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19/11/2020 | FRANCE | N°18DA01233

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 19 novembre 2020, 18DA01233


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Habitat 62/59 a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2007 et de prescrire le reversement des sommes indûment perçues par le Trésor, majorées des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1407565 du 17 avril 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :


Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 juin 2018 et le 7 février 2019, la SA Habitat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Habitat 62/59 a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2007 et de prescrire le reversement des sommes indûment perçues par le Trésor, majorées des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1407565 du 17 avril 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 juin 2018 et le 7 février 2019, la SA Habitat des Hauts-de-France, venant aux droits de la SA Habitat 62/59, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et de prescrire le remboursement des sommes indûment versées, augmentées des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me B..., représentant la SA Habitat des Hauts-de-France.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme (SA) Habitat 62/59, aux droits de laquelle est venue la SA Habitat des Hauts-de France, dont le siège social est situé à Coquelles (Pas-de-Calais), est une entreprise sociale pour l'habitat, dont l'activité principale consiste à acquérir des terrains sur lesquels elle fait construire, conformément à l'engagement qu'elle souscrit lors de l'achat, des logements d'habitation à loyer modéré. Elle exerce aussi, à titre accessoire, une activité d'aménageur-lotisseur, consistant à obtenir des autorisations de lotir, à viabiliser et à diviser en parcelles constructibles les terrains pour lesquels elle n'a pas été en mesure de satisfaire à son engagement de construire. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, étendue au 31 juillet 2009, en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de ce contrôle, l'administration a envisagé de pratiquer des rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée, ce dont elle a informé la SA Habitat 62/59 par une proposition de rectification en date du 6 avril 2010. Ces rectifications, qui concernent notamment la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des acquisitions de terrains effectuées durant la période couvrant l'année 2006, que la SA Habitat 62/59 a été regardée comme ayant, à tort, placées, à titre de régularisation, sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge au cours de la période suivante, ont été maintenues malgré les observations formulées par la SA Habitat 62/59. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en résultant ont été mis en recouvrement le 21 août 2011, pour un montant total de 739 398 euros, exempt de pénalités. La SA Habitat des Hauts-de France, venant aux droits de la SA Habitat 62/59, relève appel du jugement du 17 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa demande et de sa réclamation tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée, mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2007, et au reversement des sommes qu'elle estime avoir versées à tort au titre de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière, majoré des intérêts moratoires.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. D'une part, en vertu de l'article 257 du code général des impôts, sont notamment soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les opérations, visées au 6° de cet article, qui portent sur des immeubles et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels ou commerciaux, ainsi que les opérations, visées au 7°, qui concourent à la production ou à la livraison d'immeubles. Les dispositions du 7° de l'article 257 du code général des impôts mentionnent, au a) du 1., les ventes de terrains à bâtir, à l'exception des terrains acquis par des personnes physiques en vue de la construction d'immeubles que ces personnes affectent à un usage d'habitation. Sont également mentionnées au c) du même 1., les livraisons à soi-même d'immeubles. Toutefois, le c) précise que la livraison à soi-même d'immeubles affectés ou destinés à être affectés à l'habitation pour les trois quarts au moins de leur superficie totale et d'immeubles qui ne sont pas destinés à être utilisés pour la réalisation d'opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, n'est imposée que lorsqu'il s'agit, notamment, de logements sociaux à usage locatif mentionnés aux 3° et 5° de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation financés au moyen d'un prêt prévu à l'article R. 331-1 du même code ou d'une subvention de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine qui bénéficient de la décision favorable prise dans les conditions prévues aux articles R. 331-3 et R. 331-6 du même code.

3. D'autre part, en vertu du 1° du 5. de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, applicable à compter du 16 juillet 2006, les opérations immobilières sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elles n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions, rappelées au point précédent, du 7° de l'article 257 de ce code.

4. Il résulte de l'instruction que la SA Habitat 62/59 a procédé, au cours de la période vérifiée, à des acquisitions de terrains, sur lesquels elle a pris un engagement de construire, ces transactions ayant été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée immobilière, au taux de 5,5 %, dès lors qu'elles concourraient à la production ou à la livraison d'immeubles au sens des dispositions précitées du 7° de l'article 257 du code général des impôts. Toutefois, ayant, en définitive, estimé ne pas être en mesure d'édifier elle-même des immeubles à usage d'habitation sur certains des terrains dont elle avait fait ainsi l'acquisition, la SA Habitat 62/59, après l'obtention des autorisations de lotir requises, a procédé à la division et à la viabilisation de ces terrains avant de vendre les parcelles constructibles à des particuliers. Dès lors que les acquéreurs de ces parcelles avaient l'intention d'édifier, sur chacune des parcelles acquises par eux, un immeuble d'habitation destiné à être affecté à leur habitation principale, la SA Habitat 62/59 n'a pas assujetti ces ventes de parcelles à la taxe sur la valeur ajoutée. Elle a cependant demandé à l'administration, par voie de réclamation, de placer rétroactivement l'acquisition des terrains dont s'agit sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, applicable aux opérations visées au 6° de l'article 257 du code général des impôts, en vue de récupérer la taxe acquittée lors de cette acquisition. Toutefois, la SA Habitat 62/59 avait, dans ses déclarations afférentes aux acquisitions en cause, soumis celles-ci, compte-tenu de l'engagement de construire qu'elle avait initialement souscrit, à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions prévues au 7° de l'article 257 du code général des impôts, s'agissant d'opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles et ne pouvant, en tant que telles, bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions, citées au point 3, du 1° du 5. de l'article 261 du même code, qui n'étaient, au demeurant, susceptibles de s'appliquer qu'aux opérations réalisées à compter du 16 juillet 2006. En conséquence, c'est à bon droit que l'administration a refusé de faire droit à cette réclamation.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

5. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ".

6. La SA Habitat des Hauts-de France invoque, sur le fondement de ces dispositions, les prévisions du paragraphe n°17 de la documentation administrative de base 8 A-4111, dans sa version à jour au 15 novembre 2001, aux termes desquelles : " Par mesure de tempérament, les organismes d'HLM qui fonctionnent selon les règles prévues par la législation spéciale en la matière et qui réalisent des opérations de marchands de biens ou assimilées ne sont pas soumis aux taxes sur le chiffre d'affaires lorsque ces opérations n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 257-7° du code général des impôts ". Elle soutient, en outre, que le bénéfice de cet extrait de doctrine ne saurait lui être refusé au seul motif qu'elle ne l'a pas invoqué dans les déclarations afférentes aux acquisitions de terrains qu'elle a effectuées avant de les revendre à des particuliers et invoque, à cet égard, sur le fondement également des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les prévisions des paragraphes n°8 et n°27 de la documentation administrative de base 13 L-1323, dans sa version à jour au 1er juillet 2002, en ce qu'elles énoncent que " (...) tout contribuable qui a souscrit sa déclaration ou présenté un acte à la formalité en fonction des seules dispositions légales ou réglementaires demeure fondé, dans le délai de réclamation, à se prévaloir d'une doctrine plus favorable pour faire échec à toute imposition primitive ou supplémentaire pour autant, toutefois, que la règle d'antériorité soit satisfaite. ".

7. Toutefois, dès lors que la SA Habitat 62/59 a elle-même placé, dans les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a déposées, les acquisitions des terrains en cause sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière prévu au 7° de l'article 257 du code général des impôts, en tirant ainsi, sur le plan comptable, les conséquences des engagements de construire souscrits par elle, la SA Habitat des Hauts-de France n'est pas fondée à invoquer, sur le terrain de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'extrait de doctrine précité, publié au paragraphe n°17 de la documentation administrative de base 8 A-4111 du 15 novembre 2001, dans le champ d'application duquel sa situation n'entre pas, dès lors qu'il exclut expressément de son bénéfice les opérations qui relèvent du 7° de l'article 257 du code général des impôts. Au demeurant, ce paragraphe n°17 de la documentation administrative de base 8 A-4111 du 15 novembre 2001, dont la SA Habitat des Hauts-de France invoque le bénéfice, n'était plus invocable à la date à laquelle elle a introduit, le 3 novembre 2011, sa réclamation, puisqu'il avait été rapporté par l'instruction 8 A-2-07 n° 47 du 29 mars 2007. Par ailleurs, la SA Habitat des Hauts-de France ne peut davantage invoquer les prévisions énoncées aux paragraphes n°8 et n°27 de la documentation administrative de base 13 L-1323, qui explicitent les conditions dans lesquelles un contribuable peut valablement se prévaloir d'un extrait de doctrine sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dès lors que ces énonciations ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale au sens de ces dispositions.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Habitat des Hauts-de France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de la demande et de la réclamation de la SA Habitat 62/59 tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2007, et au reversement, majoré des intérêts moratoires, des sommes qu'elle estime versées à tort au titre de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA Habitat des Hauts-de France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Habitat des Hauts-de France et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°18DA01233


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01233
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Opposabilité des interprétations administratives (art - L - 80 A du livre des procédures fiscales) - Absence.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-11-19;18da01233 ?
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