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17/12/2020 | FRANCE | N°19DA02668

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 décembre 2020, 19DA02668


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 14 septembre 2017 par laquelle le préfet de la Somme a refusé de faire droit à la demande de regroupement familial qu'il avait formée afin d'obtenir l'autorisation d'être rejoint en France par sa première épouse et par deux de ses enfants nés d'une autre union, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Somme de procéder à un nouvel examen de sa demande de regroupement familial, enfin

, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 14 septembre 2017 par laquelle le préfet de la Somme a refusé de faire droit à la demande de regroupement familial qu'il avait formée afin d'obtenir l'autorisation d'être rejoint en France par sa première épouse et par deux de ses enfants nés d'une autre union, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Somme de procéder à un nouvel examen de sa demande de regroupement familial, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703599 du 11 octobre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 14 septembre 2017 du préfet de la Somme, a fait injonction à cette autorité de procéder à un nouvel examen de la demande de M. B... et a mis la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 décembre 2019 et le 31 janvier 2020, la préfète de la Somme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en toutes ses dispositions ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif d'Amiens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. La préfète de la Somme relève appel du jugement du 11 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé, pour excès de pouvoir, sa décision du 14 septembre 2017 refusant de faire droit à la demande que M. B..., ressortissant malien, avait formée afin d'obtenir l'autorisation d'être rejoint en France par sa première épouse et par deux de ses enfants nés d'une autre union, lui a fait injonction de procéder à un nouvel examen de cette demande et a mis la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2. En vertu de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par ce code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. L'article L. 411-2 du même code ajoute que le regroupement familial peut également être sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. Enfin, selon le premier alinéa de l'article L. 411-7 du même code, lorsqu'un étranger polygame réside en France avec un premier conjoint, le bénéfice du regroupement familial ne peut être accordé à un autre conjoint et, sauf si cet autre conjoint est décédé ou déchu de ses droits parentaux, ses enfants ne bénéficient pas non plus du regroupement familial.

3. Il résulte de l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui interdisent la délivrance ou prévoient le retrait de titres de séjour aux étrangers vivant en état de polygamie et à leurs conjoints que cette situation est au nombre des motifs d'ordre public susceptibles d'être pris en considération pour fonder un refus de regroupement familial. Toutefois, un tel refus ne peut légalement être opposé pour la venue d'un conjoint que lorsqu'elle conduirait l'étranger à vivre en France en situation de polygamie. En outre, lorsqu'un premier conjoint est autorisé à rejoindre l'intéressé en France, l'administration est légalement fondée à refuser la venue en France des enfants d'un autre conjoint, sauf si ce dernier est décédé ou déchu de ses droits parentaux.

4. Il ressort des motifs mêmes de la décision du 14 septembre 2017 en litige que, pour refuser de faire droit à la demande de regroupement familial que M. B... avait formée, le préfet de la Somme a retenu que cette demande, qui concernait la première épouse de l'intéressé, ainsi que deux enfants nés d'un deuxième mariage contracté par celui-ci dans le cadre du régime de polygamie applicable dans son pays d'origine, n'avait pas pour objet de restaurer l'unité familiale, dès lors que, à supposer même que l'intéressé soit effectivement divorcé d'avec sa deuxième épouse, le jugement de divorce produit, ni aucune autre pièce du dossier, n'établissait que cette dernière était déchue de ses droits parentaux.

5. A supposer même que le jugement de divorce produit par M. B..., et dont la préfète de la Somme conteste l'authenticité, soit de nature à établir que l'intéressé était effectivement divorcé, à la date de la décision de refus de regroupement familial, de sa deuxième épouse, aucune des mentions de ce jugement ne fait état de ce que cette dernière serait déchue de ses droits parentaux sur les deux enfants concernés par la demande de regroupement familial. A cet égard, si M. B... verse au dossier une attestation établie par sa deuxième épouse, selon laquelle celle-ci autorise ses deux enfants à rejoindre leur père en France, l'intéressée ne peut être regardée comme ayant entendu, par ce document, renoncer à exercer ses droits parentaux à l'égard de ces enfants. Enfin, aucune des pièces versées au dossier n'est de nature à établir que le premier mariage contracté par M. B... aurait été dissous à la date de la décision contestée. Au demeurant, le livret de famille de ce dernier, dont il a versé des extraits au dossier, révèle qu'il est le père d'un enfant né d'un troisième mariage, dont il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'il aurait été dissous. Dans ces conditions, le préfet de la Somme a pu, sans faire une inexacte application des dispositions, citées au point 2, de l'article L. 411-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser de faire droit à la demande de regroupement familial présentée par M. B..., au motif que celle-ci ne permettait pas de restaurer en France l'unité familiale. Il suit de là que la préfète de la Somme est fondée à soutenir que, pour annuler la décision du 14 septembre 2017 prononçant ce refus, le tribunal administratif d'Amiens a retenu à tort que cette décision, prise dans une situation dans laquelle l'intéressé, divorcé d'une de ses deux épouses, ne pouvait être regardé comme polygame, procédait d'une erreur de droit.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif d'Amiens et devant la cour.

7. Ainsi qu'il a été dit au point 4, la décision du 14 septembre 2017 refusant d'accorder à M. B... l'autorisation de regroupement familial qu'il sollicitait est exclusivement fondée sur le motif tiré de ce que cette demande, formée par un étranger en faveur de sa première épouse et de deux enfants issus d'un deuxième mariage, n'avait pas pour objet de restaurer l'unité familiale en France. En revanche, il ne ressort d'aucun des motifs de cette décision que le préfet de la Somme aurait constaté que le dossier de demande de regroupement familial déposé par M. B... aurait été incomplet. Par suite, le moyen tiré par l'intéressé de ce que cette décision aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière au regard de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu'il n'a pas été invité par l'administration à produire les éléments ou pièces qui seraient manquantes pour l'appréciation de sa situation, ne peut qu'être écarté.

8. Pour les motifs énoncés au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour retenir que la demande de regroupement familial formée par M. B..., afin d'être autorisé à être rejoint par sa première épouse et par deux des enfants nés de son union avec sa deuxième épouse, n'avait pas pour objet de restaurer l'unité familiale, le préfet de la Somme se soit mépris dans l'appréciation, à laquelle il s'est livré, de la situation de l'intéressé au regard des dispositions, citées au point 2, des articles L. 411-2 et L. 411-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Somme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 14 septembre 2017 refusant d'accorder à M. B... l'autorisation de regroupement familial qu'il sollicitait, lui a fait injonction de procéder à un nouvel examen de cette demande de regroupement familial et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dès lors, la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif d'Amiens doit être rejetée. Il en est de même, par voie de conséquence, des conclusions que l'intéressé présente en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1703599 du 11 octobre 2019 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif d'Amiens et les conclusions qu'il a formulées en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Copie en sera transmise à la préfète de la Somme.

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N°19DA02668


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02668
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : AARPI QUENNEHEN - TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-12-17;19da02668 ?
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