La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2021 | FRANCE | N°18DA01437

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 04 février 2021, 18DA01437


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Madame C... F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 8 juillet 2015 par laquelle le recteur de l'académie de Lille lui a infligé la sanction de déplacement d'office.

Par un jugement n° 1507094 et n°1507214 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 juillet 2018, Mme F..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annul

er ce jugement;

2°) d'annuler la décision du 8 juillet 2015 par laquelle le recteur de l'académie de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Madame C... F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 8 juillet 2015 par laquelle le recteur de l'académie de Lille lui a infligé la sanction de déplacement d'office.

Par un jugement n° 1507094 et n°1507214 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 juillet 2018, Mme F..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement;

2°) d'annuler la décision du 8 juillet 2015 par laquelle le recteur de l'académie de Lille lui a infligé la sanction de déplacement d'office ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

--------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1983 ;

- le décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011 ;

- le décret n° 2020-1403 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G... A..., présidente de chambre,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public

- et les observations de Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., attachée principal d'administration de l'Etat, a été affectée du 1er septembre 2007 au 31 août 2012 au lycée général et technologique Alexandre Ribot de Saint-Omer en qualité de gestionnaire et d'agent comptable de cet établissement et du lycée professionnel de l'Aa, établissement rattaché. Elle a ensuite été affectée au lycée professionnel Maximilien de Robespierre de Lens en qualité de gestionnaire de cet établissement. Elle a enfin été affectée au lycée professionnel Lavoisier de Roubaix en cette même qualité. Par courrier du 29 janvier 2015, notifié le 19 février suivant, le recteur de l'académie de Lille a informé Mme F... de l'engagement d'une procédure disciplinaire concernant des faits commis à compter de septembre 2013. Par une décision du 8 juillet 2015, le recteur de l'académie de Lille a prononcé, à l'encontre de la requérante, la sanction de déplacement d'office. Mme F... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lille du 2 mai 2018 rejetant sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la demande de jonction :

2. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif dispose, sans jamais y être tenu, de la faculté de joindre deux ou plusieurs affaires. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de joindre la requête, objet du présent arrêt, avec les requêtes n° 18DA01436 et 18DA01438 également déposées par Mme F....

Sur la recevabilité du mémoire enregistré le 8 octobre 2020 :

3. Aux termes de l'article R. 431-11 du code de justice administrative : " Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. /Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables aux recours pour excès de pouvoir ni aux demandes d'exécution d'un arrêt définitif. / La signature des requêtes et mémoires par l'un de ces mandataires vaut constitution et élection de domicile chez lui. ".

4. Suite à l'information communiquée par son conseil de ce qu'il n'entendait plus représenter Mme F..., par une lettre du 19 janvier 2019 cette dernière a été invitée à régulariser ses écritures en constituant avocat. Par courrier du 5 octobre 2020, dont le pli a été retourné avisé et non réclamé, Mme F... a de nouveau été invitée à régulariser ses écritures en constituant avocat. Mme F... n'a toutefois pas régularisé son mémoire du 8 octobre 2020 qui doit être déclaré irrecevable et écarté des pièces du dossier.

Sur les conclusions à fin d'annulation:

En ce qui concerne le harcèlement moral :

5. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant (...) la discipline (...) ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : (...) / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements. (...). ".

6. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. Le juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, détermine sa conviction au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est saisi sont constitutifs d'un harcèlement moral, le juge doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

7. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les faits reprochés par la hiérarchie du lycée Robespierre de Lens, antérieurs à l'affectation de Mme F... au lycée Lavoisier de Roubaix, aient servi de fondement aux poursuites disciplinaires dont elle a fait l'objet. Il ne ressort pas plus des pièces du dossier que ces faits aient influé sur le comportement de la hiérarchie de Mme F... au lycée Lavoisier de Roubaix.

8. D'autre part, Mme F... soutient qu'elle aurait fait l'objet d'un harcèlement moral au motif qu'elle aurait été volontairement affectée, par le rectorat, sur un poste où la comptabilité était particulièrement dégradée. Toutefois il ressort des pièces du dossier que Mme F... a choisi cette affectation parmi un choix de trois postes qui lui étaient proposés. De même, si elle reproche au rectorat de ne pas l'avoir logée, il ressort des pièces du dossier que le logement de fonction de ce poste était indisponible, ce que savait Mme F... au moment de choisir son affectation mais qu'en dépit de ce choix, le rectorat lui a trouvé une solution d'hébergement dans un lycée de la même commune. Mme F... soutient ensuite que l'enchaînement de sanctions ainsi que l'attitude contradictoire de sa hiérarchie révèlent un acharnement visant à l'empêcher d'obtenir une mutation. Néanmoins, l'intention malveillante du recteur de l'académie de Lille n'est aucunement établie alors qu'il a émis un avis très favorable à un détachement immédiat de Mme F... auprès de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Corse. En outre, si Mme F... soutient qu'elle a fait l'objet d'une retenue sur traitement irrégulière, le ministre de l'éducation et de la jeunesse fait valoir, sans être contredit, que cette retenue est consécutive à l'expiration de droits à congé maladie. Enfin, si Mme F..., attachée principal depuis 2007, soutient qu'elle n'a pas fait l'objet d'un suivi et de formations adaptées, elle a obtenu l'appui d'un tuteur. Si elle indique que ce suivi aurait été défaillant, les pièces du dossier montrent que M. B... s'est entretenu avec elle ainsi que sa hiérarchie et qu'il se maintenait à sa disposition par mail. Mme F... n'a pas tiré profit des conseils prodigués par l'agent comptable et par la chargée d'une mission de soutien aux établissements publics locaux d'enseignement du rectorat. Dès lors, les éléments de faits soumis par Mme F... ne sont pas de nature à laisser présumer des agissements de harcèlement moral. Par suite, le moyen tiré de ce que la sanction aurait été prononcée dans le cadre d'une situation de harcèlement moral doit être écarté.

En ce qui concerne l'affectation en Corse :

9. Mme F... soutient que la décision contestée serait une nomination pour ordre et serait entachée d'une rétroactivité illégale du fait de son affectation à sa demande à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Corse dès le 1er août 2015. Toutefois, d'une part, la circonstance que la mutation d'office ne puisse éventuellement pas être exécutée ne saurait la faire regarder comme une mesure de nomination pour ordre. D'autre part, les conditions d'exécution de la décision du 8 juillet 2015 sont sans influence sur sa légalité. Dès lors, ces moyens doivent être écartés.

En ce qui concerne les manquements reprochés :

10. Aux termes des dispositions de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes des dispositions de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : l'avertissement ; le blâme /Deuxième groupe : la radiation du tableau d'avancement ; l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; le déplacement d'office /Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans /Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation ".

11. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

12. D'une part, plusieurs rapports établis par la cheffe d'établissement du lycée Lavoisier, par l'agent comptable Mme E..., par M. B... et par la cheffe de la division financière du rectorat font état de graves manquements à la préparation et au suivi budgétaire effectués par Mme F.... A la suite de retards dans la facturation et le paiement des cocontractants du lycée, l'établissement a dû supporter des pénalités de retard. Mme F... soutient que la comptabilité de l'établissement était particulièrement dégradée et qu'elle était secondée par une équipe faiblement expérimentée, son adjoint ayant d'ailleurs fait l'objet d'une procédure disciplinaire analogue. Elle soutient également que la comptable publique aurait tenté de masquer ses propres erreurs en les lui imputant. Toutefois, Mme F..., qui a d'ailleurs reconnu devant le conseil de discipline qu'il a pu lui arriver de faire des erreurs, n'établit pas que les fautes qui lui ont été imputées n'auraient pas pu être évitées en adoptant une plus grande rigueur et une meilleure organisation dans son travail. S'il est reproché à la comptable publique et à un autre agent des fautes de gestion, ces fautes ne sont pas de nature à exonérer Mme F... des fautes dont la responsabilité lui incombe en sa qualité de gestionnaire matérielle de l'établissement.

13. D'autre part, les pièces du dossier établissent que Mme F... n'a pas effectué certaines tâches lui incombant, et notamment la réalisation des emplois du temps et de fiches de poste. En effet, si les emplois du temps ont été réalisés pour le 30 septembre 2014, ceux-ci ne sont pas signés, pas plus que les fiches de poste, dont une seule a été notifiée à l'agent concerné. En outre, les différents rapports font état de l'attitude de Mme F... qui a pu adopter un ton inapproprié avec ses supérieurs et qui n'a pas été disponible pour traiter les demandes de certains agents, créant un climat de tension au sein de l'établissement. Si Mme F... verse aux débats une note du directeur félicitant les agents pour les bons résultats financiers obtenus, cette note vise à mettre en avant la qualité d'un travail collectif et n'a pas pour effet d'infirmer la réalité de ses manquements. Les circonstances que l'évaluation de l'année 2013 lui soit favorable et qu'un personnel administratif ainsi qu'un enseignant attestent de ses qualités professionnelles ne sont pas plus de nature à remettre en cause la matérialité des faits qui lui sont reprochés. Dès lors, la réalité des manquements reprochés à Mme F... est établie.

14. Au regard de la nature des fautes disciplinaires imputables à Mme F... qui exerçait les fonctions de gestionnaire depuis 2007 et de leur caractère répété, la sanction de déplacement d'office prononcée par le recteur de l'académie de Lille ne présente pas un caractère disproportionné. Par suite, le moyen tiré de l'absence de proportionnalité entre la sanction infligée à Mme F... et les manquements qui lui sont imputables doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 8 juillet 2015 par laquelle le recteur de l'académie de Lille lui a infligé la sanction de déplacement d'office. Par suite sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour Mme C... F... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

2

N°18DA01437


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01437
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP UHRY D'ORIA GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-02-04;18da01437 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award