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26/11/2020 | FRANCE | N°20DA01284

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 26 novembre 2020, 20DA01284


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 juin 2020 du préfet du Pas-de-Calais décidant son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 2004314 du 1er juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet du Pas-de-Calais de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement.

Proc

édure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 août 2020, le préfet du Pas-de-Cal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 juin 2020 du préfet du Pas-de-Calais décidant son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 2004314 du 1er juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet du Pas-de-Calais de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 août 2020, le préfet du Pas-de-Calais, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lille.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... B..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant indien, déclare être entré sur le territoire français en mars 2020. La consultation du fichier " Eurodac " ayant permis d'établir qu'il avait préalablement introduit une demande d'asile auprès des autorités italiennes, une demande de reprise en charge leur a été adressée. Par un accord explicite du 25 juin 2020, les autorités italiennes ont accepté de le reprendre en charge, en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Par un arrêté du 26 juin 2020, le préfet du Pas-de-Calais a ordonné son transfert auprès des autorités italiennes. Le préfet relève appel du jugement du 1er juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat (...). Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. (...) ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " Lorsque l'étranger présente sa demande auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, la personne est orientée vers l'autorité compétente (...).

3. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., ressortissant indien, déclare être entré en France en mars 2020. Il a été interpellé à Oye Plage le 14 juin 2020 par les services de police à bord d'un bus reliant Calais à Gravelines. L'intéressé a déclaré, lors de son audition par les services de police, sans plus de précisions, avoir quitté son pays pour des raisons politiques. Il a indiqué qu'il souhaitait être libre et se rendre sur Lille pour demander l'asile. Si M. C... peut être regardé comme ayant de ce fait sollicité l'asile au cours de son audition, il ressort des pièces du dossier, en tout état de cause, que les conseillères juridiques de France Terre d'Asile ont transmis le 20 juin 2020, soit avant l'arrêté de transfert en litige, un courrier de M. C... du même jour, dans lequel il déclarait se désister de la demande d'asile qu'il venait de formuler le 19 juin, au cours de de sa rétention. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 26 juin 2020 au motif que M. C... avait présenté une demande d'asile qui faisait obstacle à son transfert vers l'Italie sur le fondement des dispositions de l'article 24 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

4. Il appartient, toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Lille.

Sur les autres moyens invoqués par M. C... :

5. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par arrêté du 18 décembre 2017, régulièrement publié au recueil spécial n° 121 des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. D... A..., chef du bureau de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer, notamment, la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté doit être écarté.

6. L'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet a cité les éléments pertinents dont il avait connaissance et qui fondent sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation.

8. En vertu de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, toute personne dont les empreintes digitales ont fait l'objet d'un relevé aux fins d'enregistrement dans le système Eurodac, bénéficie, de la part des autorités de l'Etat ayant procédé à ce relevé, d'une information relative notamment à l'identité du responsable du traitement de ces données ou de son représentant, à la raison pour laquelle ces données vont être traitées par le système Eurodac, aux destinataires de celles-ci, enfin, à l'existence d'un droit d'accès et d'un droit de rectification. Toutefois, ce droit à information ayant pour seul objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, son éventuelle méconnaissance est, par elle-même, dépourvue d'incidence tant sur la légalité de la décision prescrivant le transfert d'un demandeur d'asile vers l'Etat membre compétent pour sa prise ou sa reprise en charge que sur la régularité de la procédure préalable à l'édiction d'une telle décision. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 doit être écarté comme inopérant.

9. En vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013, une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et cet Etat est déterminé par application des critères fixés par le chapitre III de ce règlement, dans l'ordre énoncé par ce chapitre. Aux termes de l'article 20 de ce règlement : " 1. Le processus de détermination de l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est engagé dès qu'une demande d'asile est introduite pour la première fois auprès d'un Etat membre (...) ". Aux termes de l'article 7 de ce règlement : " 1. Les critères de détermination de l'Etat membre responsable s'appliquent dans l'ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre. 2. La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre ".

10. Il ressort des pièces du dossier que le document émanant de la direction générale des étrangers en France du 15 juin 2020 relève que les recherches sur le fichier " Eurodac " à partir du relevé décadactylaire de M. C... ont révélé que les empreintes de celui-ci sont identiques à celles relevées 16 décembre 2018 par les autorités italiennes sous le numéro IT1CL012KE, soit en catégorie 1, demandeur d'asile. Il en résulte que l'intéressé ne peut être regardé que comme ayant déposé nécessairement une demande d'asile dans ce pays. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le préfet du Pas-de-Calais aurait commis une erreur de droit en ordonnant son transfert en Italie au motif qu'il n'y aurait jamais demandé l'asile, doit être écarté.

11. Le moyen tiré de ce que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 1er juillet 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... C....

Copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.

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N°20DA01284

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01284
Date de la décision : 26/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-11-26;20da01284 ?
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