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01/12/2020 | FRANCE | N°18DA00144,19DA02330

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 01 décembre 2020, 18DA00144,19DA02330


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... G... et le groupement foncier agricole du château d'Hannaches ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler le permis de construire délivré par le maire de la commune d'Hannaches au nom de l'Etat au groupement agricole d'exploitation en commun de Croix de Bellefontaine le 13 octobre 2016 pour la parcelle cadastrée E111 sise 2 rue des Antres.

Par un jugement n° 1603484 du 28 décembre 2017, le tribunal administratif d'Amiens a

rejeté cette demande.

Procédur

e devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2018 sous le numéro 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... G... et le groupement foncier agricole du château d'Hannaches ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler le permis de construire délivré par le maire de la commune d'Hannaches au nom de l'Etat au groupement agricole d'exploitation en commun de Croix de Bellefontaine le 13 octobre 2016 pour la parcelle cadastrée E111 sise 2 rue des Antres.

Par un jugement n° 1603484 du 28 décembre 2017, le tribunal administratif d'Amiens a

rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2018 sous le numéro 18DA00144, M. et Mme E... G... et le groupement foncier agricole du château d'Hannaches, représentés par Me F... C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ce permis ;

3°) de condamner la commune d'Hannaches à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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II - Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2019 sous le numéro 19DA02330, M. et Mme E... G... et le groupement foncier agricole du château d'Hannaches, représentés par Me F... C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le permis de construire modificatif délivré par le maire de la commune d'Hannaches au groupement agricole d'exploitation en commun Croix de Bellefontaine le 4 juin 2019 pour la parcelle cadastrée E111 sise 2 rue des Antres, ensemble la décision implicite ayant rejeté leur recours gracieux ;

2°) de condamner la commune d'Hannaches à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- les observations de Me F... C..., représentant M. et Mme E... G... et le groupement foncier agricole du château d'Hannaches.

Considérant ce qui suit :

1. Il y a lieu de joindre les requêtes susvisées pour y statuer par un seul arrêt.

Sur l'intérêt à agir de M. et Mme E... G... et du GFA du château d'Hannaches :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire (...) que si la construction (...) [est]de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) ". Aux termes de l'article L. 600-1-3 du même code : " Sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l'intérêt pour agir contre un permis de construire (...) s'apprécie à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui présente un recours tendant à l'annulation d'un permis de construire de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il juge insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Le groupement foncier agricole du château d'Hannaches, propriétaire de ce château classé monument historique, et M. et Mme E... G... qui y résident contestent les permis de construire un bâtiment à usage de salle de traite et d'élevage délivrés au groupement agricole d'exploitation en commun Croix de Bellefontaine.

En ce qui concerne la distance avec le projet :

5. Il ressort des pièces du dossier que les requérants ne sont pas des voisins immédiats du projet et qu'une distance d'environ 400 mètres sépare le château du projet.

En ce qui concerne la visibilité du projet :

6. D'une part, il ressort des photos prises par le deuxième expert diligenté par les requérants que si les bâtiments du groupement agricole d'exploitation en commun Croix de Bellefontaine déjà implantés sur les parcelles 94 et 111 sont visibles depuis le château d'Hannaches, c'est seulement en contrebas et depuis le deuxième étage de la façade Sud-Ouest ou, en hiver quand une haie ne fait plus écran, depuis son rez-de-chaussée.

7. D'autre part, l'architecte des Bâtiments de France a estimé en septembre 2016 que le projet initial, prévoyant une façade de 85,20 mètres orientée au nord-est vers le château d'Hannaches, n'était pas situé dans le champ de visibilité du château. Or le permis de construire modificatif a réduit cette façade à 66,20 mètres et l'a orientée vers le nord-ouest et a prévu au nord-est une façade limitée à 30 mètres et implantée derrière des bâtiments existants faisant écran.

8. Enfin, si la construction prévue haute de 6,70 à 7,30 mètres surplombera les bâtiments existants hauts de 4 mètres, ce surplus est minime sur une telle distance et le permis de construire modificatif a repris les prescriptions de l'architecte des Bâtiments de France d'avril 2019 relatives à la couleur des toitures et des filets visant à améliorer l'insertion du projet dans son environnement.

9. Alors que le critère de la visibilité est prépondérant, il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que la visibilité du projet depuis le château d'Hannaches soit telle qu'elle affecte directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du château.

En ce qui concerne les autres nuisances du projet :

10. D'une part, le haras appartenant aux requérants exploité à quelques dizaines de mètres du château d'Hannaches génère déjà des nuisances en termes de bruit, d'odeurs et d'insectes.

11. D'autre part, s'il ressort des déclarations déposées en 2016 au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement que le projet portera la capacité d'hébergement du groupement agricole d'exploitation en commun Croix de Bellefontaine de 70 à 150 vaches laitières, aucun élément précis et documenté n'a été produit, y compris s'agissant du vent de sud-ouest allégué, permettant d'évaluer les nuisances aujourd'hui générées par l'exploitation, autorisée par un arrêté préfectoral de 2007 assorti de prescriptions relatives à l'épandage, et donc la majoration des nuisances susceptible de résulter du projet.

12. Enfin, le projet a prévu des filets pour limiter la prolifération des insectes et aura pour effet le transfert dans le bâtiment prévu d'une part du cheptel aujourd'hui hébergé dans les bâtiments existants et donc un allongement de la distance entre l'exploitation et le château d'Hannaches.

13. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que le surplus de bruit, d'odeurs et d'insectes susceptible d'être généré par le projet soit tel qu'il affecte directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du château d'Hannaches.

En ce qui concerne la valeur vénale du château :

14. Il résulte de ce qui précède que la réalité de la perte de valeur vénale du château d'Hannaches susceptible de résulter du projet n'est en tout état de cause pas établie.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a estimé qu'ils n'avaient pas intérêt pour agir à l'encontre des permis de construire litigieux et a donc rejeté leur demande.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

16. D'une part, les demandes présentées par les requérants, partie perdante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

17. D'autre part, le permis de construire a été délivré au nom de l'Etat. La demande présentée par la commune d'Hannaches, qui n'est pas partie au sens de l'article L. 761-1 du code de justice administrative même si elle a produit un mémoire, doit donc être rejetée.

18. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, M. et Mme E... G... et le groupement foncier agricole du château d'Harnaches verseront au groupement agricole d'exploitation en commun Croix de Bellefontaine, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme globale de 3 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme E... G... et du groupement foncier agricole du château d'Harnaches sont rejetées.

Article 2 : La demande présentée par la commune d'Hannaches au titre des frais exposés et non compris dans les dépens est rejetée.

Article 3 : M. et Mme E... G... et le groupement foncier agricole du château d'Harnaches verseront au groupement agricole d'exploitation en commun Croix de Bellefontaine une somme globale de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me F... C... pour M. et Mme E... G... et pour le groupement foncier agricole du château d'Harnaches, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à Me I... H... pour la commune d'Hannaches et à Me A... B... pour le groupement agricole d'exploitation en commun Croix de Bellefontaine.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00144,19DA02330
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jimmy Robbe
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CABINET JASPER AVOCATS ; CABINET JASPER AVOCATS ; CABINET JASPER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-12-01;18da00144.19da02330 ?
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