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17/12/2020 | FRANCE | N°18DA01152

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 décembre 2020, 18DA01152


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Sedex a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la remise en cause de son droit à déduction d'une somme de 56 000 euros, portée sur la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a souscrite au titre du mois de mars 2012.

Par un jugement n° 1601510 du 12 avril 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa dema

nde.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 juin ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Sedex a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la remise en cause de son droit à déduction d'une somme de 56 000 euros, portée sur la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a souscrite au titre du mois de mars 2012.

Par un jugement n° 1601510 du 12 avril 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 juin 2018 et le 20 mars 2019, la SELARL Sedex, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe résultant de la remise en cause de son droit à déduction d'une somme de 56 000 euros, portée sur la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a souscrite au titre du mois de mars 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... A..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SELARL Sedex, qui est une société d'avocats, a porté, sur sa déclaration de taxe sur la valeur ajoutée souscrite au titre du mois de mars 2012, une somme de 56 000 euros correspondant, selon elle, à une créance de taxe sur la valeur ajoutée. Remettant en cause cette déduction, l'administration a mis en recouvrement, le 15 février 2016, un rappel de taxe sur la valeur ajoutée de même montant en droits au titre de la période correspondant à l'année 2012, assorti de la majoration de 40 % pour manquement délibéré et des intérêts de retard. La SELARL Sedex relève appel du jugement du 12 avril 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition et de ces pénalités.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'existence d'une double vérification de comptabilité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. ".

3. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue de la vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, dont la SELARL Sedex a fait l'objet du 15 avril 2014 au 18 novembre 2014, le service a remis en cause la déductibilité de la somme de 56 000 euros, correspondant à une créance de taxe sur la valeur ajoutée inscrite par cette société en comptabilité au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2011 et portée sur sa déclaration de taxe sur la valeur ajoutée souscrite au titre du mois de mars 2012. Par une proposition de rectification en date du 8 décembre 2014, l'administration a notifié à la SELARL Sedex un rappel de taxe sur la valeur ajoutée de même montant, au titre de la période correspondant à l'année 2011. Ce rappel, mis en recouvrement le 24 août 2015, a été abandonné par une décision du 21 octobre 2015 prononçant l'admission partielle de la réclamation contentieuse formée par la SELARL Sedex le 27 août 2015. Par une nouvelle proposition de rectification, adressée à la SELARL Sedex le 10 novembre 2015, le service a informé cette société que, à supposer que la somme de 56 000 euros corresponde effectivement à la créance de taxe sur la valeur ajouté dont elle se prévalait dans sa réclamation du 27 août 2015, au titre des périodes correspondant aux années 2000 à 2003, les dispositions du deuxième alinéa du I de l'article 208 du code général des impôts faisaient obstacle à ce que cette créance soit régularisée sur une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée déposée au-delà d'un délai expirant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle le droit à déduction était né. Un rappel de taxe sur la valeur ajoutée réclamé, en conséquence, à la SELARL Sedex au titre de la période correspondant à l'année 2012, objet du présent litige, a été mis en recouvrement par un avis en date du 15 février 2016, et confirmé par la décision, en date du 29 mars 2016, rejetant la réclamation formée par cette société le 9 mars 2016.

4. Il s'ensuit que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée contesté est fondé sur des éléments recueillis par le service, d'une part, au cours de la vérification de comptabilité qui s'est déroulée du 15 avril 2014 au 18 novembre 2014 et, d'autre part, à l'occasion de l'examen de la réclamation présentée par la SELARL Sedex le 27 août 2015. Ainsi, le moyen tiré par la société requérante, qui ne fait état d'aucune vérification de comptabilité ultérieure, de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, manque en fait.

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut d'information quant à l'intention de l'administration d'établir une imposition sur des bases initialement dégrevées :

5. Il résulte des dispositions du livre des procédures fiscales relatives tant à la procédure de redressement contradictoire qu'aux procédures d'imposition d'office, et, en particulier de celles des articles L. 57 et suivants et de l'article L. 75 de ce livre, que l'administration, après avoir prononcé le dégrèvement d'une imposition, ne peut établir, sur les mêmes bases, une nouvelle imposition sans avoir, préalablement, informé le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer.

6. Ainsi qu'il a été dit au point 3, l'administration, après avoir prononcé, le 21 octobre 2015, le dégrèvement du rappel de taxe, d'un montant de 56 000 euros, réclamé à la SELARL Sedex au titre de la période correspondant à l'année 2011, lui a, par l'avis de mise en recouvrement en date du 15 février 2016, adressé un rappel de taxe sur la valeur ajoutée de même montant, au titre de la période correspondant à l'année 2012. Ce second rappel de taxe sur la valeur ajoutée est consécutif à la nouvelle procédure de rectification, engagée après le dégrèvement et dans le délai de reprise, par l'envoi de la proposition de rectification en date du 10 novembre 2015. La SELARL Sedex ne conteste pas, en tant que telle, la régularité de cette nouvelle procédure de rectification. En outre, par la proposition de rectification du 10 novembre 2015, l'administration a informé la SELARL Sedex de son intention de mettre en recouvrement un nouveau rappel de taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas informé cette société de la persistance de son intention de l'imposer doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition contestée :

7. Aux termes de l'article 270 du code général des impôts : " I. - La taxe sur la valeur ajoutée est liquidée au vu des déclarations souscrites par les assujettis dans les conditions prévues à l'article 287. / Elle frappe les sommes imposables et l'ensemble des éléments servant à la liquidation (...) ". Aux termes du I de l'article 271 de ce code : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 208 de l'annexe II au même code : " 1. Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission (...) ".

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la créance de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 56 000 euros, mentionnée par la SELARL Sedex sur sa déclaration de taxe souscrite au titre du mois de mars 2012, se rapporte aux suites d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 2000 au 31 mars 2003, dont cette société avait fait l'objet. Pour justifier du bien-fondé de cette créance, la SELARL Sedex se réfère, dans ses écritures, à un courrier qu'elle a adressé à l'administration le 11 juillet 2011.

9. D'une part, il résulte de l'instruction, en particulier des explications, non sérieusement contestées, données par l'administration en défense, que la créance de taxe sur la valeur ajoutée dont se prévaut la SELARL Sedex correspond, d'abord, à hauteur de 15 760 euros, à de la taxe déductible admise par le service en compensation de la taxe sur la valeur ajoutée collectée et non reversée par la société à l'issue de la vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2000 au 31 mars 2003 mentionnée au point précédent. Par ailleurs, si la société requérante se prévaut d'un dégrèvement de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 7 622 euros, prononcée, selon elle, par la commission des impôts à la suite de ce même contrôle, il résulte des précisions données par l'administration que cette somme correspond en réalité aux bases d'un rappel de taxe, d'un montant de 1 301,93 euros, initialement envisagé par le service à l'issue de la même vérification de comptabilité, et dont l'abandon a été porté à la connaissance de cette commission. Il n'est, en outre, pas soutenu par la société requérante qu'à la suite d'erreurs de liquidation, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge à l'issue de ce contrôle n'aurait pas tenu compte de cette compensation et de cet abandon du rehaussement des bases de la taxe dont elle était redevable. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutient la SELARL Sedex, que la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé certains frais de réception, à hauteur de 2 607 euros, remise en cause par le service au cours de la même vérification de comptabilité, aurait été admise par le juge de l'impôt. Il s'ensuit, en tout état de cause, que l'administration, à qui la charge de la preuve incombe dès lors que la SELARL Sedex avait contesté les impositions notifiées par la proposition de rectification du 10 novembre 2015, doit être regardée comme établissant que cette société ne bénéficiait pas, dans cette mesure, de la créance de taxe sur la valeur ajoutée alléguée lorsqu'elle a procédé à son imputation sur la taxe dont elle était redevable au titre du mois de mars 2012.

10. D'autre part, il résulte également des explications, non sérieusement contestées, données par l'administration en défense, que le trop-payé de taxe sur la valeur ajoutée dont se prévaut la SELARL Sedex au titre des exercices clos en 2001 et 2003, pour un montant total de 6 411,00 euros, a fait l'objet au cours de l'année 2005 d'un dégrèvement d'office prononcé par l'administration en réponse à la réclamation formée par cette société sur les impositions supplémentaires mises à sa charge à la suite de la vérification de comptabilité, mentionnée au point 8, portant sur la période du 1er janvier 2000 au 31 mars 2003. Les conditions dans lesquelles il a été procédé au traitement comptable du dégrèvement dont la société requérante a ainsi bénéficié ne peuvent avoir d'incidence que sur l'obligation de payer mise à la charge de la SELARL Sedex, au sens des dispositions de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales relatives au contentieux du recouvrement de l'impôt. Elles ne sauraient, dès lors, être prises en compte dans le cadre du présent litige, qui porte sur la détermination des sommes imputables sur la taxe sur la valeur ajoutée due par cette société, en tant qu'assujettie à la taxe, au titre du mois de mars 2012. Il en va de même des erreurs d'imputation comptable du chèque de 7 625 euros, remis par cette société au comptable public pour le règlement de la taxe dont elle était redevable au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 janvier 2002.

11. En second lieu, la SELARL Sedex a fait valoir, dans son courrier en date du 11 juillet 2011, qu'elle était créditrice, à hauteur de 17 749 euros, de taxe sur la valeur ajoutée dont le droit à déduction était né au cours des années 1997 à 2002. Toutefois, en vertu des dispositions précitées de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, cette taxe ne pouvait être admise en déduction, y compris par voie de compensation, qu'à la condition de figurer sur des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée déposées avant la fin de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle le droit à déduction était né, soit, en toute hypothèse, antérieurement au dépôt de sa déclaration de taxe au titre du mois de mars 2012. Ni les litiges relatifs aux droits à déduction de taxe sur la valeur dont se prévaut la SELARL Sedex, alors éventuellement en cours devant le juge de l'impôt, ni l'inscription de la créance alléguée au bilan de l'exercice qu'elle a clos en 2011, n'ont pu avoir pour effet de prolonger ce délai.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

13. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % prévue par ces dispositions, l'administration s'est fondée, d'une part, sur l'activité juridique exercée par la SELARL Sedex et, d'autre part, sur ce que la créance de 56 000 euros invoquée par cette société correspondait en réalité à la somme dont elle avait demandé le remboursement par un courrier, en date du 11 juillet 2011, qui a donné lieu, le 5 décembre 2011, à une décision de rejet. Compte tenu de sa qualité de professionnelle du droit et de ce que le recours contentieux qu'elle avait formé contre la décision du 5 décembre 2011 devant le tribunal administratif d'Amiens était encore pendant, le fait pour la société requérante d'avoir porté cette somme en déduction sur la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a souscrite au titre du mois de mars 2012 et, ainsi, d'avoir minoré le montant de la taxe dont elle était redevable au titre de ce mois, manifeste, dans les circonstances de l'espèce, sa volonté délibérée de manquer à ses obligations fiscales. L'administration était, par suite, fondée à assortir le rappel de taxe sur la valeur ajoutée réclamé à la SELARL Sedex, au titre de la période correspondant à l'année 2012, de cette majoration, par ailleurs suffisamment motivée dans la proposition de rectification du 10 novembre 2015.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Sedex n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'imposition et des pénalités en litige. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par la SELARL Sedex au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SELARL Sedex est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Sedex et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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No18DA01152


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01152
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Garanties accordées au contribuable.

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Compensation.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : ROUMIER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-12-17;18da01152 ?
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