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12/01/2021 | FRANCE | N°19DA02160

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 12 janvier 2021, 19DA02160


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er mars 2017 par lequel le maire d'Oissel-sur-Seine ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par M. B... G... pour la réalisation d'un mur d'ornement situé route des Essarts au lieu-dit " La Louve ".

Par un jugement n° 1800432 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté du 1er mars 2017.

Procédure devant la cour :

Par

une requête, enregistrée le 13 septembre 2019, et des mémoires enregistrés les 13 novembre et 11 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er mars 2017 par lequel le maire d'Oissel-sur-Seine ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par M. B... G... pour la réalisation d'un mur d'ornement situé route des Essarts au lieu-dit " La Louve ".

Par un jugement n° 1800432 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté du 1er mars 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2019, et des mémoires enregistrés les 13 novembre et 11 décembre 2020, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. G..., représenté par Me D... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. C... ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune d'Oissel-sur-Seine et de M. C... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 1er mars 2017, le maire de la commune d'Oissel-sur-Seine ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par M. G... pour la réalisation d'un mur d'ornement situé route des Essarts au lieu-dit " La Louve ". A la demande M. C..., propriétaire de la parcelle voisine de celle d'implantation de ce mur, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté par un jugement du 11 juillet 2019 dont M. G... fait appel.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

En ce qui concerne l'affichage sur le terrain :

2. Aux termes de l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme compris dans la section 1 " Dispositions applicables aux constructions nouvelles " du chapitre1er du livre IV de ce code : " En dehors des secteurs sauvegardés et des sites classés ou en instance de classement, les constructions nouvelles suivantes doivent être précédées d'une déclaration préalable, à l'exception des cas mentionnés à la sous-section 2 ci-dessus : (...) e) Les murs dont la hauteur au-dessus du sol est supérieure ou égale à deux mètres ; (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. ".

4. Aux termes de cet article R. 424-15 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. (...) ". Aux termes de l'article A. 42415 du même code : " L'affichage sur le terrain (...) de la déclaration préalable, prévu par l'article R. 424-15, est assuré par les soins du bénéficiaire du permis ou du déclarant sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 centimètres ". Aux termes de l'article A 424-16 de ce code, dans sa version applicable au litige : " Le panneau prévu à l'article A. 424-1 indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. / Il indique également, en fonction de la nature du projet : / a) Si le projet prévoit des constructions, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel (...) ".

5. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que le déclenchement du délai de recours contentieux ouvert contre la décision de non-opposition à la déclaration de travaux déposée par M. G..., qui portait sur la réalisation d'un mur d'une hauteur supérieure à 2 mètres, était subordonné à un affichage sur le terrain dans les conditions prévues par les dispositions citées au point 4.

6. En imposant que figurent sur le panneau d'affichage diverses informations sur les caractéristiques du projet, les dispositions citées au point 4 ont pour objet de permettre aux tiers, à la seule lecture de ce panneau, d'apprécier l'importance et la consistance du projet, le délai de recours contentieux ne commençant à courir qu'à la date d'un affichage complet et régulier.

7. Il s'ensuit que si les mentions prévues par l'article A. 424-16 du code de l'urbanisme doivent, en principe, obligatoirement figurer sur le panneau d'affichage, une erreur affectant l'une d'entre elles ne conduit à faire obstacle au déclenchement du délai de recours que dans le cas où cette erreur est de nature à empêcher les tiers d'apprécier l'importance et la consistance du projet. La circonstance qu'une telle erreur puisse affecter l'appréciation par les tiers de la légalité de la décision de non opposition à déclaration est, en revanche, dépourvue d'incidence à cet égard, dans la mesure où l'objet de l'affichage n'est pas de permettre par lui-même d'apprécier la légalité de l'autorisation de construire.

8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le panneau d'affichage mis en place par M. G... ne mentionnait pas la hauteur du mur projeté. Par suite, il ne permettait pas aux tiers, à sa seule lecture, d'apprécier l'importance et la consistance du projet.

9. Dans ces conditions, M. C... est fondé à soutenir que l'affichage de la décision de non opposition à déclaration préalable litigieuse n'a pas été de nature à faire courir le délai de recours contentieux de deux mois prévu à l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne la connaissance acquise :

10. D'une part, la circonstance alléguée que M. C..., en sa qualité de voisin, ne pouvait ignorer le projet, et notamment son importance, dès lors que le mur était déjà construit à la date de la décision litigieuse, ne permet pas de le regarder comme ayant eu une connaissance de l'existence de la décision de non-opposition qui aurait fait courir à son encontre le délai de recours contentieux et qui ferait obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir du caractère incomplet de l'affichage.

11. D'autre part, si le requérant produit une lettre du 10 mai 2017 d'un adjoint au maire de la commune d'Oissel-sur-Seine informant le conseil de M. C... de l'existence de l'arrêté attaqué, il ne démontre pas que ce dernier l'a effectivement reçue et ne peut dès lors se prévaloir à ce titre de la théorie de la connaissance acquise.

En ce qui concerne le principe de sécurité juridique :

12. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment par les tiers une décision de non-opposition à une déclaration préalable. Dans le cas où l'affichage de la déclaration, par ailleurs conforme aux prescriptions de l'article R. 424-15 du code de l'urbanisme, n'a pas fait courir le délai de recours de deux mois prévu à l'article R. 600-2, faute de mentionner ce délai conformément à l'article A. 424-17, un recours contentieux doit néanmoins, pour être recevable, être présenté dans un délai raisonnable à compter du premier jour de la période continue de deux mois d'affichage sur le terrain. En règle générale et sauf circonstance particulière dont se prévaudrait le requérant, un délai excédant un an ne peut pas être regardé comme raisonnable.

13. En l'espèce, le délai d'un an ayant couru à compter de l'affichage sur le terrain, à supposer cet affichage continu, de la décision attaquée datée du 1er mars 2017 n'était en tout état de cause pas expiré le 6 février 2018, date de l'enregistrement de la demande de M. C... devant le tribunal administratif de Rouen.

14. il résulte de ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que la demande de première instance présentée par M. C... était tardive.

Sur la légalité de la décision de non-opposition à la déclaration préalable :

En ce qui concerne les dispositions applicables au litige :

15. L'article R. 151-41 du code de l'urbanisme prévoit en son 2°, afin d'assurer l'insertion de la construction dans ses abords, la qualité et la diversité architecturale, urbaine et paysagère des constructions et la mise en valeur du patrimoine, que le règlement du plan local d'urbanisme peut " prévoir des dispositions concernant les caractéristiques architecturales des façades et toitures des constructions ainsi que des clôtures ". Son article R. 151-43 prévoit en son 8°, afin de contribuer à la qualité du cadre de vie, assurer un équilibre entre les espaces construits et les espaces libres et répondre aux enjeux environnementaux, que ce règlement peut " imposer pour les clôtures des caractéristiques permettant de préserver ou remettre en état les continuités écologiques ou de faciliter l'écoulement des eaux ".

16. Aux termes de l'article N11 du règlement du plan du plan local d'urbanisme d'Oissel-sur-Seine applicable en zone Nf : " Aspect extérieur des constructions et aménagements de leurs abords : / Les constructions doivent par leur situation, leur architecture, leurs dimensions et leur aspect extérieur respecter le caractère et l'intérêt des lieux avoisinants, des sites, des paysages naturels et urbains locaux (...) / 11.5 Clôtures / Tant en bordure des voies qu'entre les propriétés, les clôtures devront être conçues de manière à s'harmoniser avec la ou les constructions existantes sur la propriété et dans le voisinage immédiat. / La hauteur maximale des clôtures en front de rue est fixée à 1,70 mètre. (...) / En limite avec le domaine public, les clôtures devront s'harmoniser en priorité avec les autres clôtures et/ou les constructions existantes en front de rue dans l'environnement immédiat. / En limites séparatives sont également autorisés : / - les murs élevés dans les mêmes matériaux que la construction principale ou en maçonnerie traditionnelle (brique ou pierre) / (...) / - la hauteur maximale des clôtures est fixée à deux mètres, sauf dans le cas de prolongement de murs en maçonnerie traditionnelle existants. ".

17. D'une part, il résulte de ce qui précède que sont applicables aux clôtures, dont celles qui prennent la forme d'un mur, les seules dispositions du règlement d'un plan local d'urbanisme édictées spécifiquement pour régir leur situation, sur le fondement des articles R. 151-41 et R. 151-43 du code de l'urbanisme. En revanche, un mur qui est incorporé à une construction, alors même qu'il a la fonction de clore ou limiter l'accès à son terrain d'assiette, est soumis à l'ensemble des règles du règlement du plan local d'urbanisme applicables aux constructions.

18. D'autre part, un mur qui a pour fonction de fermer l'accès à tout ou partie d'une propriété peut constituer une clôture, alors même qu'il n'est pas implanté en limite de propriété. En l'espèce, le mur d'une longueur de 6 mètres qui fait l'objet de la décision en litige est implanté à seulement quelques dizaines de centimètres en retrait de la limite séparative, a pour fonction de fermer l'accès à une partie de la propriété de M. G... et constitue ainsi une clôture.

19. Il résulte de ce qui précède que sont applicables en l'espèce les seules dispositions du règlement du plan local d'urbanisme édictées spécifiquement pour régir la situation des clôtures, c'est-à-dire celles du 5 de l'article N11 du règlement du plan local d'urbanisme et non le premier alinéa de cet article.

20. Enfin, les dispositions du 5 de l'article N11 du règlement du plan local d'urbanisme ont pour objet de soumettre l'édification d'une clôture à des règles d'apparence extérieure et de hauteur afin qu'elle soit conçue de manière à s'harmoniser avec les constructions et clôtures existantes sur la propriété et dans le voisinage immédiat.

21. Compte tenu de la finalité de ces règles, la circonstance que le mur en cause se situe à quelques dizaines de centimètres en retrait de la limite séparative n'est pas de nature à faire échapper son édification aux dispositions de cet article relatives aux clôtures en limites séparatives.

En ce qui concerne l'application du 5 de l'article N11 du plan local d'urbanisme :

S'agissant des matériaux :

22. Il ressort des pièces du dossier que la construction principale située sur le terrain d'implantation du mur en cause est une maison d'habitation dont les murs sont constitués de béton et parpaings recouverts de faux colombages et de placage de briques.

23. Or le dossier de déclaration préalable s'est borné à indiquer que le mur sera couvert d'un " enduit couleur pierre façon pierre de taille (cf. photo) " et ce dernier document s'est référé à des parpaings, de sorte que la condition, à finalité esthétique, de construction " dans les mêmes matériaux que la construction principale ou en maçonnerie traditionnelle (brique ou pierre) " n'était pas remplie.

S'agissant de la hauteur :

24. En tout état de cause, le dossier de déclaration préalable a indiqué que le mur projeté aura une hauteur de 3 mètres et il ne ressort pas des pièces produites à l'instance que cet ouvrage se trouverait dans le prolongement d'un mur en maçonnerie traditionnelle existant, situation autorisant une hauteur de plus de 2 mètres.

25. En effet, d'une part, le mur litigieux, construit perpendiculairement au mur de front de rue existant même si celui-ci présente un petit décrochement, ne peut pas être regardé comme implanté dans le prolongement de ce dernier ouvrage.

26. D'autre part, eu égard à la finalité esthétique du 5 de l'article N11 du règlement du plan local d'urbanisme et au caractère sommaire de la finition de cet ouvrage, ce mur de front de rue ne peut pas être regardé comme édifié " en maçonnerie traditionnelle " au sens de cette disposition.

27. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions du 5 de l'article N11 du règlement du plan local d'urbanisme d'Oissel-sur-Seine.

28. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 1er mars 2017 par lequel le maire d'Oissel-sur-Seine ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par M. G....

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

29. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. G... réclame au titre des frais liés au litige.

30. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de M. G... une somme de 1 500 euros à verser à M. C... au titre des mêmes frais. Les conclusions présentées à l'encontre de la commune qui n'est pas partie perdante doivent en revanche être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.

Article 2 : M. G... versera une somme de 1 500 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de M. C... tendant à la condamnation de la commune d'Oissel-sur-Seine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... E... pour M. B... G..., à Me A... F... pour M. H... C... et à la commune d'Oissel-sur-Seine.

N°19DA02160 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02160
Date de la décision : 12/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SCP LENGLET MALBESIN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-01-12;19da02160 ?
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