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10/12/2020 | FRANCE | N°19DA01660

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 10 décembre 2020, 19DA01660


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sogea Caroni a demandé au tribunal administratif d'Amiens, premièrement, de condamner la communauté d'agglomération de Saint-Quentin à lui verser, d'une part, une somme de 1 667 896,86 euros hors taxes, soit 2 001 476,23 euros toutes taxes comprises en réparation des conséquences de la prolongation de la durée du chantier, en paiement des travaux supplémentaires qu'elle a exécutés dans le cadre du lot n° 1 " clos et couvert " de la construction de la base urbaine de loisirs de Saint-Quentin

, y compris la révision des prix ainsi que, d'autre part, une somme de 450 8...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sogea Caroni a demandé au tribunal administratif d'Amiens, premièrement, de condamner la communauté d'agglomération de Saint-Quentin à lui verser, d'une part, une somme de 1 667 896,86 euros hors taxes, soit 2 001 476,23 euros toutes taxes comprises en réparation des conséquences de la prolongation de la durée du chantier, en paiement des travaux supplémentaires qu'elle a exécutés dans le cadre du lot n° 1 " clos et couvert " de la construction de la base urbaine de loisirs de Saint-Quentin, y compris la révision des prix ainsi que, d'autre part, une somme de 450 829,33 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché, ces sommes étant assorties des intérêts moratoires et de leur capitalisation et, deuxièmement, de prononcer l'annulation des pénalités de retard d'un montant de 661 200,47 euros et de la révision sur pénalités de retard, d'un montant de 63 131,83 euros, qui lui ont été appliquées par la communauté d'agglomération de Saint-Quentin.

Par un jugement n° 1300586 du 17 novembre 2015, le tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, condamné la communauté d'agglomération de Saint-Quentin à verser à la société Sogea Caroni la somme de 1 365 011,22 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts moratoires à compter du 29 octobre 2012, ces intérêts étant capitalisés au 29 mai 2015 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un arrêt n° 15DA02028 et 16DA00124 du 17 mai 2018, la cour administrative d'appel de Douai a, d'une part, remis à la charge de la société Sogea Carni la somme de 724 352,30 euros au titre des pénalités de retard et, d'autre part, rejeté la requête présentée par cette dernière sous le numéro 16DA00124.

Par une décision n° 422321 du 15 juillet 2019, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 17 mai 2018 de la cour administrative d'appel de Douai en tant qu'il se prononce sur les pénalités de retard mises à la charge de la société Sogea Caroni et renvoyé l'affaire dans cette mesure à la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires initialement enregistrés sous le numéro 15DA02028, les 21 décembre 2015, 17 octobre 2017, 23 septembre 2019 et 9 décembre 2019, la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois, représentée par Me A... C..., demande à la cour :

1°) de mettre à la charge de la société Sogea Caroni la somme de 724 352,30 euros au titre des pénalités de retard ;

2°) de mettre à la charge de la société Sogea Caroni la somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me B... pour la société Sogea Caroni.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 9 juillet 2007, la communauté d'agglomération de Saint-Quentin, devenue la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois, a confié à la société Sogea Caroni le marché correspondant au lot n° 1 " clos et couvert " de construction de la base urbaine de loisirs de Saint-Quentin. Le procès-verbal de réception avec réserves des ouvrages a été notifié à la société Sogea Caroni le 17 novembre 2010, avec effet au 25 août 2010. Par un ordre de service du 3 juillet 2012, la société d'équipement du département de l'Aisne, à qui avait été confiée une mission de maîtrise d'oeuvre déléguée, a notifié à la société Sogea Caroni le décompte général du marché. Sa demande d'annulation des pénalités de retard ayant été rejetée par le maître d'ouvrage, la société a saisi le tribunal administratif d'Amiens qui, par un jugement du 17 novembre 2015, a fait droit à cette demande. Sur appel de la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois, la cour administrative d'appel de Douai a, par un arrêt du 17 mai 2018, fixé à 724 352,30 euros le montant des pénalités de retard à la charge de la société Sogea Caroni et rejeté la requête présentée par celleci. Par une décision du 15 juillet 2019, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour en tant qu'il se prononce sur les pénalités de retard mises à la charge de la société Sogea Caroni et lui a renvoyé l'affaire dans cette mesure.

Sur les pénalités de retard mises à la charge de la société Sogea Caroni :

2. Aux termes de l'article 20 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux, dans sa version applicable au litige : " Pénalités, primes et retenues. 20.1. En cas de retard dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tranche pour laquelle un délai d'exécution partiel ou une date limite a été fixé, il est appliqué, sauf stipulation différente du C.C.A.P., une pénalité journalière de 1/3.000 du montant de l'ensemble du marché ou de la tranche considérée. Ce montant est celui qui résulte des prévisions du marché, c'est-à-dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus ". Aux termes de l'article 4.3 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché en litige : " sauf dispositions différentes indiquées à l'article 4 de l'additif au CCAP, les stipulations de l'article 20 du CCAG sont applicables ". Aux termes de l'article 4.3 de l'additif au CCAP : " L'entrepreneur subira en cas de non-respect de la date limite d'achèvement des travaux, les pénalités journalières suivantes applicables au montant HT de l'acompte mensuel une pénalité journalière de 1/3000ème du montant du marché du lot considéré pour chacun des cinq premiers jours de retard et 1/2000ème du montant du marché du lot considéré pour chaque jour de retard ultérieur (...). Ces pénalités sont appliquées, lot par lot, en cas de retard dans l'exécution des travaux, comparativement au calendrier détaillé d'exécution élaboré et éventuellement modifié comme indiqué au 4.1.2. ci-dessus. / Ces dispositions s'appliquent aux délais intermédiaires définis dans le planning d'exécution. Toutefois, le maître d'ouvrage se réserve la possibilité, au cas où le retard serait résorbé, de remettre ces pénalités ". Aux termes de l'article 4.1.2 de l'additif au CCAP : " a) Le calendrier détaillé d'exécution est élaboré par le maître d'oeuvre, en charge de la mission d'OPC, après consultation des entrepreneurs titulaires des différents lots [...] d) Au cours du chantier, et avec l'accord des différents entrepreneurs concernés, le maître d'oeuvre peut modifier le calendrier détaillé d'exécution dans le respect du délai global d'exécution. e) Le calendrier initial visé en a), éventuellement modifié comme il est indiqué en d), est notifié par ordre de service à tous les entrepreneurs après approbation par la personne responsable des marchés ".

3. Il résulte de l'instruction que le calendrier d'exécution annexé au cahier des clauses administratives particulières a défini, s'agissant du lot " clos et couvert " confié à la société Sogea Caroni, vingt-deux tâches comportant des délais de réalisation devant être regardés comme constituant les délais intermédiaires au sens de l'article 4.3 de l'additif au cahier des clauses administratives particulières précité et prenant fin, selon les tâches concernées, à différentes échéances échelonnées entre le 9 octobre 2007 et le 16 juin 2009. En vertu des stipulations citées au point 2, les pénalités ne peuvent être appliquées que lorsque les délais intermédiaires tels que définis dans les plannings d'exécution sont dépassés. Si la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois soutient que ces délais intermédiaires n'ont pas été modifiés au cours du chantier, il résulte toutefois de l'instruction, notamment du planning indice 8 en date du 4 février 2010 produit pour la première fois en appel, qu'elle a établi les pénalités en retenant des délais intermédiaires prenant fin à différentes échéances échelonnées entre le 2 novembre 2009 et le 5 mars 2010, date qu'elle a ensuite prorogée jusqu'au 4 mai 2010, et qu'elle a estimé, au regard de la date d'achèvement des travaux, le 27 juillet 2010, que le retard dans l'exécution des travaux imputable à la société Sogea Caroni était de quatre-vingt-quatre jours. Dans ces conditions, la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois doit être réputée avoir tacitement renoncé à l'application des pénalités de retard au regard des délais intermédiaires d'exécution prévus dans le planning initialement joint au cahier des clauses administratives particulières.

4. Par ailleurs, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction que les nouvelles échéances retenues par la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois puissent être regardées comme constituant des délais intermédiaires au sens des stipulations précitées du cahier des clauses administratives particulières dès lors notamment qu'elles n'ont pas été élaborées et notifiées dans les conditions prévues à l'article 4.1.2 précité de l'additif au cahier des clauses administratives particulières, alors d'ailleurs que la société Sogea Caroni conteste leur applicabilité et que l'une des versions du planning indice 8 en date du 4 février 2010 mentionnant ces nouvelles échéances a été actualisée au 1er juillet 2011, soit un an après l'achèvement des travaux, de sorte qu'elle ne saurait été opposable à ladite société. D'autre part, les tâches retenues dans ce document à savoir " reprise étanchéité terrasse bulle ", " isolant et étanchéité bulle ", " fin de la pose des tôles de la bulle " et " carrelage locaux humides Bulle " ne correspondent pas aux tâches mentionnées dans le calendrier d'exécution annexé au cahier des clauses administratives particulières, de sorte que leur réalisation tardive ne saurait davantage permettre le déclenchement de l'application des pénalités prévues à l'article 4.3 de l'additif au cahier des clauses administratives particulières précité. Dans ces conditions et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen soulevé par la société Sogea Caroni et tiré de ce que des délais complémentaires auraient dû lui être accordés pour la réalisation des travaux, la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a estimé que les pénalités de retard d'un montant de 661 200,47 euros ainsi que la révision sur pénalités de retard, d'un montant de 63 131,83 euros, soit au total 724 352,30 euros, n'étaient pas dues par la société Sogea Caroni.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Sogea Caroni, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois à verser une somme de 1 500 euros à la société Sogea Caroni sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois est rejetée.

Article 2 : La communauté d'agglomération du Saint-Quentinois versera à la société Sogea Caroni la somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me A... C... pour la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois et à Me D... pour la société Sogea Caroni.

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N°19DA01660

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01660
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-03 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Pénalités de retard.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Nil Carpentier-Daubresse
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-12-10;19da01660 ?
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