 mars 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, pénalités et amende.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Les dispositions du paragraphe I de l'article 297 A du code général des impôts prévoient que la base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison, est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. En vertu de l'article 297 E du même code, les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures.

3. Si, par ailleurs, les dispositions du 1° de l'article 256 bis du code général des impôts soumettent à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel, lorsque le vendeur est lui-même un assujetti agissant en tant que tel et ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises, le 2° bis de ce même article prévoit que les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué, dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien, les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre du régime commun de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. Celui-ci, initialement prévu par les dispositions des B ou C de l'article 26 bis de la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, issues de l'article 1er de la septième directive du 14 février 1994, est défini, à compter du 1er janvier 2007, par les articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006.

4. Les dispositions du paragraphe I de l'article 297 A et du 2° bis de l'article de l'article 256 bis du code général des impôts ont pour objet de transposer les objectifs définis, pour l'application d'un régime commun de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, par les directives mentionnées au point précédent. Il en résulte qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions de l'article 297 E du code général des impôts, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge.

5. En premier lieu, pour remettre en cause l'application par la SAS Patrice Parmentier Automobiles du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, l'administration a relevé que les véhicules d'occasion dont cette société faisait l'acquisition auprès d'entreprises de l'Union européenne comportaient des mentions expresses excluant l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.

6. D'une part, la SAS Patrice Parmentier Automobiles ne conteste pas que les factures établies par ses fournisseurs belges comportaient une référence aux dispositions de l'article 39 bis du code de la taxe sur la valeur ajoutée belge. Celles-ci définissent les conditions d'application du régime de la livraison intracommunautaire en exonération de taxe sur la valeur ajoutée, parmi lesquelles figure celle que la livraison ne doit pas être soumise au régime particulier de la marge bénéficiaire prévue par l'article 48 du même code. Ainsi, la référence à l'article 39 bis du code de la taxe sur la valeur ajoutée belge doit, eu égard à l'objet et à la teneur de ce texte, être lue comme une mention de l'application, par l'émetteur de la facture, du régime d'exonération des livraisons intracommunautaires, exclusive de l'application par celui-ci du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.

7. D'autre part, la société requérante ne conteste pas que la référence à l'article 43 de la loi luxembourgeoise sur la taxe sur la valeur ajoutée, relevée par le service sur les factures établies par son fournisseur luxembourgeois, traduit également l'application par ce dernier du régime d'exonération des livraisons intracommunautaires. L'article 28 quater, point a), de la sixième directive, auquel se réfère certaines des factures produites, à titre d'exemple, par la société requérante, n'est, quant à lui, pas relatif à l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.

8. Ainsi, dans les conditions décrites aux deux points précédents, il ne résulte pas de l'instruction que, pour justifier de l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge aux opérations d'achat-revente qu'elle a réalisées, la SAS Patrice Parmentier Automobiles aurait présenté des factures établies, conformément aux dispositions de l'article 297 E du code général des impôts, par des fournisseurs ayant eux-mêmes la qualité d'assujettis revendeurs et agissant en tant que tels. Au demeurant, les factures émanant des fournisseurs belges et du fournisseur luxembourgeois produites par la société requérante font apparaître une taxe sur la valeur ajoutée au taux de 0 %, ce qui ne saurait être assimilé à l'absence de mention séparée de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur la marge prévue par les dispositions de l'article 297 E du code général des impôts. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les opérations d'achat-revente réalisées par la SAS Patrice Parmentier Automobiles ne remplissaient pas les conditions prévues par les dispositions de l'article 297 A et du 2° bis de l'article 256 du code général des impôts pour l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.

9. En second lieu, la SAS Patrice Parmentier Automobiles fait valoir qu'elle n'était pas en mesure de savoir que le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge n'était pas applicable. Toutefois, en sa qualité de professionnelle réalisant de nombreuses opérations d'achat-revente de véhicules d'occasion en provenance d'Etats de l'Union européenne, elle ne pouvait méconnaître la portée des mentions, analysées aux points 6 et 7, figurant sur les factures établies par ses fournisseurs. Par ailleurs, alors même qu'elle avait en sa possession des documents montrant que les vendeurs initiaux des véhicules d'occasion dont elle faisait l'acquisition étaient des particuliers, cette seule circonstance ne permettait pas de considérer que ses fournisseurs auraient agi en qualité d'assujettis revendeurs, faisant application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, alors qu'elle ne pouvait davantage ignorer la possibilité pour un acheteur revendeur de se placer sous le régime des livraisons intracommunautaires exonérées prévue les dispositions du 11 du B de l'article 26 bis de la sixième directive du 17 mai 1977 modifiée et par l'article 323 de la directive du 28 novembre 2006, d'ailleurs transposées en droit français à l'article 297 C du code général des impôts. Dans ces circonstances, et alors même que la commission départementale des impôts a notamment estimé, au regard des attestations d'achat et des cartes grises de véhicules, que les acquisitions en causes devaient être regardées comme effectuées auprès de particuliers, la SAS Patrice Parmentier Automobiles ne saurait utilement se prévaloir ni de l'absence de remise en cause par l'administration fiscale, à l'issue d'un précédent contrôle, portant sur d'autres factures présentées au titre d'une période distincte, des conditions dans lesquelles elle avait alors fait application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, ni de l'obtention des certificats fiscaux nécessaires à l'immatriculation des véhicules, délivrés selon les dispositions de l'article 242 terdecies de l'annexe II au code général des impôts, sur la base des déclarations faites par le demandeur.

10. Il résulte de ce qui précède que la SAS Patrice Parmentier Automobiles n'est pas fondée à soutenir que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés procèderaient d'un inexacte application, par l'administration, des dispositions de l'article 297 A et du 2° bis de l'article 256 du code général des impôts.

Sur l'invocation par la société requérante d'une prise de position de l'administration fiscale :

11. En premier lieu, la circonstance que l'administration se serait abstenue, à l'issue d'un précédent contrôle, de remettre en cause les conditions dans lesquelles la SAS Patrice Parmentier Automobiles a fait application, au titre d'une autre période, du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge n'est pas, par elle-même, constitutive d'une prise de position formelle de l'administration fiscale, invocable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, en l'absence de toute indication expresse donnée par l'administration, sur les motifs de cette abstention, à la société requérante.

12. En second lieu, la SAS Patrice Parmentier Automobiles se prévaut de ce qu'elle a obtenu, dans les conditions prévues par les dispositions du I de l'article 242 terdecies de l'annexe II au code général des impôts, le visa des services fiscaux portant la mention " acquisition non taxable " sur les certificats d'acquisition de véhicules. Toutefois, il résulte de ces dispositions que le visa apposé par l'administration fiscale sur ces documents, sur le fondement d'un contrôle en la forme des documents présentés par l'importateur, pour les seuls besoins de l'immatriculation ou de la francisation d'un moyen de transport introduit en France, n'a pas pour objet de prendre position sur le régime fiscal applicable au regard de la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, la délivrance par l'administration fiscale de ce visa ne peut être regardée, par elle-même, comme une prise de position formelle sur une situation de fait, au sens des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Patrice Parmentier Automobiles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Patrice Parmentier Automobiles est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à société par actions simplifiée (SAS) Patrice Parmentier Automobiles et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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No 18DA00644


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00644
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : HANSER ET CONCEPTS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-02-11;18da00644 ?
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