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22/10/2020 | FRANCE | N°18DA01875

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 22 octobre 2020, 18DA01875


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Axiom International, venant aux droits de la société par actions simplifiées Multigène, a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 24 mars 2016 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en tant qu'elle a annulé la décision du 21 octobre 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité territoriale du Pas-de-Calais a autorisé le licenciement de Mme A... B....

Par un jugement n° 160

3999 du 16 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Axiom International, venant aux droits de la société par actions simplifiées Multigène, a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 24 mars 2016 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en tant qu'elle a annulé la décision du 21 octobre 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité territoriale du Pas-de-Calais a autorisé le licenciement de Mme A... B....

Par un jugement n° 1603999 du 16 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 août 2018, 17 septembre 2018 et 8 janvier 2019, la société Axiom International, représentée par Me C... D..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir, la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 24 mars 2016 en tant qu'elle annule la décision de l'inspecteur du travail du 21 octobre 2015 qui autorisait le licenciement de Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me C... D... pour la société Axiom International.

Considérant ce qui suit :

1. La société Multigène, dont le siège social se trouve à Erin dans le Pas-de-Calais, aux droits de laquelle s'est substituée la société Axiom International, a proposé par courrier du 12 février 2015, à Mme B..., secrétaire commerciale du site de Dijon, une modification de son contrat de travail pour transférer son poste sur le site d'Azay-sur-Indre en Indre-et-Loire. Mme B... a refusé cette modification. La société a alors demandé à l'inspecteur du travail territorialement compétent l'autorisation de licencier Mme B..., titulaire du mandat de déléguée du personnel. Par décision du 21 octobre 2015, l'inspecteur du travail a autorisé ce licenciement. Saisi par Mme B..., sur recours hiérarchique, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé cette autorisation. La société Axiom relève appel du jugement du 16 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ministérielle en tant qu'elle annule la décision de l'inspecteur du travail.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa version applicable : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. " La sauvegarde de la compétitivité et la cessation de l'activité, comme les difficultés économiques ou les mutations technologiques, citées par les dispositions précitées, constituent également des causes de licenciement pour motif économique.

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 2421-10 du même code: " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué du personnel, d'un membre du comité d'entreprise ou d'un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement qui l'emploie. / Elle est accompagnée du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise. / Excepté dans le cas de mise à pied, la demande est transmise dans les quinze jours suivant la date à laquelle a été émis l'avis du comité d'entreprise. / La demande énonce les motifs du licenciement envisagé. Elle est transmise par lettre recommandée avec avis de réception. ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'employeur sollicite de l'inspecteur du travail, l'autorisation de licencier un salarié protégé, il lui appartient de faire état avec précision, dans sa demande, ou le cas échéant dans un document joint à cet effet auquel renvoie sa demande, de la cause justifiant, selon lui, ce licenciement. Si le licenciement a pour cause la réorganisation de l'entreprise, il appartient à l'employeur de préciser si cette réorganisation est justifiée par des difficultés économiques, par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou encore par des mutations technologiques. Lorsque l'autorité administrative estime que le motif pour lequel un employeur lui demande l'autorisation de rompre le contrat de travail d'un salarié protégé n'est pas fondé, elle ne peut légalement accorder l'autorisation demandée en lui substituant un autre motif de rupture de ce contrat de travail, alors même que cet autre motif aurait été de nature, s'il avait été présenté par l'employeur, à justifier une telle rupture.

4. En l'espèce, la demande d'autorisation de licenciement du 27 août 2015 fait état d'un motif économique pour la mesure envisagée, mais se contente de mentionner, à l'appui de ce motif, un plan de développement de l'entreprise, la décision de regrouper ses activités sur le site d'Azay-sur-Indre et la fin du bail des locaux de Dijon. Ne sont donc évoquées à aucun moment des difficultés économiques ou des mutations technologiques ou la sauvegarde de la compétitivité ou la cessation de l'activité. L'ensemble des documents tendant à justifier la modification du contrat de travail des salariés du site de Dijon, puis leur projet de licenciement sont rédigés dans les mêmes termes que la demande d'autorisation et ne précisent donc nullement la cause du motif économique du licenciement. C'est notamment le cas du document d'information des délégués du personnel, présenté lors de la réunion de ces délégués du 30 juin 2015. Au contraire, il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail a indiqué au président de la société, dans son courrier électronique du 7 octobre 2015, que le motif économique n'était pas établi et lui a demandé des éléments démontrant que la demande de licenciement était motivée par la sauvegarde de la compétitivité. L'inspecteur du travail a ainsi excédé sa compétence, la justification du licenciement étant du seul ressort de l'employeur. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Multigène n'a pas précisé la cause du motif économique du licenciement demandé et n'a pas établi préalablement à sa demande que celle-ci était motivée par la sauvegarde de sa compétitivité, par des difficultés économiques, par des mutations technologiques ou par la cessation d'activité. Cette irrégularité justifiait à elle seule l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail et était la seule retenue à cette fin par le ministre chargé du travail. Il n'y a donc pas lieu d'examiner les autres moyens soulevés par la société Axiom qui sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Par suite, la société Axiom n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté, par le jugement du 16 juillet 2018, sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision du ministre du travail du 24 mars 2016 en tant qu'elle retire l'autorisation accordée le 21 octobre 2015 par l'inspecteur du travail pour licencier Mme B....

Sur les frais liés à l'instance :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Axiom demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Axiom une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Axiom est rejetée.

Article 2 : La société Axiom versera la somme de 1 500 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Axiom, à Mme A... B... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

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N°18DA01875

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01875
Date de la décision : 22/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : PRIMAVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-10-22;18da01875 ?
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