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29/09/2020 | FRANCE | N°20DA00342

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 29 septembre 2020, 20DA00342


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 avril 2019 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1906549 du 23 octobre 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 février 20

20 et un mémoire enregistré le 7 septembre 2020 non communiqué, M. B..., représenté par Me D... ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 avril 2019 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1906549 du 23 octobre 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 février 2020 et un mémoire enregistré le 7 septembre 2020 non communiqué, M. B..., représenté par Me D... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, pendant la durée de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour dans le même délai et sous la même astreinte.

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de déontologie médicale ;

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,

- et les observations de Me D... A..., représentant M. C... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant russe, né le 24 août 1968, a déclaré être entré en France le 7 novembre 2008. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 29 juin 2009, décision confirmée le 2 avril 2010. Le 3 janvier 2018 il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève appel du jugement du 23 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 avril 2019 du préfet du Nord refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

En ce qui concerne le refus du titre de séjour " étranger malade " :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

3. L'article R. 313-22 du même code dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. (...) / Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. / (...) ".

4. Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 5 janvier 2017 susvisé : " L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile confie, dans le cadre de la procédure de délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé, à un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le soin d'émettre un avis au vu d'un rapport médical établi par un médecin du service médical de cet office. / Les règles déontologiques communes à tout médecin, telles qu'elles résultent des articles R. 4127-1 et suivants du code de la santé publique, sont applicables à la procédure mentionnée au premier alinéa du présent article. / L'avis communiqué au préfet par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne comporte aucune information couverte par le secret médical, détaillé en annexe I, ni aucun élément susceptible de révéler la pathologie du demandeur. Le rapport médical mentionné au premier alinéa du présent article n'est communicable ni à cette autorité administrative ni à aucune autre. / Les conditions de transmission du certificat médical, telles que prévue dans l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont assurées dans le respect du secret médical, qui implique que les agents des services préfectoraux ne puissent pas accéder à une information médicale couverte par ce secret. Ces agents ne peuvent faire état d'informations médicales concernant un étranger que celui-ci a, de lui-même, communiquées, que dans le cadre d'une procédure contentieuse ".

S'agissant de la légalité externe :

5. Si les prescriptions des articles 28 du code de déontologie médicale et R. 4127-60, R. 4127-28 et R. 4127-76 du code de la santé publique sont au nombre des règles professionnelles que l'auteur du rapport médical et les membres du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doivent respecter, elles ne régissent toutefois pas la procédure administrative au terme de laquelle le préfet prend sa décision. Les moyens tirés de la violation de ces dispositions sont donc inopérants.

6. En tout état de cause, si M. B... souffre d'un stress post traumatique, il ressort du rapport médical, corroboré par le certificat médical et l'ordonnance produits à l'instance par l'intéressé, qu'il a bénéficié de dix-sept consultations spécialisées depuis mai 2015, soit environ une tous les deux mois seulement, et d'un traitement par miansérine à une dose de 30 mg par jour pour une posologie allant de 30 à 90 mg. La pathologie de M. B... ne présentait ainsi pas de complexité particulière, de sorte que n'étaient nécessaires ni la consultation d'un psychiatre par le médecin généraliste auteur du rapport médical, ni la rédaction d'un rapport plus développé, ni la convocation de l'intéressé devant le rapporteur ou devant le collège de médecins.

S'agissant de la légalité interne :

7. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

8. Pour refuser d'accorder à M. B... un titre de séjour pour raison médicale, le préfet du Nord a estimé, au vu notamment de l'avis émis le 15 septembre 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que, si l'état de santé de l'intéressé rendait nécessaire une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

9. Si M. B... invoque la gravité de la pathologie dont il souffre, il a versé au dossier un unique certificat médical établi le 6 juin 2019 par un médecin psychiatre indiquant qu'il présente " un état de stress post-traumatique " et que " les perspectives d'évolution restent pessimistes du fait du caractère ancien du traumatisme ". Un tel document ne suffit pas à remettre en cause l'avis susanalysé du collège de médecins. En tout état de cause, l'intéressé n'établit pas, ni même n'allègue, qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement dans son pays d'origine.

10. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la vie privée et familiale :

11. M. B... qui, en dépit d'une mesure d'éloignement prononcée à son encontre en 2011, résiderait en France depuis onze ans à la date de l'arrêté attaqué, se prévaut de la présence régulière sur le territoire français de son fils majeur et de ses frères et soeurs sans toutefois produire aucun élément au soutien de ses allégations. Il n'établit pas davantage la continuité de son séjour en France. En outre, il a déclaré, dans sa demande de titre de séjour du 3 janvier 2018, être divorcé et il n'établit pas qu'il exercerait une quelconque activité professionnelle en France. Enfin, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Russie, pays dans lequel il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante ans et où réside encore sa mère.

12. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour en litige est entaché d'illégalité.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

14. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus d'un titre de séjour doit être écarté.

15. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

16. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'est pas établi que l'intéressé ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement dans son pays d'origine. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français a violé les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

17. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et à Me D... A....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

N°20DA00342 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00342
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : BERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-09-29;20da00342 ?
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