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26/01/2021 | FRANCE | N°19DA00438

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 26 janvier 2021, 19DA00438


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 21 février 2019, et des mémoires, enregistrés les 18 février et 26 octobre 2020, la société d'exploitation du parc éolien des trois courtils, représentée par le cabinet Volta, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a rejeté sa demande d'autorisation unique pour la construction et l'exploitation d'un parc composé de trois éoliennes sur le territoire des communes de Campagnes-les-Boulonnais et d'Ergny

;

2°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de réexaminer sa demande ;

3°) d'e...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 21 février 2019, et des mémoires, enregistrés les 18 février et 26 octobre 2020, la société d'exploitation du parc éolien des trois courtils, représentée par le cabinet Volta, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a rejeté sa demande d'autorisation unique pour la construction et l'exploitation d'un parc composé de trois éoliennes sur le territoire des communes de Campagnes-les-Boulonnais et d'Ergny ;

2°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de réexaminer sa demande ;

3°) d'enjoindre à la direction générale de l'aviation civile de communiquer les résultats complets des campagnes de mesures en vol conduites entre mai 2009 et aujourd'hui ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'aviation civile ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code des transports ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- l'arrêté du 22 juin 2020 portant modification des prescriptions relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- l'arrêté du 30 juin 2020 relatif aux règles d'implantation des installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation ou à déclaration au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement par rapport aux enjeux de sécurité aéronautique ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... C..., première conseillère,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me B... D..., représentant la société d'exploitation du parc éolien des trois courtils.

Une note en délibéré présentée pour la société d'exploitation du parc éolien des trois courtils a été enregistrée le 16 décembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société d'exploitation du parc éolien des trois courtils a déposé, le 3 décembre 2014, une demande d'autorisation unique pour construire et exploiter trois éoliennes sur le territoire des communes de Campagnes-les-Boulonnais et d'Ergny. Consultée sur ce projet, la direction générale de l'aviation civile a émis un avis défavorable le 2 février 2015. Le préfet du Pas-de-Calais a, par conséquent, rejeté la demande par un arrêté du 22 avril 2015. Saisi par la société pétitionnaire, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté par un jugement du 27 juillet 2018 et a enjoint au préfet de réexaminer la demande dans les trois mois. A nouveau consultée, la direction générale de l'aviation civile a émis un avis défavorable le 16 octobre 2018. Le préfet a rejeté l'autorisation sollicitée par un arrêté du 20 décembre 2018 dont la société pétitionnaire demande l'annulation.

Sur le cadre juridique du litige :

2. D'une part, la demande déposée par la société d'exploitation du parc éolien des trois courtils était une demande d'autorisation unique régie par l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement.

3. D'autre part, il résulte du 2° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale que si le régime aujourd'hui en vigueur est celui de l'autorisation environnementale prévue à l'article L. 181-1 du code de l'environnement, les demandes régulièrement déposées avant le 1er mars 2017, comme en l'espèce, restent instruites selon les dispositions législatives et réglementaires antérieures.

Sur la légalité du refus en litige :

S'agissant du moyen tiré de l'insuffisance de motivation :

4. Aux termes de l'article 8 du décret du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement : " Le cas échéant, le dossier de demande mentionné à l'article 4 est complété par les pièces suivantes, lorsque le demandeur les détient : / (...) / 5° Pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, l'accord des opérateurs radars et de VOR lorsqu'il est requis, au titre de la sécurité de la navigation aérienne et de la sécurité météorologique, par les prescriptions fixées par l'arrêté ministériel pris en application de l'article L. 512-5 du code de l'environnement ". Le II de l'article 10 de ce décret dispose : " Le représentant de l'Etat dans le département : (...) 3° Sollicite les accords mentionnés à l'article 8, lorsque le dossier ne les comporte pas. Ces accords sont délivrés dans les deux mois. Ils sont réputés donnés au-delà de ce délai. Les désaccords sont motivés ". Son article 12 dispose : " I. - Le représentant de l'Etat dans le département rejette la demande d'autorisation unique en cas de désaccord consécutif aux consultations menées conformément aux 2° et 3° du II de l'article 10. / Ce rejet est motivé par l'indication des éléments mentionnés dans ce ou ces désaccords (...) ".

5. Il résulte des dispositions citées au point précédent que l'autorité administrative compétente pour délivrer une autorisation unique doit saisir de la demande les opérateurs radars et de radiophares omnidirectionnels très haute fréquence (VOR) au titre de la sécurité de la navigation aérienne, et qu'en cas de désaccord de ces services de sécurité de la navigation aérienne, l'autorité compétente est tenue de refuser l'autorisation sollicitée, en motivant son rejet par l'indication des éléments mentionnés dans ces désaccords.

6. Il résulte de la lecture même de l'arrêté en litige qu'il a repris l'intégralité des motifs exprimés par la direction générale de l'aviation civile dans son avis défavorable du 16 octobre 2018 au vu duquel le préfet a rejeté la demande de la pétitionnaire. Dès lors et en tout état de cause, l'exigence de motivation fixée par le texte précité n'impliquant pas que le préfet cite l'étude sur laquelle l'autorité consultée s'est elle-même fondée pour émettre son avis, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de l'arrêté doit être écarté.

S'agissant du moyen tiré de l'illégalité de l'avis défavorable émis le 16 octobre 2018 par la ministre en charge de l'aviation civile :

7. Aux termes de l'article R. 181-32 du code de l'environnement : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme : / 1° Le ministre chargé de l'aviation civile : / a) Pour ce qui concerne les radars primaires, les radars secondaires et les radiophares omnidirectionnels très haute fréquence (VOR), sur la base de critères de distance aux aérogénérateurs ; / b) Pour les autres aspects de la circulation aérienne, sur tout le territoire et sur la base de critère de hauteur des aérogénérateurs. / Ces critères de distance et de hauteur sont fixés par un arrêté des ministres chargés des installations classées et de l'aviation civile ; / (...) ".

8. En vertu de l'article 2 de l'arrêté du 30 juin 2020 susvisé, l'installation est implantée de façon à préserver la sécurité des vols d'aéronefs et à ne pas perturber de manière significative le fonctionnement des radars et des aides à la navigation utilisés en support de la navigation aérienne civile, et pour satisfaire ces exigences, les aérogénérateurs sont implantés, sauf accord écrit donné à l'exploitant par le ministre en charge de l'aviation civile, dans le respect des distances minimales d'éloignement fixées, s'agissant des radiophares omnidirectionnels très haute fréquence (VOR), à 15 kilomètres.

9. Il est constant que les trois aérogénérateurs projetés seraient implantés à moins de 5 kilomètres de la balise VOR conventionnelle de Boulogne située sur la commune de Bourthes, et s'ajouteraient ainsi à un nombre important d'éoliennes déjà installées dans un rayon de 15 kilomètres de cette balise, dont 9 à moins de 5 kilomètres, en méconnaissance des recommandations de l'Organisation de l'aviation civile internationale qui préconise, dans un document de septembre 2009, de n'autoriser aucun aérogénérateur à moins de 5 kilomètres d'un VOR, pas plus d'un entre 5 et 10 kilomètres et pas plus de cinq entre 10 et 15 kilomètres.

10. Pour apprécier la gêne occasionnée par le projet, la ministre en charge de l'aviation civile s'est appuyée sur une étude de sécurité portant sur la balise VOR conventionnelle de Boulogne, rédigée le 12 octobre 2018 par la direction des services de la navigation aérienne au sein de la direction générale de l'aviation civile. Sur la base de trois campagnes réalisées en mai 2009, juillet 2012 et novembre 2012 pour mesurer notamment le niveau de perturbation de cette balise VOR avant et après l'érection des neuf éoliennes les plus proches, cette étude a conclu à son fonctionnement dégradé en raison des éoliennes existantes, en relevant notamment que, s'agissant du radial de 100 °, la marge d'erreur sur les informations de positionnement que renvoie la balise passe de 0,7 ° à 2° en ce qui concerne le bruit de suivi de trajectoire (PFN) et de 1 ° à 1,5 ° en ce qui concerne le bruit sur les commandes de vol (CMN). Elle a précisé également que les réflexions des ondes sur différents obstacles pouvant s'additionner, les effets du nouveau parc envisagé derrière le parc existant des 9 éoliennes viendraient s'ajouter aux effets déjà constatés, entraînant une dégradation inacceptable du signal émis par la balise VOR.

11. La société requérante a produit pour sa part une étude réalisée par le bureau d'études Airbus Defence and Space GmbH à Brême. Il résulte de cette étude que l'erreur maximale d'angle de la balise VOR sera augmentée par rapport à l'erreur existante, même si cette augmentation est qualifiée de minime au motif qu'elle resterait dans les normes acceptables fixées par la direction des services de la navigation aérienne.

12. Cependant, la circonstance que l'erreur de la balise VOR ne dépasserait pas les seuils au-delà desquels existe un danger véritable pour la circulation des aéronefs n'empêche pas que le fonctionnement des radars et des aides à la navigation puisse être perturbé de manière significative par les éoliennes projetées. Dès lors, même avéré, le maintien des erreurs de la balise VOR sous les seuils tolérés par la direction des services de la sécurité aérienne ne suffit pas à établir que les aérogénérateurs projetés à une distance déconseillée par les préconisations de l' l'Organisation de l'aviation civile internationale et non conforme à celle fixée par l'arrêté du 30 juin 2020 ne perturberaient pas significativement le fonctionnement du VOR conventionnel de Boulogne, déjà dégradé par les perturbations d'un parc éolien qu'elles renforceraient et pérenniseraient.

13. Dans ces conditions et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction tendant à la production par la direction générale de l'aviation civile des résultats complets des campagnes de mesures en vol mentionnées dans l'étude de l'administration ainsi que de toutes les autres campagnes potentiellement intervenues depuis lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'avis défavorable émis par la direction générale de l'aviation civile le 16 octobre 2018 est entaché d'erreur d'appréciation.

12. Il résulte de ce qui précède que la société d'exploitation du parc éolien des trois courtils n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet du Pas-de-Calais a rejeté sa demande d'autorisation unique.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

13. Les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la société requérante, partie perdante, doivent être rejeté

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société d'exploitation du parc éolien des trois courtils est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Maître B... D... pour la société d'exploitation du parc éolien des trois courtils et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

N°19DA00438 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00438
Date de la décision : 26/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Hélène Busidan
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CABINET VOLTA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-01-26;19da00438 ?
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