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10/12/2020 | FRANCE | N°18DA01929

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 10 décembre 2020, 18DA01929


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat mixte d'assainissement et de distribution d'eau du Nord (SIDEN-SIAN), venu aux droits de la communauté de communes des Hauts de Flandre, elle-même venue aux droits de la communauté de communes de Flandre, a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, de condamner in solidum la société Edgard Duval et l'Etat à lui verser une indemnité de 2 500 000 euros en réparation des désordres affectant les voiries des communes de Hondschoote, Killem et Rexpoëde et, à titre subsidiaire

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat mixte d'assainissement et de distribution d'eau du Nord (SIDEN-SIAN), venu aux droits de la communauté de communes des Hauts de Flandre, elle-même venue aux droits de la communauté de communes de Flandre, a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, de condamner in solidum la société Edgard Duval et l'Etat à lui verser une indemnité de 2 500 000 euros en réparation des désordres affectant les voiries des communes de Hondschoote, Killem et Rexpoëde et, à titre subsidiaire, de condamner in solidum en nature la société Edgard Duval et l'Etat à réaliser les travaux de reprise desdits désordres dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, pour être achevés dans un délai d'un an à compter de cette même notification, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Il demandait également, en toute hypothèse, de condamner solidairement l'Etat et la société Edgard Duval à lui verser la somme de 170 097,71 euros en remboursement des dépenses déjà engagées pour la reprise de ces désordres ainsi que la somme de 150 000 euros en réparation des préjudices en résultant, d'assortir chacune de ces sommes des intérêts légaux à compter de la date d'enregistrement de sa requête et d'ordonner leur capitalisation, à ce que les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés à hauteur de 175 831,96 euros soient mis à la charge solidaire de la société Edgard Duval et de l'Etat et enfin de mettre à la charge conjointe et solidaire des défendeurs une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1403695 du 20 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille a donné acte du désistement des conclusions de l'Etat tendant à ce que la société Edgard Duval soit condamnée à le garantir de toute condamnation pécuniaire qui pourrait être prononcée à son encontre et a rejeté la demande du syndicat mixte d'assainissement et de distribution d'eau du Nord.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 septembre 2018, 17 décembre 2019 et 22 octobre 2020, le syndicat mixte d'assainissement et de distribution d'eau du Nord, représenté par Mes Landot et Karamitrou, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 juillet 2018 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) à titre principal, de condamner in solidum la société Edgard Duval et l'Etat à réparer les conséquences des désordres affectant les tranchées de remblai dans les communes de Hondschoote, Killem et Rexpoëde en les condamnant à lui verser, en l'état, une somme de 2 500 000 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner in solidum la société Edgard Duval et l'Etat à réfectionner ou à faire réfectionner la tranchée de remblai de la rue de l'Yser à Hondschoote, la voirie de Killem, celle de la route départementale 55 à Rexpoëde, ensemble celles de la rue Nouvelle et de la rue de l'Eglise à Rexpoëde dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, pour être conduits à leur terme dans un délai d'une année à compter de cette même notification, sous peine d'une astreinte également de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de condamner solidairement l'Etat et la société Edgard Duval à lui verser une somme de 170 097,71 euros en remboursement des dépenses qu'elle a d'ores et déjà engagées ainsi qu'une somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des préjudices subis du fait des désordres, assortie des intérêts à compter du 21 juillet 2011 et d'ordonner la capitalisation de ces intérêts ;

5°) de mettre à la charge conjointe et solidaire de l'Etat et de la société Edgard Duval les frais et honoraires de l'expert, tels qu'ils ont été taxés à la somme de 175 831,96 euros par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Lille du 21 juin 2010 confirmée par un jugement du tribunal administratif d'Amiens ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Edgard Duval la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me D... pour le syndicat mixte d'assainissement et de distribution d'eau du Nord, de Me B... pour la société Edgard Duval et de Me C... pour la société Axa France Iard.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes de Flandre a entrepris, en qualité de maître de l'ouvrage, entre 2000 et 2003, des travaux d'assainissement consistant en la pose de canalisations souterraines et d'ouvrages de raccordement sur le territoire des communes de Hondschoote, Killem et Rexpoëde. La réalisation de ces travaux a été confiée à la société Edgard Duval, spécialisée dans les travaux d'assainissement et d'adduction d'eau, par quatre actes d'engagement conclus les 13 avril 1999, 6 mars 2000, 20 avril 2000 et 4 juillet 2002. La communauté de communes de Flandre a confié la maîtrise d'oeuvre des travaux de la rue de Bergues à Hondschoote et des routes départementales 916 A et 55 à Rexpoëde à la direction départementale de l'agriculture et de la forêt du Nord ainsi que la maîtrise d'oeuvre des travaux de la rue Saint-Michel et de la rue Saint-Omer à Killem à la direction départementale de l'équipement du Nord. Après réception des différents chantiers, des désordres affectant l'état de surface des chaussées au droit des tranchées ouvertes pour la réalisation des travaux d'assainissement sont apparus. Par une ordonnance du 15 mai 2006, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a désigné, à la demande de la communauté de communes de Flandre, M. E... pour mener des opérations d'expertise sur les ouvrages affectés par les désordres. L'expert a déposé son rapport le 28 décembre 2009. Par un jugement du 20 mars 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la communauté de communes de Flandre au motif que son président ne justifiait pas de sa qualité pour engager cette action tendant à la condamnation in solidum de la société Edgard Duval et de l'Etat, en qualité de maître d'oeuvre, à lui verser une somme au titre de la réparation des désordres litigieux ainsi que le remboursement des dépenses d'ores et déjà engagées pour la réfection des routes endommagées. Le syndicat mixte d'assainissement et de distribution d'eau du Nord, venu aux droits de la communauté de communes des Hauts de Flandre, elle-même venue aux droits de la communauté de communes de Flandre, relève appel du jugement du 20 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a donné acte du désistement des conclusions de l'Etat tendant à ce que la société Edgard Duval soit condamnée à le garantir de toute condamnation pécuniaire qui pourrait être prononcée à son encontre et a rejeté la demande dudit syndicat tendant à ce que la société Edgard Duval et l'Etat l'indemnisent des préjudices subis du fait des désordres précités sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs à hauteur de la somme 2 500 000 euros ainsi qu'au paiement d'un montant de 170 097,71 euros en remboursement des dépenses qu'elle a d'ores et déjà engagées et d'une somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les interventions :

2. L'assureur d'un constructeur dont la responsabilité en matière de travaux est recherchée par le maître de l'ouvrage n'est pas recevable à intervenir en cette qualité devant le juge administratif saisi du litige.

3. Par suite, les sociétés d'assurance Générali et Axa France Iard ne sont pas recevables à intervenir dans le cadre de la présente instance au soutien des conclusions présentées par la société Edgard Duval, ainsi qu'en ont été informées les parties.

Sur la régularité du jugement :

4. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que l'action en garantie décennale n'est ouverte au maître de l'ouvrage, à raison des dommages qui en compromettent la solidité ou le rendent impropre à sa destination, qu'à l'égard des constructeurs avec lesquels le maître de l'ouvrage a valablement été lié par un contrat de louage d'ouvrage. En présence d'un contrat valablement conclu entre le maître de l'ouvrage et le constructeur, l'action en garantie décennale est également ouverte à l'acquéreur de l'ouvrage, alors même qu'il n'a pas lui-même été lié aux constructeurs par un tel contrat.

5. Le titulaire de la maîtrise d'ouvrage est celui qui est responsable de l'ouvrage à la date à laquelle le juge statue sur les droits que celui-ci entend exercer en tant que responsable de cet ouvrage. S'il est loisible à une collectivité publique de laisser à une autre collectivité publique la direction et la responsabilité de travaux portant sur des ouvrages dont la première est propriétaire et s'effectuant pour son compte, la mission de la seconde s'achève, en l'absence de convention réservant à cette dernière le droit d'exercer une action en garantie décennale, avec la réception définitive des ouvrages.

6. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 28 décembre 2009, auquel est annexé le rapport du sapiteur Ginger CEBTP, que les dommages en cause affectent l'état de surface des chaussées des voiries, au droit des tranchées qui ont été ouvertes pour la réalisation des travaux effectués par la société Edgard Duval dans les communes de Hondschoote, Killem et Rexpoëde. Ils se traduisent par des soulèvements hétérogènes des enrobés pouvant s'avérer dangereux pour la circulation des usagers. Ils résultent de l'utilisation du sable de silice réfractaire 0/6 pour les remblais des tranchées d'assainissement, inapproprié sous le domaine routier qui requiert une " absolue stabilité " selon l'expert. En revanche, il n'apparaît pas que les canalisations souterraines et ouvrages de raccordement, ouvrages distincts et divisibles de la voirie et des remblais qui la soutiennent, auraient été endommagés.

7. Il ne résulte pas de l'instruction que la communauté de communes de Flandre ait été propriétaire des voiries et de leur sous-sol. Les travaux dont la communauté de communes de Flandre exerçait la maîtrise d'ouvrage doivent donc être regardés comme ayant été réalisés pour le compte des collectivités territoriales qui en étaient propriétaires, pour leur partie excédant les canalisations souterraines et ouvrages de raccordement, et concernant notamment les remblais des voiries. Dès lors, si jusqu'à la réception définitive des travaux, la communauté de communes de Flandre avait qualité pour mettre en cause la responsabilité contractuelle des constructeurs, depuis cette réception, en l'absence de tout mandat spécifique portant sur la garantie décennale, seuls les propriétaires des chaussées et remblais qui en constituaient le sous-sol ont qualité pour rechercher la responsabilité décennale des constructeurs.

8. Dès lors, le syndicat mixte d'assainissement et de distribution d'eau du Nord ne peut utilement se fonder sur le transfert des compétences d'assainissement collectif et autonome ainsi que d'assainissement pluvial de la communauté de communes de Flandre à la communauté de communes des Hauts de Flandre à la suite de sa création, par un arrêté du 30 mai 2013 du préfet du Nord, en vertu des dispositions de l'article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales, avec transfert des biens nécessaires à l'exercice de ces compétences, ni sur la circonstance que suite à l'adhésion de la communauté de communes des Hauts de Flandre, il s'est vu confier ces mêmes compétences par un arrêté préfectoral interdépartemental portant modifications statutaires du 30 juin 2015, avec transfert de plein droit, en application de l'article L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales, de la mise à la disposition des biens utilisés. D'ailleurs, le procès-verbal annexé à cet arrêté ne mentionne, au titre des biens mis à disposition du syndicat requérant, ni les remblais, ni a fortiori les chaussées objet des désordres.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat mixte d'assainissement et de distribution d'eau du Nord n'a pas qualité pour présenter une demande mettant en jeu la responsabilité décennale des constructeurs, de sorte que sa demande est irrecevable. Par suite, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation in solidum de la société Edgard Duval et de l'Etat à réparer, au titre de la garantie décennale, les désordres affectant l'état de surface des chaussées dans les communes de Hondschoote, Killem et Rexpoëde.

Sur les frais d'expertise :

10. Par un arrêt n° 14DA00863 du 26 mai 2016, la cour administrative d'appel de Douai a annulé le jugement du 20 mars 2014 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il statuait sur la charge des frais et honoraires d'expertise et mis ceux-ci, taxés et liquidés à la somme de 175 831,96 euros toutes taxes comprises, à la charge de la communauté de communes des Hauts de Flandre. En vertu de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à cette décision, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Lille a estimé que le syndicat requérant n'était pas fondé à solliciter, en tout état de cause, la remise en cause des modalités de paiement des frais d'expertise.

Sur les conclusions d'appel provoqué :

11. Les conclusions d'appel provoqué, introduites par la société Edgard Duval après le délai d'appel à l'encontre de l'Etat en sa qualité de maître d'oeuvre et à l'encontre des sociétés Generali et Axa ne seraient recevables que si la situation de leur auteur était aggravée par l'admission de l'appel principal. L'appel principal du syndicat mixte d'assainissement et de distribution d'eau du Nord étant rejeté, les conclusions d'appel provoqué sont irrecevables et doivent donc être rejetées, ainsi qu'en ont été informées les parties.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Edgard Duval et de l'Etat, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande le syndicat mixte d'assainissement et de distribution d'eau du Nord au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les interventions des sociétés Generali et Axa France Iard ne sont pas admises.

Article 2 : La requête du syndicat mixte d'assainissement et de distribution d'eau du Nord est rejetée.

Article 3 : Les conclusions d'appel provoqué présentées par la société Edgard Duval sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mes Landot et Karamitrou pour le syndicat mixte d'assainissement et de distribution d'eau du Nord, à Me B... pour la société Edgard Duval, à la ministre de la transition écologique, à Me A... pour la société Generali et à Me C... pour la société Axa France Iard.

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N°18DA01929

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01929
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04-01 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale. Qualité pour la mettre en jeu.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Nil Carpentier-Daubresse
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL LANDOT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-12-10;18da01929 ?
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