Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Rouen a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 355 179 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts échus, en réparation du préjudice financier résultant pour elle de la prise en charge du coût des enseignements artistiques renforcés assurés par le conservatoire à rayonnement régional de Rouen au titre des années scolaires 2015/2016 et 2016/2017.
Par un jugement n° 1702237 du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2019, la commune de Rouen, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 355 179 euros en réparation du préjudice financier résultant pour elle de la prise en charge du coût des enseignements artistiques renforcés assurés par le conservatoire à rayonnement régional de Rouen au titre des années scolaires 2015/2016 et 2016/2017 ;
3°) d'assortir cette condamnation des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts échus ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'arrêté du 31 juillet 2002 relatif aux classes à horaires aménagés pour les enseignements artistiques renforcés destinés aux élèves des écoles et des collèges ;
- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Binand, président-assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la commune de Rouen.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Rouen relève appel du jugement du 11 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 355 179 euros en réparation du préjudice financier résultant pour elle de la prise en charge du coût des enseignements artistiques renforcés dispensés par le conservatoire à rayonnement régional dans le cadre du dispositif des classes à horaires aménagés et de la filière préparant au baccalauréat " Techniques de la musique et de la danse ", qu'elle a supporté pour les années scolaires 2015/2016 et 2016/2017.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales : " Aucune dépense à la charge de l'Etat ou d'un établissement public à caractère national ne peut être imposée directement ou indirectement aux collectivités territoriales ou à leurs groupements qu'en vertu de la loi. ". Lorsque des dispositions législatives confient à des agents de collectivités territoriales ou de leurs groupements des missions à exercer au nom de l'Etat, elles mettent indirectement à la charge de ces collectivités territoriales ou groupements, sauf disposition contraire, les dépenses nécessaires à l'exercice de ces missions. D'autre part, aux termes de l'article L. 312-6 du code de l'éducation : " Des enseignements artistiques obligatoires sont dispensés dans les écoles élémentaires et les collèges (...). / Ces enseignements comportent au moins un enseignement de la musique et un enseignement des arts plastiques. Ils ont pour objet une initiation à l'histoire des arts et aux pratiques artistiques. / Des enseignements artistiques portant sur des disciplines non visées à l'alinéa précédent peuvent être institués, à titre facultatif, dans les écoles élémentaires et les collèges. / (...) ". Aux termes de l'article L. 312-7 du même code : " Dans les lycées (...), les enseignements artistiques sont assurés à titre obligatoire ou facultatif selon les formations suivies ". L'article 1er de l'arrêté du 31 juillet 2002 dispose : " Des classes à horaires aménagés peuvent être organisées dans les écoles élémentaires et les collèges afin de permettre aux élèves de recevoir, dans le cadre des horaires et programmes scolaires, un enseignement artistique renforcé. / (...) / Cet enseignement est dispensé avec le concours des conservatoires nationaux de régions, écoles nationales de musique et de danse, écoles municipales agréées gérés par les collectivités territoriales, ainsi que des institutions ou associations ayant passé une convention nationale avec le ministère chargé de la culture. (...) ". Il résulte de la combinaison de l'article 2 et de l'article 6 de cet arrêté que la mise en place par l'Etat de classes à horaires aménagés ne peut intervenir qu'après la signature, avec la ou les collectivités territoriales concernées, d'une convention fixant les modalités de leur fonctionnement.
3. La commune de Rouen soutient que l'arrêté du 31 juillet 2002 méconnaît les dispositions de l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales et ne peut, dès lors, fonder légalement le rejet, opposé le 30 mai 2017 par la rectrice de l'académie de Rouen, à sa demande indemnitaire. Toutefois, il résulte des dispositions du code de l'éducation et de l'arrêté du 31 juillet 2002 rappelées au point précédent que, si l'enseignement artistique renforcé dont bénéficient les élèves inscrits en classes à horaires aménagés constitue un enseignement organisé et assuré dans le cadre de l'obligation scolaire de ces élèves, les collectivités territoriales n'ont pas l'obligation de fournir une telle formation. Ainsi, dès lors que cet arrêté n'impose pas aux collectivités territoriales d'apporter leur concours à l'organisation des classes à horaires aménagés dans les écoles élémentaires et les collèges, il n'a pas pour effet d'imposer aux collectivités territoriales des dépenses qui incomberaient normalement à l'Etat. En conséquence, l'exception tirée de l'illégalité de cet arrêté au regard des dispositions de l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales, inopérante, au demeurant, s'agissant des classes préparant au baccalauréat " Techniques de la musique et de la danse " que cet arrêté ne régit pas, ne peut qu'être rejetée.
4. En deuxième lieu, les enseignants du conservatoire à rayonnement régional de Rouen, agents de la fonction publique territoriale et qui dispensent, comme cela ressort des stipulations des conventions produites au dossier mettant en place ces formations, un enseignement artistique renforcé hors des établissements scolaires, ne font partie ni du personnel enseignant des écoles élémentaires et des écoles maternelles ni du personnel exerçant dans les collèges ou lycées au sens des dispositions de l'article L. 211-8 du code de l'éducation définissant les personnels enseignants dont l'Etat a la charge de la rémunération. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus de l'Etat de prendre en charge la rémunération des enseignants du conservatoire à rayonnement régional de Rouen intervenant dans le cadre des classes à horaires aménagés, ainsi, à le supposer soulevé, qu'au sein des classes préparant au baccalauréat " Techniques de la musique et de la danse ", serait contraire à ces dispositions, doit être écarté.
5. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la commune de Rouen, les premiers juges n'ont pas estimé que les enseignements en cause présentaient à la fois un caractère obligatoire et facultatif, mais ont distingué clairement, au point 7 du jugement attaqué, le caractère facultatif, pour les collectivités territoriales, de la mise en place des enseignements artistiques renforcés, du caractère obligatoire de leur suivi pour les élèves inscrits dans ces classes où ils sont dispensés. Dès lors, la commune de Rouen n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs.
6. Il résulte de tout ce qui précède la rectrice de l'académie de Rouen a pu légalement refuser la prise en charge par l'Etat de la rémunération, supportée par la commune de Rouen, des enseignants intervenant dans le cadre des classes à horaires aménagés et des classes préparant au baccalauréat " Techniques de la musique et de la danse ", alors, au demeurant, qu'aucune des conventions produites au dossier pour la mise en place de ces classes ne prévoit une telle obligation. Dès lors la commune de Rouen n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, la requête de la commune de Rouen doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Rouen est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Rouen et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
N°19DA01793 2