Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Lillers a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner les sociétés Sergeant et Artprim et les compagnies d'assurance SMABTP, Mutuelle des architectes français et Aviva à lui verser la somme de 86 902,29 euros hors taxes en réparation des désordres affectant le dojo du complexe sportif, rue du château, ainsi que la somme de 11 380,52 euros toutes taxes comprises en règlement des honoraires de M. J.... Elle a également demandé à ce tribunal que les sociétés Sergeant et Artprim et les compagnies d'assurance SMABTP, Mutuelle des architectes français et Aviva, ainsi que le bureau de contrôle Socotec soient condamnés à lui verser la somme de 133 710,38 euros hors taxes en réparation des désordres du boulodrome du même complexe sportif ainsi que la somme de 17 511,39 euros toutes taxes comprises en règlement des honoraires de M. J.... Elle a aussi demandé la condamnation de la société Sitex à lui verser une somme de 920 euros en règlement des travaux de raccordement à l'extracteur. Elle a enfin demandé la mise à la charge des sociétés Sergeant, Sitex et Artprim, des compagnies d'assurance SMABTP, Mutuelle des architectes français et Aviva et du bureau d'études Socotec, des dépens.
Par un jugement n° 1307327 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes et a mis à la charge de la commune de Lillers, les dépens, liquidés et taxés à la somme de 10 431 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 31 mai 2017, le 27 décembre 2017, le 10 janvier 2018, le 11 juillet 2018, le 10 octobre 2018, le 12 décembre 2018, le 11 avril 2019, le 12 avril 2019 et le 23 juin 2020, la commune de Lillers, représentée par Me Gilles Grardel, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner in solidum, la société Sergeant et la société Artprim à lui verser la somme de 86 902, 29 euros hors taxes correspondant aux travaux nécessaires à la réparation des désordres affectant le dojo du complexe sportif, ainsi qu'une somme de 11 380,52 euros toutes taxes comprises au titre des honoraires de M. J... ;
3°) de condamner in solidum, la société Sergeant, la société Artprim, ainsi que le bureau de contrôle Socotec à lui verser la somme de 133 710,38 euros hors taxes correspondant aux travaux nécessaires à la réparation des désordres affectant le boulodrome du complexe sportif, ainsi qu'une somme de 17 511,39 euros toutes taxes comprises au titre des honoraires de M. J... ;
4°) de condamner in solidum la compagnie Aviva au paiement de l'ensemble de ces sommes ;
5°) de condamner la société Sitex au paiement de la somme de 920 euros pour les travaux de raccordement de l'extracteur ;
6°) de lui donner acte de son désistement à l'égard des sociétés CCB et SMABTP ;
7°) de mettre à la charge in solidum de l'entreprise Sergeant, de la société Artprim, ainsi que du bureau de contrôle Socotec et de la compagnie Aviva, les dépens ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
8°) à titre subsidiaire, de condamner la seule société Artprim au paiement des mêmes sommes, à la seule exception des travaux de raccordement de l'extracteur.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me Stanislas Leroux, substituant Me Grardel, pour la commune de Lillers, de Me Marine Gobillot pour la société Artprim et la mutuelle des architectes français, de Me Marion Bourel, substituant Me Houyez pour la société Aviva et de Me Jean-François Pille pour les sociétés Sitex, CCB et SMABTP.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Lillers a entrepris la construction d'un complexe sportif, rue du château. Dans ce cadre, elle a conclu avec la société Sergeant, un marché pour le lot n° 3 " couverture, zinguerie, étanchéité ", par acte d'engagement du 12 décembre 2007. Des infiltrations d'eau sont apparues dans ce bâtiment. La commune a saisi le tribunal administratif de Lille qui, par ordonnance du 7 juin 2012 a désigné un expert. Celui-ci a rendu son rapport le 20 janvier 2015. La commune relève appel du jugement du tribunal administratif de Lille du 4 avril 2017 qui a rejeté ses demandes d'indemnisation.
Sur le désistement partiel de la commune :
2. La commune de Lillers s'est désistée de ses conclusions dirigées contre la société CCB, sous-traitant du maître d'oeuvre et contre la SMABTP, assureur de la société Sergeant. Rien ne s'oppose à ce désistement qui est pur et simple. Il en est donc donné acte.
Sur la responsabilité contractuelle de la maîtrise d'oeuvre :
3. Des conclusions présentées pour la première fois en appel au titre d'une cause juridique non invoquée en première instance, constituent des conclusions nouvelles en appel et sont par suite irrecevables. Il en est ainsi, lorsque sont évoquées en appel des conclusions au titre de la responsabilité contractuelle alors qu'en première instance, le demandeur avait uniquement fondé sa demande sur la garantie décennale. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la commune de Lillers a formulé sa demande de première instance en visant exclusivement l'article 1792 du code civil. Si elle se fonde sur son dernier mémoire enregistré le 22 décembre 2016 par le tribunal administratif de Lille, celui-ci indiquait : " la commune de Lillers entend tout d'abord rappeler que ses demandes étant fondées sur le régime de responsabilité découlant des articles 1792 et suivants du Code civil, la société Artprim supporte une présomption de responsabilité " avant de donner une liste des griefs de la commune à l'encontre de son maître d'oeuvre. Ses écritures de première instance ne peuvent donc pas être considérées comme fondées sur la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre. Par suite, la commune n'est plus recevable, en cause d'appel, à invoquer la responsabilité contractuelle de ses cocontractants dans les marchés de travaux publics de construction du complexe sportif, rue du château, alors qu'en première instance, elle se plaçait uniquement sur le terrain de la garantie décennale des constructeurs.
Sur la garantie décennale des constructeurs :
4. La responsabilité décennale des constructeurs ne peut être mise en jeu que pour les ouvrages ou parties d'ouvrage réceptionnés sans réserves. Par ailleurs, l'article 41.3 du cahier des clauses administratives générales, annexé au décret du 21 janvier 1976, applicable au marché, prévoit que : " la personne responsable du marché décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves ".
5. En l'espèce, le procès-verbal de réception du 30 juillet 2010 émet une réserve générale sur la couverture du bâtiment. La liste des réserves dressées le 6 août 2010 par le seul maître d'oeuvre ne peut être considérée comme la décision de réception de cette couverture, qui incombe au seul maître d'ouvrage en application des dispositions précitées du cahier des clauses administratives générales. Cette liste comporte au surplus des réserves significatives, directement liées aux désordres dont la commune demande réparation, tant sur l'étanchéité non assurée du boulodrome que sur des défauts de couverture à reprendre.
6. Si la commune soutient dans ses dernières écritures que l'ouvrage a fait l'objet d'une réception tacite, il est constant d'après les pièces du dossier, que la commune n'avait pas l'intention de réceptionner la couverture, se plaignant des infiltrations dans les salles d'activité du bâtiment. C'est pour ce motif, que le marché du lot n° 3 a été résilié par la commune de Lillers par un courrier du 6 décembre 2011 adressé à la société Sergeant. Toutefois, aux termes de l'article 46.2 du cahier des clauses administratives générales annexé au décret du 21 janvier 1976 et applicable au marché : " En cas de résiliation, il est procédé, l'entrepreneur ou ses ayants droit, tuteur, curateur ou syndic, dûment convoqués, aux constatations relatives aux ouvrages et parties d'ouvrages exécutés, à l'inventaire des matériaux approvisionnés, ainsi qu'à l'inventaire descriptif du matériel et des installations de chantier. Il est dressé procès-verbal de ces opérations. L'établissement de ce procès-verbal emporte réception des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés, avec effet de la date d'effet de la résiliation, tant pour le point de départ du délai de garantie défini à l'article 44 que pour le point de départ du délai prévu pour le règlement final du marché au 32 de l'article 13. ". Le courrier du 6 décembre 2011 se borne à rappeler l'existence d'un procès-verbal de réception avec réserves à effet du 16 juillet 2010. A cette occasion, la commune a fait dresser le 15 novembre 2011 un constat d'huissier des désordres liés à la couverture. Mais ces éléments ne sauraient tenir lieu du procès-verbal de résiliation prévu par l'article 46.2 du cahier des clauses administratives générales et par suite emporter réception, dès lors notamment qu'il n'est pas établi qu'ils aient été précédés des opérations contradictoires d'inventaire, mentionnées par les dispositions précitées. Au demeurant, à supposer même que ce courrier puisse être considéré comme valant procès-verbal de résiliation, il fait état de l'existence de réserves et en tout état de cause, à cette date, les désordres affectant le bâtiment et liés à la couverture étaient apparents. En effet, au cours du chantier, le maître d'oeuvre a rappelé à de nombreuses reprises à la société Sergeant la nécessité de réparer les infiltrations dans le bâtiment, liées à un défaut de couverture, comme en attestent par exemple les télécopies des 11 juin 2009, 22 juin 2010 et 27 juillet 2010. Si l'expert désigné par le tribunal note que ces dommages ont été réparés au fur et mesure du chantier, il indique également que les défauts de couverture du boulodrome étaient connus avant la réception avec réserves. Ainsi la résiliation du marché ne peut pas plus être regardée comme ayant conduit à une réception sans réserve du lot n° 3.
7. Il résulte de tout ce qui précède que faute de réception du lot n° 3, la garantie décennale des constructeurs ne pouvait ainsi être engagée.
Sur la responsabilité de l'assureur de la commune :
8. Aux termes de l'article 3.1.1.2 du contrat d'assurance conclu entre la commune de Lillers et la compagnie Aviva assurances, qui reprend pour partie les dispositions du huitième alinéa de l'article L. 242-1 du code des assurances : " La période de garantie commence au plus tôt, sous réserve des dispositions du paragraphe suivant, à l'expiration du délai de parfait achèvement définie à l'article 1792-6 du code civil. Elle prend fin à l'expiration d'une période de dix ans à compter de la réception. Toutefois, la garantie est acquise : - avant réception, lorsqu'après mise en demeure infructueuse, le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur est résilié pour inexécution de son obligation de réparer ; - après réception, et avant l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement, lorsqu'après une mise en demeure restée infructueuse, l'entrepreneur n'a pas exécuté, dans le délai fixé au marché, ou, à défaut, dans un délai de quatre-vingt-dix jours, son obligation de réparer. ". La réception, pour l'application du contrat est défini par l'article 6. 16 du contrat comme " l'acte par lequel le maître d'ouvrage accepte avec ou sans réserves, les travaux exécutés, dans les conditions fixées par l'article 1792-6 du code civil. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement. ".
9. En l'espèce, la réception avec réserves prononcée contradictoirement le 30 juillet 2010 constitue, en application des dispositions rappelées au point 8, la date de la réception au sens du contrat d'assurance. Or, les désordres étaient antérieurs à cette date ainsi qu'il a été dit au point 6. La période de garantie de droit commun prévue par les clauses du contrat d'assurance n'avait donc pas commencé à courir pour ces désordres puisque le délai de parfait achèvement n'était pas expiré, le procès-verbal de réception au titre de la garantie de parfait achèvement n'étant intervenu avec réserves que le 28 juillet 2011. S'agissant ensuite du premier cas dérogatoire de mise en jeu de la garantie pour des désordres avant réception, il n'est pas contesté que le marché n'a été résilié que le 6 décembre 2011, postérieurement donc à la réception au sens du contrat. La garantie " dommage-ouvrage " souscrite par la commune n'était donc pas, non plus, acquise de manière dérogatoire, avant réception. S'agissant enfin du deuxième cas dérogatoire de la garantie, prévu par l'article 3.1.1.2 précité, les désordres étant antérieurs à la réception au sens du contrat, cette hypothèse ne pouvait donc être mise en oeuvre. Pour soutenir qu'elle doit bénéficier de la garantie " dommage-ouvrage " de son assureur, la commune se borne à indiquer que les désordres n'étaient pas connus à la date du 30 juillet 2010. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, les infiltrations ont été récurrentes au cours du chantier, ont fait l'objet d'une réserve à la réception et ont perduré pendant toute la période de parfait achèvement. Compte tenu de ces éléments, la commune de Lillers ne peut soutenir que les désordres seraient postérieurs au 30 juillet 2010 et qu'en conséquence le dommage est intervenu après la réception au sens du contrat d'assurance. La commune n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande de mise en jeu de la responsabilité contractuelle de son assureur, la compagnie Aviva assurances.
Sur la responsabilité de l'entreprise Sitex :
10. La commune de Lillers présente des conclusions en cause d'appel dirigées contre l'entreprise Sitex, titulaire du lot n° 8 " chauffage gaz et ventilation mécanique ", fondée sur la responsabilité contractuelle. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, non contesté sur ce point, que les travaux de la société Sitex ont fait l'objet d'une réception définitive sans réserves le 16 juillet 2010. Au surplus, si la commune entend invoquer la garantie décennale de ce constructeur, il n'est pas établi que l'absence d'extraction d'air résultant de l'absence de branchement, dont la société Sitex conteste en outre qu'il lui incombe, rende l'ouvrage impropre à sa destination. En outre, si la commune soutient que l'absence de branchement n'était pas visible lors de la réception, il résulte également du rapport d'expertise qu'il n'a été procédé à aucun essai de cet extracteur qui aurait permis de s'assurer de ce branchement. Par suite, les conclusions de la commune de Lillers dirigées contre la société Sitex ne peuvent qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Lillers n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres fins de non- recevoir opposées en défense. Par suite, la requête de la commune de Lillers doit être rejetée, y compris ses conclusions au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative. Le rejet de l'appel principal a pour conséquence de ne pas aggraver la situation des intimés, de sorte que leurs appels provoqués sont irrecevables et doivent être rejetés. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions reconventionnelles des sociétés SMABTP et CCB tendant à ce que la commune de Lillers leur verse des dommages et intérêts pour procédure abusive. Il y a lieu, en revanche de mettre à la charge de la commune de Lillers, la somme de 400 euros, à verser à chacun des intimés, à savoir la société Artprim, à la mutuelle des architectes français, au bureau de contrôle Socotec, à la SMABTP, à la SA Allianz, à la société Sitex, à la société CCB et à la compagnie Aviva assurances.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions de la commune de Lillers dirigées contre la société CCB et contre la SMABTP.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Lillers est rejeté.
Article 3 : La commune de Lillers versera à la société Artprim, à la mutuelle des architectes français, au bureau de contrôle Socotec, à la SMABTP, à la SA Allianz, à la société Sitex, à la société CCB et à la compagnie Aviva assurances la somme de 400 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Artprim, de la mutuelle des architectes français, du bureau de contrôle Socotec, de la SMABTP, de la SA Allianz, de la société Sitex, de la société CCB et de la compagnie Aviva assurances est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lillers, à la société Artprim, à la mutuelle des architectes français, au bureau de contrôle Socotec, à la SMABTP, à la SA Allianz, à la société Sitex, à la société CCB et à la compagnie Aviva assurances, à la société Sergeant, à la société FCB, à Me Philippe Angel en qualité de liquidateur judiciaire de la société Picardie étanchéité et à la société Nord façades.
N°17DA01030 2