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04/02/2021 | FRANCE | N°19DA00101

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 04 février 2021, 19DA00101


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 2 mai 2018 l'affectant à l'Institut Carnot de Bourgogne à compter du 1er janvier 2019.

Par une ordonnance n° 1809805 du 22 novembre 2018, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 janvier 2019 et 23 jui

n 2020, M. B..., représenté par Me Robillart, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonn...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 2 mai 2018 l'affectant à l'Institut Carnot de Bourgogne à compter du 1er janvier 2019.

Par une ordonnance n° 1809805 du 22 novembre 2018, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 janvier 2019 et 23 juin 2020, M. B..., représenté par Me Robillart, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 mai 2018 l'affectant à l'Institut Carnot de Bourgogne à compter du 1er janvier 2019 et la décision du 3 septembre 2018 rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au président directeur-général du centre national de la recherche scientifique de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge du centre national de la recherche scientifique la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

- l'ordonnance n°2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

- les observations du centre national pour la recherche scientifique représenté par Me Meier-Bourdeau.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B... est chargé de recherche auprès du centre national de la recherche scientifique et était affecté depuis le 6 mai 2013 à l'université du Littoral Côte d'Opale. Par une décision du président directeur-général du centre national de la recherche scientifique du 2 mai 2018, M. B... a été affecté à compter du 1er janvier 2019 à l'Institut Carnot de Bourgogne à Dijon. Par un courrier du 21 juin 2018, M. B... a entendu former un recours gracieux contre cette décision. Par un courrier du 3 septembre 2018, le président directeur-général du centre national de la recherche scientifique a rejeté son recours. M. B... relève appel de l'ordonnance du 22 novembre 2018 par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête sur le fondement du 4°de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Aux termes du 5° de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet dans les relations entre l'administration et ses agents. Le premier alinéa de l'article R. 421-2 du code de justice administrative dispose que " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. ".

3. Il résulte des dispositions qui viennent d'être rappelées qu'un requérant n'est pas recevable à contester une décision expresse confirmative d'une décision de rejet devenue définitive. Il en va différemment si la décision de rejet n'est pas devenue définitive, le requérant étant alors recevable à en demander l'annulation dès lors qu'il saisit le juge dans le délai de recours contre la décision expresse confirmant ce rejet.

4. Il ressort des pièces du dossier que la décision modifiant l'affectation de M. B... a été notifiée à l'intéressé le 18 juin 2018. Par un courrier du 21 juin 2018 intitulé " recours à titre gracieux " et réceptionné par le centre national de la recherche scientifique le 25 juin 2018, M. B... a demandé au président directeur-général du centre national de la recherche scientifique de lui faire parvenir une nouvelle décision avec une date actualisée. Ce courrier, qui demandait nécessairement au président directeur-général du centre national de la recherche scientifique de réexaminer sa situation et alors d'ailleurs que dans sa réponse du 3 septembre 2018, le président directeur-général l'a qualifié de tel, doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme un recours gracieux. Ce recours a interrompu le délai de recours contentieux contre la décision du 2 mai 2018. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le centre national de la recherche scientifique le 25 août 2018. Toutefois, le 3 septembre 2018, alors que la décision implicite de refus n'était pas définitive, le président directeur-général du centre national de la recherche scientifique a pris une décision explicite de rejet, qui a fait naître un nouveau délai de recours contentieux de deux mois à compter de sa notification au requérant. Il ressort également des pièces du dossier que la requête de M. B... a été introduite devant le tribunal administratif de Lille le 29 octobre 2018, soit antérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux. C'est ainsi à tort, que par le motif rappelé ci-dessus, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lille a estimé que ce courrier ne pouvait être regardé comme un recours administratif et en a déduit que, de ce seul fait, la demande de M. B... devait être rejetée comme tardive. Par suite, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lille du 22 novembre 2018.

5. Il y a lieu, pour la cour, de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'étendue du litige :

6. Il résulte de ce qui précède que M. B..., qui a demandé l'annulation de la décision du 2 mai 2018 par laquelle président directeur-général du centre national de la recherche scientifique a prononcé son affectation à l'Institut Carnot de Bourgogne, doit être également regardé comme ayant également entendu demander l'annulation de la décision du 3 septembre 2018 rejetant son recours gracieux.

En ce qui concerne la recevabilité des demandes :

7. Les mesures prises à l'égard d'agents publics ne peuvent être regardées comme de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours que si, tout en modifiant l'affectation ou les tâches confiées à ces agents, elles ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives que ceux-ci tiennent de leur statut.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., affecté dans un laboratoire de recherche situé à l'université Littoral Côte d'Opale, a été affecté au laboratoire de recherche de l'Institut Carnot de Bourgogne situé à Dijon. Cette mesure, qui emporte un changement de résidence, produit les effets d'une mutation au sens de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 et porte atteinte aux garanties statutaires prévues par ces dispositions ce qui suffit à la faire regarder comme une décision susceptible de faire l'objet d'un recours. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le centre national de la recherche scientifique doit être écartée.

En ce qui concerne la légalité de la décision du 2 mai 2018 :

9. Aux termes de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " L'autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires. (...) ".

10. En l'espèce, la commission administrative paritaire n'a pas été consultée. Cette irrégularité a privé M. B... d'une garantie et a vicié la décision d'affectation. La décision d'affectation du 2 mai 2018 doit donc être annulée.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision du 2 mai 2018 et de la décision du 3 septembre 2018 par laquelle le président directeur-général du centre national de la recherche scientifique a rejeté son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. L'annulation de la décision du 2 mai 2018 implique nécessairement que la situation de M. B... soit réexaminée. Il est enjoint au président directeur-général du centre national de la recherche scientifique de réexaminer et de statuer de nouveau sur la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais du litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B... qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge du centre national de la recherche scientifique la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1809805 du 22 novembre 2018 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : Les décisions du président directeur-général du centre national de la recherche scientifique du 2 mai 2018 et du 3 septembre 2018 sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au président directeur-général du centre national de la recherche scientifique de réexaminer la situation de M. B... et de statuer de nouveau sur sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le centre national de la recherche scientifique versera à M. B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par le centre national de la recherche scientifique sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6: Le présent arrêt sera notifié à Me Robillard pour M. C... B... et à la SCP Meier-Bourdeau Lécuyer pour le centre national de la recherche scientifique.

2

N°19DA00101


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00101
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP MEIER-BOURDEAU LÉCUYER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-02-04;19da00101 ?
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