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17/12/2020 | FRANCE | N°18DA00280

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 décembre 2020, 18DA00280


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... et Mme C... H... ont demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de condamner solidairement la communauté de communes Opale sud et la commune de Rang-du-Fliers, d'une part, à leur verser une somme de 149 021,84 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la requête avec capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices consécutifs aux travaux d'aménagement du site de la gare de Rang-du-Fliers, d'autre part, à leur verser une provision de 50 000 eur

os à valoir sur la condamnation que le tribunal prononcera.

Par un jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... et Mme C... H... ont demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de condamner solidairement la communauté de communes Opale sud et la commune de Rang-du-Fliers, d'une part, à leur verser une somme de 149 021,84 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la requête avec capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices consécutifs aux travaux d'aménagement du site de la gare de Rang-du-Fliers, d'autre part, à leur verser une provision de 50 000 euros à valoir sur la condamnation que le tribunal prononcera.

Par un jugement n°1502889 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande, a mis à leur charge le versement d'une somme de 800 euros à la communauté de communes Opale sud et à la commune de Rang-du-Fliers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le versement d'une somme de 800 euros à la société Verdi Ingénierie Nord sur le fondement des mêmes dispositions, a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les appels réciproques en garantie présentés par la commune de Rang-du-Fliers, par la communauté d'agglomération des deux baies en Montreuillois, par la société Verdi Ingénierie Nord et par la société Colas Nord Picardie et a rejeté les conclusions présentées par la société Colas Nord Picardie au titre des frais non compris dans les dépens de l'instance.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 février 2018, le 4 juillet 2018, le 21 septembre 2018 et le 23 janvier 2019, M. F... et Mme H..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner solidairement la communauté de communes Opale sud et la commune de Rang-du-Fliers à leur verser une somme de 199 021,84 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices résultant des travaux entrepris du 9 juillet 2014 au 19 décembre 2014 sur le site de la gare de Rang-du-Fliers ;

3°) de condamner tout opérateur qui serait appelé en garantie au même montant ;

4°) de mettre à la charge des parties succombantes une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

M. F... et Mme H... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 25 % par une décision du 30 janvier 2018.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Christophe Binand, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- les observations de Me I..., substituant Me A..., pour M. F... et Mme H...,

- les observations de Me D... pour la société Colas Nord Est,

- et les observations de Me E..., substituant Me G..., pour la société Verdi Ingénierie Nord.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... et Mme H... exploitent un commerce dénommé " Buvette de la gare ", situé à proximité de la gare ferroviaire de la commune de Rang-du-Fliers. Estimant que leur commerce avait subi une baisse notable de son chiffre d'affaires imputable aux difficultés d'accès pour sa clientèle occasionnées tant par les travaux de réaménagement des abords de la gare ferroviaire effectués, du 9 juillet au 3 décembre 2014, sous la maîtrise d'ouvrage de la communauté de communes Opale sud, que, de façon durable, par les aménagements issus de ces travaux, ils ont saisi la commune de Rang-du-Fliers et la communauté de communes Opale sud d'une demande d'indemnisation qui a été implicitement rejetée. M. F... et Mme H... relèvent appel du jugement du 21 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Rang-du-Fliers et de la communauté d'agglomération des deux baies en Montreuillois, venue aux droits, depuis le 1er janvier 2017, de la communauté de communes Opale sud, à leur verser une somme de 199 021,84 euros en réparation des préjudices à caractère économique et moral qu'ils estiment avoir subis du fait de ces travaux.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Rang-du-Fliers et par la communauté d'agglomération des deux baies en Montreuillois :

2. Devant les premiers juges, Mme H... et M. F... n'ont recherché la responsabilité de la commune de Rang-du-Fliers et de la communauté d'agglomération des deux baies en Montreuillois que sur le terrain de la responsabilité sans faute. Dès lors, le moyen, présenté pour la première fois en cause d'appel, tiré de la faute que le maire de Rang-du-Fliers aurait commise dans l'exercice de son pouvoir de police de la circulation est fondé sur une cause juridique distincte et constitue, ainsi que le font valoir à bon droit les défenderesses dont la condamnation est recherchée solidairement, une demande nouvelle irrecevable.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Les premiers juges, en ne répondant pas au moyen tiré de la faute qu'aurait commise le maire de Rang-du-Fliers dans l'exercice de son pouvoir de police, n'ont pas entaché le jugement attaqué d'une insuffisance de motivation dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point précédent, ce moyen n'était pas soulevé devant eux. Ils n'ont pas davantage entaché ce jugement d'une irrégularité en n'écartant pas explicitement le moyen tiré de ce que la responsabilité de la commune était engagée, même sans faute, à raison de l'exercice par le maire de son pouvoir de police, dès lors que les demandeurs rapportaient leur préjudice non pas aux conditions dans lesquelles le maire avait pu réglementer la circulation et le stationnement des véhicules aux abords de la gare, mais seulement aux conséquences dommageables, qu'elles soient temporaires ou permanentes, des travaux publics réalisés, en se prévalant expressément à cet effet de la qualité de tiers à ces travaux. Par suite, les moyens tirés par M. F... et Mme H... des irrégularités dont le jugement attaqué serait entaché doivent être écartés.

Sur la responsabilité :

4. D'une part, même en l'absence de faute, le maître de l'ouvrage est responsable vis-à-vis des riverains des voies publiques, qui ont la qualité de tiers, des dommages causés par l'exécution des travaux publics d'aménagement ou de réfection des voies publiques. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Toutefois, les riverains des voies publiques sont tenus de supporter, sans contrepartie, les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général. D'autre part, les mesures de police peuvent ouvrir droit à réparation sur le fondement du principe de l'égalité devant les charges publiques dès lors qu'elles engendrent, pour un administré, un préjudice suffisamment grave et spécial. Dans tous les cas il appartient à la victime d'établir la réalité de son préjudice ainsi que l'existence d'un lien de causalité entre ce préjudice et le fait de la personne publique dont la responsabilité est recherchée.

5. Pour rechercher la responsabilité de la commune de Rang-du-Fliers et de la communauté d'agglomération des deux baies en Montreuillois, M. F... et Mme H... font valoir qu'ils ont subi un préjudice financier grave et spécial du fait de la diminution de la clientèle de leur établissement consécutive, selon eux, d'une part aux travaux d'aménagement réalisés sur la place de la gare de juillet à décembre 2014 par la communauté de communes Opale sud, lesquels auraient rendu difficile l'accès de la clientèle et auraient entraîné de multiples gênes et nuisances, d'autre part, aux nouveaux aménagements relatifs au stationnement des véhicules et au cheminement piétonnier, qui éloigneraient la clientèle de leur établissement. Ils soutiennent, en outre, que le préjudice engendré tant par la décision de la communauté de communes de mener cette opération d'aménagement que par le maire de Rang-du-Fliers d'édicter les mesures de police attachées à sa mise en oeuvre, leur ouvre un droit à réparation sur le fondement du principe de l'égalité devant les charges publiques.

En ce qui concerne les dommages procédant de l'exécution des travaux :

6. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté municipal du 23 juin 2014, la circulation et le stationnement ont été réglementés avenue Jean Moulin, au droit du chantier d'aménagement du " Pôle Gare ", pour la période du 9 juillet au 19 décembre 2014. Cet arrêté prévoyait notamment que " l'accessibilité à la gare et à la buvette depuis l'avenue Jean Moulin devra toujours être assurée quelle que soit la phase du chantier en cours ". Ainsi que les premiers juges l'ont relevé, cette obligation de maintenir un accès permanent pour les piétons à la " Buvette de la gare " figurait également dans les documents contractuels applicables à l'exécution des travaux confiés à l'entreprise Colas Nord-Est sous la maîtrise d'oeuvre du cabinet Verdi Ingénierie. En outre, ces travaux ont été réalisés en trois phases dont seule la deuxième, qui s'est déroulée en septembre et octobre 2014, a concerné les abords de l'établissement exploité par les requérants. Si le procès-verbal de constat d'huissier dressé le 3 novembre 2014 à la demande de M. F... et Mme H... établit, il est vrai, qu'une barrière bloquait, ce jour-là, l'accès des piétons à la " Buvette de la gare ", ce constat relève également, toutefois, la mise en place d'un cheminement destiné aux piétons réalisé à l'aide de barrières métalliques, ainsi que la présence, à plusieurs endroits de ce cheminement, d'une signalétique indiquant l'itinéraire pour l'accès à la gare et à la " Buvette de la gare ". Il n'est pas contesté que l'accès piétonnier, dont l'interruption était imputable selon le maître d'ouvrage, à une erreur de l'entreprise en charge de l'exécution des travaux, a été rétabli au plus tard le 12 novembre 2014. Ni les articles de presse relatant les déclarations des intéressés ni les photographies produites au dossier, dont l'examen montre seulement que pendant les travaux l'accès à la " Buvette de la gare " était difficile, ne permettent d'établir que tout accès effectif à cet établissement était, pour autant, devenu impossible, ni même excessivement difficile, depuis le 17 octobre 2014, comme ils le soutiennent. Il en est de même des restrictions de stationnement des véhicules durant les travaux aux abords de cet établissement. Enfin, les requérants ne justifient pas que la décision de cesser leur activité du 17 octobre 2014 au 31 décembre 2014, soit après l'achèvement de la deuxième phase des travaux, aurait été la conséquence directe, comme ils l'allèguent, d'une impossibilité d'accès de la clientèle à leur établissement. En outre, si les attestations d'experts-comptables produites par Mme H... et M. F... établissent une baisse sensible de chiffre d'affaires intervenue sur la période du 1er septembre au 17 octobre 2014 par rapport à la même période de l'année 2013, cette baisse, enregistrée sur une période brève et avec pour seul élément de comparaison l'année précédente, n'a pas excédé les sujétions que les riverains des voies publiques sont tenus de supporter sans indemnité.

7. Il s'ensuit que Mme H... et M. F..., à défaut de justifier d'un préjudice grave et spécial, ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de la communauté d'agglomération des deux baies en Montreuillois et de la commune de Rang-du Fliers à raison de l'exécution des travaux en cause.

En ce qui concerne les dommages permanents de travaux publics :

8. Mme H... et M. F... soutiennent que les aménagements de stationnement réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la communauté d'agglomération des deux baies en Montreuillois sont à l'origine de la perte durable de clientèle qui les a conduits à cesser définitivement leur activité le 28 août 2015. Toutefois, il résulte de l'instruction que les travaux réalisés, s'ils ont réduit le nombre de places de stationnement des véhicules sur le parking en face de " la Buvette de la gare ", ont toutefois permis d'augmenter le nombre de places de stationnement disponibles gratuitement dans l'environnement immédiat de ce commerce. Il n'est pas établi que ces aménagements, en dépit des nouveaux cheminements piétonniers et de circulation automobile qui en sont issus, auraient rendu l'accès à la " Buvette de la gare " plus difficile pour la clientèle ou auraient diminué sa visibilité depuis la voie publique ou la gare.

9. Dans ces conditions, les requérants, qui, par ailleurs, ne contestent pas la présence d'un commerce concurrent à proximité de leur établissement, n'établissent pas l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et les modifications de voirie intervenues.

En ce qui concerne la responsabilité pour rupture d'égalité devant les charges publiques :

10. Dans les circonstances exposées aux quatre points précédents, les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir que la communauté d'agglomération des deux baies en Montreuillois, en décidant de réaménager le parvis de la gare, ou le maire de Rang-du-Fliers, en édictant des mesures de police de la circulation dans le cadre de cette opération, leur auraient causé un préjudice suffisamment grave et spécial de nature à caractériser une rupture d'égalité devant les charges publiques.

11 Il résulte de tout ce qui précède que Mme H... et M. F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Le présent arrêt ne prononçant aucune condamnation à l'encontre de la société Colas Nord Est, dont la responsabilité n'est d'ailleurs recherchée par aucune des parties au litige, l'appel en garantie présenté par cette société contre la société Verdi Ingénierie Nord ne peut être que rejeté. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à la mise à la charge de la commune de Rang-du-Fliers et de la communauté d'agglomération des deux baies en Montreuillois, qui ne sont pas les parties perdantes, de la somme que M. F... et Mme H... ainsi que la société Colas Nord Est demandent sur leur fondement. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de de mettre à la charge des requérants les sommes que la commune de Rang-du-Fliers et la communauté d'agglomération des deux baies en Montreuillois, la société Verdi Ingénierie Nord ainsi que la société Colas Nord Est demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... et de Mme H... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel en garantie présentée par la société Colas Nord Est sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune de Rang-du-Fliers, par la communauté d'agglomération des deux baies en Montreuillois, par la société Verdi Ingénierie Nord et par la société Colas Nord Est sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F..., à Mme C... H..., à la commune de Rang-du-Fliers, à la communauté d'agglomération des deux baies en Montreuillois, à la société Verdi Ingénierie Nord, à la société Colas Nord Est.

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N°18DA00280


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00280
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Voies de recours - Appel - Moyens recevables en appel - Ne présentent pas ce caractère - Cause juridique distincte.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute - Responsabilité fondée sur l'égalité devant les charges publiques.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute - Responsabilité encourue du fait de l'exécution - de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics - Victimes autres que les usagers de l'ouvrage public - Tiers.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère direct du préjudice - Absence.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère spécial et anormal du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christophe Binand
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP PILLE - HAQUETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-12-17;18da00280 ?
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