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08/12/2020 | FRANCE | N°19DA02127,19DA02128

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 08 décembre 2020, 19DA02127,19DA02128


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, MM. Michel F..., Jérôme F... et l'entreprise agricole à responsabilité limitée Lamermont ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, d'une part, l'arrêté du 4 mai 2017 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a rejeté la demande d'autorisation d'exploiter présentée par l'entreprise agricole à responsabilité limitée Lamermont portant sur des terres d'une superficie de 35 ha 77 a 59 ca situées sur le territoire des communes de Ferrières, Dompie

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, MM. Michel F..., Jérôme F... et l'entreprise agricole à responsabilité limitée Lamermont ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, d'une part, l'arrêté du 4 mai 2017 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a rejeté la demande d'autorisation d'exploiter présentée par l'entreprise agricole à responsabilité limitée Lamermont portant sur des terres d'une superficie de 35 ha 77 a 59 ca situées sur le territoire des communes de Ferrières, Dompierre, Crèvecoeur-le-Petit et Royancourt et, d'autre part, l'arrêté du 4 mai 2017 du même préfet autorisant Mme A... G... à exploiter ces terres.

Par un jugement n° 1701837 et 1701838 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 septembre 2019 et 19 novembre 2020, sous le n° 19DA02127, MM. Michel F..., Jérôme F... et l'entreprise agricole à responsabilité limitée Lamermont, représentés par Me E... D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 mai 2017 du préfet de la région Hauts-de-France autorisant Mme A... G... à exploiter des terres d'une superficie de 35 ha 77 a 59 ca situées sur le territoire des communes de Ferrières, Dompierre, Crèvecoeur-le-Petit et Royancourt ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 ;

- le décret n° 2015-713 du 22 juin 2015 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... G... a demandé, le 16 janvier 2017, l'autorisation d'exploiter une superficie de 35 ha 77 a 59 ca de terres situées sur les communes de Ferrières, Dompierre, Crèvecoeur-le-Petit et Royancourt, auparavant mises en valeur par l'entreprise agricole à responsabilité limitée G... et dont M. C... F... est devenu propriétaire. L'entreprise agricole à responsabilité limitée Lamermont, composée de M. B... F..., son fils, a, le 13 janvier 2017, présenté une demande concurrente d'autorisation d'exploiter les mêmes terres. MM. Michel et Jérôme F... et l'entreprise agricole à responsabilité limitée Lamermont relèvent appel du jugement du 9 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 4 mai 2017 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a rejeté la demande d'autorisation d'exploiter présentée par l'entreprise agricole à responsabilité limitée Lamermont et, d'autre part, l'arrêté du 4 mai 2017 autorisant Mme A... G... à exploiter ces terres.

2. Les requêtes n° 19DA02127 et n° 19DA02128 présentées par M. C... F... et les autres requérants présentent à juger des questions semblables et sont relatives au même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

3. En premier lieu, aux termes du IX de l'article 93 de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt : " - Les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles mentionnés à l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la présente loi, sont arrêtés dans un délai d'un an à compter de sa publication. / Jusqu'à l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles, le contrôle des structures s'applique selon les modalités, les seuils et les critères définis par le schéma directeur des structures agricoles de chaque département (...) ".

4. Aux termes de l'article 4 du décret du 22 juin 2015 relatif au schéma directeur régional des exploitations agricoles et au contrôle des structures des exploitations agricoles : " I. - Les articles 2 et 3 du présent décret entrent en vigueur à la même date que le schéma directeur régional des exploitations agricoles. II. - Les demandes et déclarations déposées en application des I ou II de l'article L. 331-2 dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 octobre 2014 susvisée avant la date mentionnée au I, ainsi que, le cas échéant, les dossiers concurrents relevant des mêmes dispositions, déposés après cette date, demeurent soumis aux dispositions des articles R. 331-1 à R. 331-12 dans leur rédaction antérieure au présent décret ".

5. Le schéma directeur des exploitations agricoles de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie étant entré en vigueur le 29 juin 2016 et les demandes d'autorisation d'exploiter ayant été formulées par Mme G... le 16 janvier 2017 et par l'entreprise agricole à responsabilité limitée Lamermont, composée de M. B... F..., le 13 janvier 2017, soit après cette date, les décisions en litige doivent être examinées au regard des dispositions du code rural et de la pêche maritime dans leur version en vigueur après la publication de la loi du 13 octobre 2014.

6. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 331-1-1 du code rural et de la pêche maritime créé par la loi du 13 octobre 2014 : " 1° Est qualifié d'exploitation agricole l'ensemble des unités de production mises en valeur, directement ou indirectement, par la même personne, quels qu'en soient le statut, la forme ou le mode d'organisation juridique, dont les activités sont mentionnées à l'article L. 311-1; / 2° Est qualifié d'agrandissement d'exploitation ou de réunion d'exploitations au bénéfice d'une personne le fait, pour celle-ci, mettant en valeur une exploitation agricole à titre individuel ou dans le cadre d'une personne morale, d'accroître la superficie de cette exploitation ; la mise à disposition de biens d'un associé exploitant lors de son entrée dans une personne morale est également considérée comme un agrandissement ou une réunion d'exploitations au bénéfice de cette personne morale (...) ".

7. D'autre part, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 29 juin 2016 établissant le schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie : " Définitions - (...) - installation : action de s'établir sur une ou plusieurs unités de production constituant une entité juridique et économique autonome et indépendante pour y exercer une activité agricole (...) / - agrandissement : fait, pour une personne, physique ou morale, mettant en valeur une exploitation agricole, d'accroitre la superficie de celle exploitation. L'installation d'un nouvel exploitant en tant qu'associé d'une personne morale, si elle s'accompagne d'une mise à disposition de terres supplémentaires, est un agrandissement de la société au regard des priorités du SDREA (...) ". Aux termes de l'article 3 de ce schéma : " Ordre de Priorités - Les autorisations d'exploiter sont délivrées selon un ordre de priorité établi en prenant en compte : / - la nature de l'opération, au regard des objectifs du contrôle des structures et des orientations définies dans le présent schéma ; / - l'intérêt économique et environnemental de l'opération, selon les critères définis ci-dessous et, le cas échéant, les éléments définis à l'article 5. (...) 2° Installation ou confortement d'une exploitation pour atteindre ou maintenir le seuil de contrôle (inclus) après reprise le cas échéant. (...) 6° Agrandissement et maintien de la surface entre 1,5 à 2 fois (inclus) / UTANS le seuil de contrôle après reprise, le cas échéant (...) ".

8. En l'espèce, le préfet de la région Hauts-de-France a accordé l'autorisation d'exploiter demandée par Mme G... après avoir estimé que la demande de l'intéressée consistait en une installation à titre secondaire au sein de l'entreprise agricole à responsabilité limitée G..., jusqu'alors composée des parents de Mme G..., et que cette demande relevait du rang de priorité n° 2 défini à l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, alors que celle de l'entreprise agricole à responsabilité limitée Lamermont consistait en un agrandissement relevant du rang de priorité n° 6 de ce schéma.

9. Les requérants soutiennent que la demande de Mme G... devait être regardée comme un agrandissement dès lors que les terres objet de cette demande ont vocation à être mises par Mme G... à disposition de l'entreprise agricole à responsabilité limitée G... et que, par suite, sa demande n'était pas prioritaire par rapport à celle présentée par l'entreprise agricole à responsabilité limitée Lamermont. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... G..., âgée de trente-et-un ans, a souhaité s'installer au sein de l'entreprise agricole à responsabilité limitée G..., composée de deux associés, ses parents, et qui exploite 141 hectares en polyculture, sans apporter de terres supplémentaires dès lors que les terres objet de sa demande sont déjà exploitées par cette entreprise agricole à responsabilité limitée et ont seulement vocation à être exploitées par Mme G... après cession du bail dont son père est titulaire. Par suite, au regard des dispositions de l'article 1er du schéma directeur régional des exploitations agricoles de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, l'opération projetée par Mme G..., qui ne s'accompagne d'aucune mise à disposition de terres supplémentaires, ni à son profit, ni à celui de l'entreprise agricole à responsabilité limitée G..., consiste, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, en une installation et non en un agrandissement. En outre, Mme G..., assistante sociale, étant pluriactive, son installation est une installation à titre secondaire et relève ainsi de la priorité n° 2 du schéma directeur régional des exploitations agricoles. Si l'entreprise agricole à responsabilité limitée Lamermont, composée de l'unique associé M. B... F... et qui exploite 173 hectares de terres en polyculture élevage, a présenté une demande concurrente pour exploiter les mêmes terres, l'opération demandée vise à exploiter une superficie supplémentaire de 35 ha 77 a 59 ca de terres et consiste donc en un agrandissement au regard des dispositions de l'article 1er du schéma directeur régional des exploitations agricoles. Cette opération relève ainsi d'un rang de priorité inférieur à celui détenu par Mme G..., soit le rang de priorité n° 6 du schéma relatif aux agrandissements entre 1,5 à 2 fois (inclus) / unité de travail annuel non salariée du seuil de contrôle après reprise.

10. Il résulte de ce qui précède que les demandes de Mme G... et de l'entreprise agricole à responsabilité limitée Lamermont ne relevant pas du même rang de priorité au regard de l'article 3 du schéma, les requérants ne peuvent utilement soutenir que le préfet aurait dû appliquer le critère du seuil de surface par unité de travail annuel non salariée pour départager ces demandes concurrentes, ni qu'il aurait dû comparer la situation de l'entreprise agricole à responsabilité limitée G... avec celle de l'entreprise agricole à responsabilité limitée Lamermont, ni qu'il aurait méconnu les orientations du schéma directeur des exploitations agricoles de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Il n'a, par suite, méconnu ni les dispositions de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, ni celles de l'article 5 de ce schéma directeur.

11. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le préfet de la région Hauts-de-France n'a pas, en accordant l'autorisation d'exploiter demandée par Mme G... et en rejetant celle de l'entreprise agricole à responsabilité limitée Lamermont, entaché les arrêtés en litige d'erreur de droit, ni d'erreur dans l'appréciation de la situation de l'intéressée.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de MM. Michel et Jérôme F... et de l'entreprise agricole à responsabilité limitée Lamermont le versement à l'entreprise agricole à responsabilité limitée G... et à Mme A... G..., prises ensemble, d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes susvisées de M. F... et des autres requérants sont rejetées.

Article 2 : MM. Michel et Jérôme F... et l'entreprise agricole à responsabilité limitée Lamermont verseront à l'entreprise agricole à responsabilité limitée G... et à Mme G..., prises ensemble, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N°19DA02127,19DA02128


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02127,19DA02128
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03-01 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Cumuls et contrôle des structures. Cumuls d'exploitations.


Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SCP FRISON ET ASSOCIES ; SCP FRISON ET ASSOCIES ; SCP FRISON ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-12-08;19da02127.19da02128 ?
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