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15/12/2020 | FRANCE | N°19DA01463

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 15 décembre 2020, 19DA01463


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Vents des Champs a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 7 mars 2017 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer l'autorisation unique de construire et d'exploiter un parc éolien, composé de six aérogénérateurs et d'un poste de livraison, situé sur le territoire de la commune de Maucourt.

Par un jugement n° 1702190 du 9 avril 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 juin 2019 et le 8 juillet 2020, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Vents des Champs a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 7 mars 2017 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer l'autorisation unique de construire et d'exploiter un parc éolien, composé de six aérogénérateurs et d'un poste de livraison, situé sur le territoire de la commune de Maucourt.

Par un jugement n° 1702190 du 9 avril 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 juin 2019 et le 8 juillet 2020, la société Vents des Champs, représentée par Me D... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 mars 2017 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer l'autorisation unique de construire et d'exploiter un parc éolien, composé de six aérogénérateurs et d'un poste de livraison, situé sur le territoire de la commune de Maucourt ;

3°) de délivrer l'autorisation sollicitée assortie, le cas échéant, des prescriptions nécessaires à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

4°) subsidiairement, dans le délai de deux mois après la notification de l'arrêt à intervenir, d'enjoindre au préfet de procéder à cette délivrance ou, à défaut, de prendre une nouvelle décision sur la demande d'autorisation, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son bénéfice de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... C...,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me F... E..., représentant la société Vents des Champs.

Une note en délibéré présentée par La société Vents des Champs a été enregistrée le 25 novembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Sur le fondement des dispositions de l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, le préfet de la Somme a, par arrêté du 7 mars 2017, refusé de délivrer à la société Vents des Champs l'autorisation unique de construire et d'exploiter sur le territoire de la commune de Maucourt un parc éolien composé de six aérogénérateurs et d'un poste de livraison. La société Vents des Champs relève appel du jugement rendu le 9 avril 2019, par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le cadre juridique du litige :

2. D'une part, l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement a prévu que, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, plusieurs types de projets, notamment les projets d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumises à autorisation au titre de l'article L. 5121 du code de l'environnement, seraient autorisés par un arrêté préfectoral unique dénommé " autorisation unique ", celle-ci valant autorisation au titre de l'article L. 5121 du code de l'environnement et, le cas échéant, permis de construire au titre de l'article L. 4211 du code de l'urbanisme, autorisation de défrichement au titre des articles L. 21413 et L. 3413 du code forestier, autorisation d'exploiter au titre de l'article L. 3111 du code de l'énergie, approbation au titre de l'article L. 32311 du même code et dérogation au titre du 4° de l'article L. 4112 du code de l'environnement.

3. Sur le fondement de ces dispositions, le décret du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement a fixé le contenu du dossier de demande d'autorisation unique et les modalités de son instruction ainsi que de sa délivrance par le préfet.

4. D'autre part, les dispositions de l'ordonnance du 26 janvier 2017, codifiées aux articles L. 1811 et suivants du code de l'environnement, ont institué une autorisation environnementale dont l'objet est de permettre qu'une décision unique tienne lieu de plusieurs décisions auparavant distinctes dans les conditions qu'elles précisent.

5. L'article 15 de cette ordonnance a précisé les conditions de son entrée en vigueur : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 1812 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; (...) ". Sous réserve des dispositions de cet article 15, l'article 16 de la même ordonnance abroge les dispositions de l'ordonnance du 20 mars 2014 relatives à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement.

6. En vertu de l'article L. 18117 du code de l'environnement issu de l'article 1er de l'ordonnance du 26 janvier 2017 et applicable depuis le 1er mars 2017, l'autorisation environnementale est soumise, comme l'autorisation unique l'était avant elle ainsi que les autres autorisations mentionnées au 1° de l'article 15 de cette même ordonnance, à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient, dès lors, au juge du plein contentieux d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle l'autorité administrative statue sur cette demande et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué et du refus en litige :

7. Pour rejeter la demande de la société Vents des Champs tendant à l'annulation du refus opposé à son projet, le tribunal administratif a estimé que le motif principal tiré par le préfet des dangers et inconvénients présentés par le projet au regard de la protection du paysage était fondé et qu'il justifiait à lui seul le refus opposé par le préfet à la demande d'autorisation unique présentée par la société Vents des Champs.

8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ".

9. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel ou urbain de nature à fonder un refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou urbain sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

En ce qui concerne la qualité du site :

10. Il résulte des pièces du dossier que le plateau du Santerre dans lequel s'insère le projet présente un intérêt paysager limité, dès lors qu'il se caractérise par de vastes étendues de cultures à champs ouverts traversées d'axes routiers et autoroutiers dont certains particulièrement fréquentés ainsi que de liaisons ferroviaires et ponctuées de plusieurs éléments hauts comme des silos et des pylônes. L'intérêt présenté par ce paysage tient ainsi à son caractère ouvert et cette caractéristique peut justifier, au regard des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement et en fonction de l'atteinte portée par un projet soumis à autorisation, un refus de l'autorisation sollicitée.

En ce qui concerne l'impact du projet :

11. D'une part, il résulte des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté par l'appelante, que, comme l'a relevé le préfet dans l'arrêté en litige, 215 éoliennes déjà construites ou autorisées se trouvent dans les périmètres immédiat, rapproché, intermédiaire ou éloigné de l'aire d'implantation du parc éolien du Santerre, soit dans un périmètre de 20 kilomètres. Plus précisément, l'étude d'impact et les cartes qui y sont incluses montrent que l'aire d'implantation des six aérogénérateurs en litige comble l'étendue séparant le parc éolien de Bois Madame à l'ouest de celui de la Côte Noire à l'est, que dans le périmètre rapproché doivent être pris en compte à l'est les éoliennes des parcs d'Hallu, d'Hallu-Punchy et de Fresnoy-Liancourt et que dans le périmètre intermédiaire doivent être pris en compte, au nord du site d'implantation les nombreuses éoliennes du parc Nord-Rosière en bordure du périmètre rapproché et celles d'Ablaincourt-Pressoir, à l'ouest le parc de Caix, au sud celui de Royen-Ouest et à l'est celui de Pertain Potte. Les photomontages figurant dans la même étude qualifient ainsi de " modérés à forts " les impacts cumulés des éoliennes à l'échelle rapprochée.

12. En conséquence, les éoliennes du projet auraient pour effets de réduire davantage encore les espaces de respiration du plateau, d'amoindrir son caractère ouvert et de contribuer à accroître l'effet de saturation visuelle et d'encerclement des habitants des communes proches du projet, notamment celles de Maucourt, Fouquescourt, Méharicourt, Rosières en Santerre, Chilly, Fransart et Hattencourt, comme des nombreux usagers des routes départementales 934 et 337.

13. L'autorité environnementale dans son avis émis le 10 mai 2016 a d'ailleurs relevé que le projet engendrerait la formation d'un ensemble éolien qui s'étendrait sur environ 8 kilomètres suivant un axe est/ouest. Si, comme l'a recommandé le schéma régional éolien approuvé en 2012, la densification dans l'implantation des éoliennes peut être recherchée, il ne doit pas en résulter une saturation visuelle excessive.

14. D'autre part, les mesures de réduction proposées par la pétitionnaire, consistant en la plantation de haies au sud-ouest du bourg de Maucourt et chez les habitants dont les jardins sont tournés vers le projet, seraient insuffisantes à réduire les impacts du projet sur le paysage et le cadre de vie.

15. Dans ces conditions, le préfet a pu légalement retenir, pour les raisons ci-dessus exposées, le motif tiré de l'atteinte portée par le projet à la protection du paysage pour refuser par l'arrêté attaqué l'autorisation unique sollicitée.

16. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Somme aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce seul motif.

17. Il résulte de ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative :

18. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

19. La demande présentée par la société requérante, partie perdante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par la société Vents des Champs est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... A... pour la société Vents des Champs et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera transmise, pour information, à la préfète de la Somme.

N°19DA01463 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01463
Date de la décision : 15/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02-02-01-01 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement. Régime juridique. Pouvoirs du préfet. Instruction des demandes d'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Hélène Busidan
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SCP LACOURTE RAQUIN TATAR

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-12-15;19da01463 ?
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