Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2019, et un mémoire enregistré le 20 mai 2020, la société PVBS, représentée par Me F... A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2019 par lequel le maire de Villers-Bretonneux a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale portant sur la création d'un ensemble commercial d'une surface de vente totale de 28 548 m² ;
2°) de mettre à la charge des sociétés AJNS TEAM, Jardinerie de Poulainville, Etablissements Horticoles Georges Truffaut, SICAP, Vertdis, société Nouvelle Depreaux, société But International et société Frey une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- les observations de Me F... A..., représentant la société PVBS, et de Me C... B..., représentant les sociétés AJNS TEAM, Jardinerie de Poulainville, Etablissements Horticoles Georges Truffaut, SICAP, Vertdis et Nouvelle Depreaux.
Une note en délibéré présentée par la société PVBS a été enregistrée le 14 janvier 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Le 20 décembre 2018, la société PVBS a déposé auprès du maire de Villers-Bretonneux une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création, sur un terrain situé lieu-dit " La Couture Est " du territoire de cette commune, d'un ensemble commercial d'une surface de vente totale de 28 548 m², composé d'une jardinerie de 18 434 m² de surface de vente et d'un magasin dédié à l'équipement de la maison de 10 114 m² de surface de vente. La commission départementale d'aménagement commercial de la Somme a émis, le 19 février 2019, un avis favorable à cette demande. Par une décision du 21 mars 2019, la Commission nationale d'aménagement commercial a décidé, à l'unanimité de ses membres, de se saisir de ce projet, en application de l'article L. 752-17 du code de commerce. Le 29 mai 2019, la Commission nationale d'aménagement commercial, saisie également de recours de cinq sociétés exploitant des commerces dans les limites de la zone de chalandise, a émis un avis défavorable au projet de la société PVBS. La société PVBS demande à la cour d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2019 par lequel le maire de Villers-Bretonneux a refusé de lui délivrer le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale sollicité.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la société PVBS au mémoire en défense présenté par la société But International :
2. Le mémoire présenté par la société But International qui a reçu communication de la requête, constitue, quelle que soit la qualification qui lui a été donnée, non une intervention volontaire au sens de l'article R. 632-1 du code de justice administrative, mais un mémoire en défense dès lors que cette société a contesté l'avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial de la Somme devant la Commission nationale d'aménagement commercial et dispose ainsi de la qualité de partie dans le cadre de la présente instance. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société requérante doit être écartée.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. A l'encontre de la décision en litige, la société requérante soulève, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'avis défavorable rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial.
En ce qui concerne la motivation de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial :
4. Si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables. En l'espèce, la décision de la commission mentionne les textes dont il est fait application et les éléments de fait sur lesquels elle se fonde. Par suite, le moyen tiré d'une motivation insuffisante doit être écarté.
En ce qui concerne la conformité du projet aux objectifs de l'article L. 752-6 du code de commerce :
5. Aux termes du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa version alors en vigueur : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / (...) b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / (...) b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles rendent un avis sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Lorsque l'instruction fait apparaître que, pour satisfaire aux objectifs fixés par le législateur en matière d'aménagement du territoire ou de développement durable, des aménagements sont nécessaires, l'autorisation ne peut être accordée que si la réalisation de tels aménagements à l'ouverture de l'ensemble commercial est suffisamment certaine.
S'agissant de l'objectif d'aménagement du territoire :
7. En premier lieu, si, ainsi que le relève la société requérante, le projet doit s'implanter dans la zone d'aménagement concerté du Val-de-Somme dans le cadre d'une opération globale d'aménagement sur un site identifié par le schéma de cohérence territoriale du Grand Amiénois comme une zone de localisation préférentielle des commerces, il ressort également des pièces du dossier que ce site, constitué d'anciennes parcelles agricoles et situé en périphérie de la commune de Villers-Bretonneux, se trouve également à environ 1,5 kilomètre du centre-ville de cette commune, à proximité immédiate d'un échangeur de l'autoroute A 29, dans une zone peu densément construite qui accueille un centre commercial ainsi que des activités de secteur tertiaire et d'artisanat, et que les premières habitations se situent à plus de 500 mètres du terrain d'assiette du projet. Dès lors, ce projet, compte tenu de sa localisation isolée et éloignée des zones d'habitation, contribuera à l'étalement urbain de la commune. La circonstance que le schéma de cohérence territoriale du pays du Grand Amiénois ait défini à cet endroit une zone d'activités commerciales n'est pas de nature par elle-même à faire obstacle à ce que la Commission nationale d'aménagement commercial retienne une telle atteinte. Par suite, la société PVBS n'est pas fondée à soutenir que son projet répond favorablement au critère de localisation et d'intégration urbaine
8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet de la société PVBS prévoit une implantation sur des parcelles actuellement vierges de toute construction, jusqu'alors dédiées à une activité agricole. S'il ressort des pièces du dossier qu'environ 30 % du terrain d'assiette du projet sera consacré aux espaces verts et que l'emprise au sol des surfaces affectées aux aires de stationnement sera d'environ 30 000 m² pour une superficie de vente de 28 548 m², le projet en litige entraînera une artificialisation des sols de 66 966 m². La seule circonstance que le schéma de cohérence territoriale du pays du Grand Amiénois ait défini à l'endroit du site d'implantation du projet une zone d'aménagement commercial n'est pas de nature à justifier une consommation de l'espace d'une telle importance. A cet égard, la société PVBS ne saurait utilement se prévaloir des avis favorables rendus par les différentes personnes publiques associées sur le projet de schéma de cohérence territoriale. Par suite, le projet en litige est de nature à entraîner une consommation excessive de l'espace, en méconnaissance du b) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que les centres villes des communes les plus importantes de la zone de chalandise comportent de nombreux commerces exerçant leurs activités dans des secteurs comparables à ceux envisagés par le projet en litige. Ainsi, ce projet ne constituera pas une offre complémentaire mais exercera un effet d'attraction au détriment de ces commerces. Parmi ces communes, certaines ont par ailleurs bénéficié d'une aide du fonds de soutien à l'artisanat et au commerce, ce qui atteste de leur situation de fragilité et de vulnérabilité, le taux de vacance commerciale s'élevant d'ailleurs à 15 % à Villers-le Bretonneux et à 12 % à Albert. Si la société pétitionnaire fait valoir que la réalisation de son projet favorisera l'attractivité du territoire en ce qu'il sera de nature à limiter l'évasion commerciale vers une agglomération plus importante, cette affirmation n'est étayée que par une étude réalisée en 2016 par la chambre du commerce et de l'industrie d'Amiens Picardie qui, si elle fait état à cette date d'une évasion de 30 % s'agissant des produits mobiliers, ne relève cependant qu'une faible évasion s'agissant des produits de jardinage, produits auxquels sera d'ailleurs affectée plus de la moitié de la surface de vente totale du projet en litige. En outre, la direction départementale des territoires et de la mer a émis un avis défavorable au projet en retenant son impact négatif sur la vie urbaine. Dès lors, ce projet, qui, contrairement à ce que fait valoir la société PVBS, est susceptible de drainer une partie de la clientèle des centres villes précités, compte tenu de son ampleur, de la nature des activités commerciales qu'il comprend, et eu égard, en outre, à son éloignement des lieux de vie ainsi qu'il a été décrit au point 7, est de nature à nuire à l'animation de la vie urbaine. Par suite, l'avis de la commission n'est pas entaché d'une erreur d'appréciation des conséquences du projet sur l'animation de la vie urbaine.
10. En dernier lieu, il est constant que le site du projet n'est actuellement pas desservi par les transports en commun et ne dispose pas de cheminements cyclables et piétonniers ainsi que l'a relevé la Commission nationale d'aménagement commercial. Toutefois, les deux délibérations du 16 mai 2019 du conseil de la communauté de communes du Val-de-Somme relatives au programme des équipements publics de la zone d'aménagement concerté du Val-de-Somme et à la programmation des travaux de voirie pour l'année 2020, dont la société requérante se prévaut, sont de nature à établir que la réalisation de deux arrêts de bus au droit du terrain d'assiette du projet et d'un cheminement cyclable et piétonnier était suffisamment certaine à la date de la décision en litige. La société PVBS indique, en outre, qu'elle s'est engagée à mettre en oeuvre et à financer une navette par autobus entre la gare ferroviaire de la commune de Villers-Bretonneux et l'ensemble commercial objet du présent litige. Dans ces conditions, eu égard au caractère suffisamment certain de la réalisation de ces aménagements, l'accessibilité du projet par les transports collectifs et par les modes doux de déplacement doit être regardée comme satisfaisante.
11. Toutefois, il résulte de ce qui précède que si elle n'avait relevé que les motifs tirés des conséquences négatives du projet sur l'animation de la vie urbaine, l'absence d'intégration urbaine et la consommation excessive d'espace agricole, la commission aurait retenu la méconnaissance par le projet de l'objectif relatif à l'aménagement du territoire.
S'agissant de l'objectif de développement durable :
12. Compte tenu de son ampleur, de son architecture massive et ainsi qu'il a été exposé précédemment, de son implantation de façon relativement isolée sur un terrain entouré essentiellement d'espaces naturels à vocation agricole, en périphérie de la commune, le projet aura un impact visuel fort sur le territoire. En outre, la surface du projet rappelée au point 8 entraîne une imperméabilisation des sols importante.
13. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet ne méconnaît pas l'objectif relatif au développement durable.
S'agissant de l'objectif de protection du consommateur :
14. Ainsi qu'il a été exposé au point 9, le projet porté par la société PVBS, dont les activités envisagées seront comparables à celles des commerces des centres villes des communes les plus importantes de la zone de chalandise, est susceptible de drainer une partie de la clientèle de ces centres villes. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que son projet contribue à la revitalisation du tissu commercial.
15. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'avis rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la société PVBS n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2019 par lequel le maire de Villers-Bretonneux a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés défenderesses, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme demandée par la société PVBS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société PVBS la somme demandée par les sociétés défenderesses au même titre.
DECIDE
Article 1er : La requête de la société PVBS est rejetée.
Article 2 : Les conclusions des sociétés AJNS TEAM, Jardinerie de Poulainville, Etablissements Horticoles Georges Truffaut, SICAP, Vertdis, Nouvelle Depreaux, But International et Frey présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me F... A... pour la société PVBS, à Me H... E... pour les sociétés AJNS TEAM, Jardinerie de Poulainville, Etablissements Horticoles Georges Truffaut, SICAP, Vertdis et Nouvelle Depreaux, à Me G... J... pour la société But International, à Me I... D... pour la société Frey, au cabinet Leonem avocats pour la Sarl Serres du Bois du Sart, à la commune de Villers-Bretonneux et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée pour information à la Commission nationale d'aménagement commercial et à la préfète de la Somme.
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N°19DA02176